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ARAQUEM ALCANTARA – Voyages photographiques au cœur du Brésil

Écrit par Lepetitjournal Sao Paulo
Publié le 4 juin 2014, mis à jour le 5 juin 2014

Précurseur de la photo de la nature au Brésil, Araquem Alcântara a atteint une renommée internationale. Il arpente le pays qu'il aime afin de révéler la beauté et la variété de la nature et du peuple brésiliens, mais également pour alerter sur les questions environnementales.

Avant de se tourner vers la photographie, Araquem Alcântara était journaliste. Jusqu'à un soir où il assiste à Santos, où il a grandi, à une projection d'un film sans presque aucun son et en noir et blanc du Japonais Kaneto Shindo : L'Ile nue. La beauté de la pureté des images le saisit. Une épiphanie qui l'incite à s'essayer à la photographie, l'image et son pouvoir évocateur lui semblant désormais primer sur le mot. L'image s'avère également une arme efficace dans son engagement social et écologique. Sa première exposition, "Les urubus de la société" (1973), est centrée sur les vautours, des oiseaux qui côtoient la mort et la misère. Elle sera taxée de communiste et on l'interroge sur ce choix assez peu vendeur. Il poursuit sur la même voie et travaille pour des magazines tels que Veja, National Geographic, Geo, Isto É, Elle, Marie Claire.

Six ans plus tard, un conseiller municipal de la région de Jureia lui commande un travail sur la région, située en plein c?ur de la Mata Atlântica. Il se promène, vit et travaille au milieu de la forêt durant plusieurs jours. Une révélation qui l'amène à placer la nature au c?ur de ses préoccupations artistiques et personnelles en parcourant des milliers de kilomètres.

Depuis plus de 40 ans, Araquem Alcântara arpente le Brésil pour "enregistrer ses beautés". Il dévoile la faune, la flore et les habitants de l'arrière-pays, ce sertao dont l'ont nourri les lectures des ?uvres de Lima Barreto, Machado de Assis et Guimarães Rosa. La variété du sertao et des forêts le fascine et ne cesse de l'inspirer dans la création de ses "poèmes visuels", comme il aime à définir son travail photographique. A travers ses clichés, le photographe voyageur propose un témoignage géographique, raconte des histoires et alerte. Il a déjà publié 47 livres et reçu de nombreux prix nationaux et internationaux.

Entre deux voyages, deux workshops et deux projets de livres, Lepetitjournal.com l'a rencontré.

Lepetitjournal.com ? Quel est le Brésil que vous souhaitez montrer au monde à travers votre travail ?
Araquem Alcântara ? J'ai dédié ma vie à la photographie de l'homme du sertao et des grands espaces. Le Brésil dispose d'une biodiversité incroyable. Toute mon ?uvre est inspirée par ce pays : la forêt amazonienne, le littoral, la Mata Atlântica, le cerrado, la caatinga, la pampa? Je veux montrer le peuple brésilien, son mode de vie dans la forêt et le sertao. C'est une manière de révéler le Brésil et de construire notre identité de peuple brésilien.

Dans tout ce que je fais, je suis mon c?ur. J'aime cette phrase de l'anthropologue Carlos Castaneda qui dit : "Pour moi, il n'existe qu'un chemin, celui du c?ur. Et le long de celui-ci, je voyage, je voyage, en regardant, en regardant à en perdre haleine".

Quand êtes-vous devenu "photographe-voyageur" ?

Au début des années 80, un gouverneur souhaitait déboiser une large zone de Mata Atlântica dans la région de Jureia pour y construire une usine nucléaire. Avec mon père, nous nous sommes rendus jusqu'à la plage de Grajauna où devait être monté le projet. Je l'y ai photographié tenant une image représentant des victimes de la bombe d'Hiroshima. Le cliché a fait le tour du monde. Le projet a été abandonné et l'espace a été transformé en réserve écologique. Cette photo est devenue une arme de combat.

Etre photographe-voyageur m'a permis d'unir la diversité de peuples et d'écosystèmes du Brésil, de créer une mémoire visuelle visant à montrer qu'il faut s'efforcer de sauver ce qui peut encore l'être. Le plus grand patrimoine du Brésil, c'est son oxygène, ses forêts, ses arbres, son eau et son peuple. Déjà 93% de la superficie originelle de la Mata Atlântica, 99% des araucarias (arbres traditionnels du sud du Brésil ndlr), 45% du cerrado (région de savane), 40% de la caatinga (zone recouverte de cactus et buissons épineux) et 20% de la forêt amazonienne ont été détruits. Nous ne pouvons offrir en héritage une terre décimée. L'art a ce pouvoir transformateur.

Par quelle zone du Brésil restez-vous le plus fasciné ?
J'ai voyagé à travers les différents parcs naturels du Brésil, parcouru des milliers de kilomètres de paysages sublimes. Mais l'Amazonie est une région qui demeure la source de nombreuses créations. Elle recèle encore un grand nombre de mystères, d'espaces et de peuples inconnus.

Il est indispensable d'y instaurer un nouveau modèle de développement économique et social. L'état n'y montre pas assez sa présence, donc une sorte d'état parallèle s'y est mis en place.

C'est votre expertise sur cette région qui a amené Thierry Ragobert à vous contacter pour participer à son projet de film Amazônia ?
J'ai en effet été appelé pour être consultant sur le film de Thierry Ragobert. Nous avons regardé une carte et je leur ai indiqué les sites où il serait possible et intéressant de pouvoir filmer certaines scènes. Le réalisateur m'a fait confiance et a déclaré : "Dans la forêt, je te suis !". J'ai aussi suggéré que nous réalisions un livre à partir du film. Les éditions de la Martinière ont donc publié Amazonia, avec mes photos et des textes rédigés par Thierry Piantanida.

Sur quels nouveaux projets travaillez-vous actuellement ?

Je souhaiterais pouvoir montrer au reste du monde le vrai Brésil, ce Brésil profond, épique, dans des grands formats. Pour chanter ce Brésil, je pense aussi à passer à la vidéo. Le producteur brésilien d'Amazonia a l'idée de vouloir tourner 13 épisodes d'un documentaire qui m'accompagnerait dans différents lieux du Brésil. Le concept est en train d'être défini.

Sur le plan photographique, je suis en train de plancher sur mon prochain livre qui sera consacré à l'écosystème des "veredas". On travaille sur une nouvelle technique qui travaille sur quatre tons de gris auxquels on ajoute une touche un peu plus chaude.

Pour mes 50 ans de carrière, j'aimerais vraiment pouvoir exposer en France une rétrospective de mon travail.

L'envie de photographier d'autres pays que le Brésil vous est-elle déjà venue ?
J'aurais très envie de voyager en Afrique et de photographier ses grands espaces et sa vie sauvage.

Propos recueillis par Amélie PERRAUD-BOULARD (www.lepetitjournal.com - Brésil) jeudi 5 juin 2014



Le site d'Araquem Alcântara

Le film Amazonia sort dans les salles brésiliennes le 26 juin :

À la suite d'un accident d'avion, un jeune singe capucin né en captivité se retrouve brutalement seul et désemparé au c?ur de la forêt amazonienne. Il va devoir apprendre à se protéger de la férocité implacable d'une nature toute puissante. Sans repères et confronté aux mille et un périls de l'immensité verte, il lui faudra s'adapter à cet univers inconnu, grouillant, foisonnant, souvent merveilleux mais aussi étrange et hostile. ?Héros d'une extraordinaire aventure qui lui fera affronter non seulement ses semblables mais aussi des prédateurs redoutables, des végétaux toxiques et l'Amazone en crue, il va entamer un long voyage qui lui permettra de découvrir enfin sa seule chance de survie : une place parmi les siens? A partir de 6 ans

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Publié le 4 juin 2014, mis à jour le 5 juin 2014

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