Dévoilant une part d'intimité propre à chacun, le sexe attise la curiosité et fait vendre. Les télévisions françaises et italiennes ne posent pourtant pas le même regard sur le X. Ce qui se passe dans la chambre à coucher ne devrait-il ne rester que dans la chambre à coucher ?
© Hard, Canal+ (DR)
Une différence cul-turelle
Si Rocco Siffredi est (entre autres) apprécié pour son jeu d'acteur bien au-delà de la Péninsule, les Italiens seraient-ils frileux face à la pornographie ? En 2007, les télévisions nationales et locales se sont vues interdire la diffusion de tout film pour adultes, même dans la nuit. Les autorités italiennes se sont appuyées sur la Directive européenne du 3 octobre 1989, qui dénonce les "programmes susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs".
Perçu comme une représentation immorale de la sexualité, le porno est exclusivement réservé aux opérateurs satellitaires en mesure d'imposer un code parental et de crypter les scènes osées. Le groupe britannique Sky est ainsi le seul à consacrer cinq chaînes au X même si Mediaset Premium aurait envisagé de proposer un bouquet similaire en novembre 2012. De l'autre côté des Alpes, l'avènement du cinéma pornographique est intiment lié à la naissance de Canal+. Se devant de marquer les esprits pour exister, la chaîne cryptée diffuse le 31 août 1985 le premier porno, sobrement intitulé Exhibition.
Dès 2002, bien avant son homologue italien, le Conseil supérieur de l'Audiovisuel est également parti en guerre contre cette programmation audacieuse en citant la loi européenne. Pourquoi l'instance a-t-elle finalement reculé ? Concevoir la pornographie comme une ?uvre impertinente et gage de m?urs libérées en est la réponse. Un proche du dossier confiait d'ailleurs à Libération : "Avec un Sarkozy [Ministre de l'Intérieur, ndlr] très dur, Chirac et Raffarin ne pouvaient pas se payer le luxe d'une droite rétrograde qui prône le retour à l'ordre moral."
© Silvia Kristel, Emmanuelle, 1974 (DR)
Le désamour de l'Italie avec la luxure s'est renforcé en 2010 avec la signature du décret Romani. L'accès aux chaînes thématiques Sky a en effet été réduit de 23h00 à 07h00 afin de protéger les mineurs. Encadrant tous les programmes susceptibles d'heurter la sensibilité des téléspectateurs, le texte s'attaque aux scènes à connotation sexuelle et de violence gratuite. Paradoxalement, les chaînes publiques diffusent pourtant des films à caractère violent dès 21h00 et d'horreur après 23h00, à l'instar de Rai4 qui retransmettait en décembre 2012 Saw 4 et 5 à 23h40.
Le décret Romani a également réitéré l'interdiction de diffusion des annonces érotiques et chats roses présentés en direct par des animatrices aux allures de call girls. Ces images débridées subsistent néanmoins sur certaines chaînes locales, telles Atv7 et Teleregione3 à Rome, qui s'affranchissent de la législation en toute impunité. En France, les publicités coquines constituent pour les chaînes de la TNT des revenus non négligeables face à un marché publicitaire asphyxié. TMC et NT1 (groupe TF1) pimentent d'ailleurs leur grille par des films érotiques peu coûteux, dont la sensuelle franchise Emmanuelle datant des années 1970. M6 a, quant à elle, arrêté ce genre de transmission en 2005 pour gagner en respectabilité.
L'érotisme n'est pas le seul biais qu'a trouvé le sexe pour s'exhiber à la télévision avec plus de retenue. Le cinéma pour adultes a ainsi inspiré de récentes séries dramatiques, dont les scènes sont suggestives sans pour autant être pornographiques. Depuis 2008, Hard de Canal+ pénètre ainsi dans l'envers du décor de l'industrie du X. Mediaset prévoit un remake pour 2013, après que sa chaîne Mya (Mediaset Premium) ait diffusé la première saison originale en 2010.
Ce n'est pas la taille qui compte !
Moins contrôlé, plus rapide et quasiment anonyme, Internet est devenu le premier moyen de consommer du porno. Les chiffres de plusieurs enquêtes américaines ont d'ailleurs de quoi exciter les producteurs. Tous pays confondus, 70% des hommes consomment du X au moins une fois par mois sur la Toile, tandis que l'âge moyen du premier film visionné est de 11 ans. Un quart des recherches sur Google concernent même une thématique sexy.
Face à cette concurrence du gonzo, les télévisions tenteraient-elles finalement de traiter le sexe avec sérieux et non comme un simple objet de subversion ? Sex Therapy s'essaie bien sur Cielo TV à répondre aux problèmes intimes de certains couples. Toutefois, le format est souvent plus voyeuriste que réellement utile, alliant psychologie de comptoir et télé-réalité intrusive.
Se voulant davantage pédagogique, Fox Life Italia (Sky) a récemment adapté The Sex Education Show. Originaire du Royaume-Uni où elle est diffusée dès 21h00 sur une chaîne publique, l'émission n'hésite pas à montrer des pénis et seins "normaux" afin de rééduquer les adolescents qui ont une image déformée de la sexualité. À quand une diffusion en clair, en France ou en Italie ? Voilà enfin une initiative qui serait vraiment osée.
Martin CANGELOSI (www.lepetitjournal.com/rome) - Jeudi 24 janvier 2013
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