La chronique publiée à Hong Kong le 19 février, au South China Morning Post, interpelle. L’économiste David Brown affirme qu’il est temps pour Pékin de cesser de prétendre que tout va bien et qu’une stabilisation de l’économie serait pour demain, sans avoir recours à une intervention radicale. Il accuse radicalement l’administration chinoise de contrevérités, et donne pour exemple le dernier indice de confiance de l’Office National Statistique, 113 points, chiffre s’approchant du « plus haut niveau depuis 25 ans ». Mais, objecte Brown, « les enquêtes indépendantes sur le même sujet obtiennent des résultats bien plus faibles, reflétant les soucis sur la guerre commerciale, l’insécurité de l’emploi et l’affaiblissement du pouvoir d’achat ».
Le PIB peut-il réaliser l’objectif de croissance de 6% en 2019 ? La presse du régime l’assure, mais l’auteur en doute : si les projections des experts de l’Etat, qui demeurent secrètes, aboutissent à 4-5%, « il faudra sonner l’alarme ». Et si elles donnent 2-3%, il faudra « presser le bouton de panique ». Pékin, conclut Brown, peut encore redresser la barre, mais seulement en recourant aux bonnes mesures, et en admettant avec « honnêteté brutale » la gravité de la crise. Par sa franchise, un tel message est rare, surtout provenant du quotidien sous la houlette du groupe chinois Alibaba. Il reflète l’inquiétude des milieux d’affaires privés, voire ceux proches du sommet de l’Etat.
Que l’économie chinoise perde sa vapeur, s’illustre dans le secteur automobile : par rapport aux 12 derniers mois, il régressait en janvier de 17,7%, après avoir subi une contraction de 15,8% le mois précédent. L’acheteur appauvri, sevré de crédit (notamment suite à la fermeture de plateformes P2P) garde ses économies pour des temps meilleurs. Et les industriels, comprenant que l’âge d’or de l’automobile traditionnelle s’achève, se cherchent un nouveau modèle commercial.
Le cas du groupe français PSA en Chine est intéressant. Après son heure de gloire en 2014, où il vendait 740.000 voitures et portait sa capacité à 1,2 million d’unités, il n’a plus écoulé en 2018 que 262.600 véhicules en 2018 (–33%). Son état-major avait conscience que la tendance était inéluctable, mais peut-être a-t-il été pris de court. Depuis des années, il prépare son plan de transformation digitale en Chine, dans les services autour de l’automobile. Avec le partenaire Dongfeng, Banque PSA Finance offre aux acheteurs le crédit que les banques classiques ne proposent plus. Dans le Hubei, une de ses principales bases, PSA lance sa filiale Free2moved’autopartage, soutenue par Fengbiao, Dongfeng et Wuhan Electric Demonstration. Avec Jian Xin et UAP Auto Union, PSA entre sur le marché de la pièce de rechange. Puis le 18 février, en collaboration avec Fengche, il se fait distributeur de voitures d’occasion… L’effort est conséquent. Mais au fond, n’est-ce pas à cela que sert une crise économique ? À écarter des produits ou services devenus moins pertinents auprès du consommateur, suite à l’arrivée d’autres solutions moins onéreuses et polluantes.
Enfin, le vice–Premier Liu He, en négociations à Washington, serait sur le point de boucler un compromis avec les Etats-Unis sur le litige qui oppose les deux pays. Pour permettre de le finaliser, Donald Trump annonçait le 25 février le recul de la date butoir du 1er mars, où 200 milliards de $ de produits chinois seraient taxés à 25%. L’accord comprendrait une commande chinoise de 1200 milliards de $ de produits américains sur six ans, dont 200 milliards de semi-conducteurs. Mais pour le programme de montée en puissance du semi-conducteur chinois, cela signifiera un grand danger. Les immenses investissements sectoriels des années passées n’ont pas permis de progrès flagrants dans le secteur. Le pays demeure dépendant des fournisseurs américains et taïwanais pour les technologies les plus avancées, et accuse un retard de 5 à 15 ans sur les Etats-Unis.