Ce dimanche les Chiliens et les Chiliennes vont devoir dire s’ils veulent, ou non, d’une nouvelle constitution pour leur pays. Un vote qui découle directement du mouvement social qui a boulversé le Chili il y a tout juste un an.
Des drapeaux "Apruebo" (j’approuve) accrochés aux balcons, les mots "convención constituyente" (convention constituante) tagués sur les murs du centre ville... Le Chili s’apprête à voter pour décider de son avenir. Dimanche 25 octobre, la population se rendra aux urnes pour décider d’adopter une nouvelle constitution, ou non.
Un vote qui se tiendra un an et une semaine après le début du mouvement social qui avait éclaté dans le pays en octobre 2019. Après des mois de protestations et de violents affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants, qui ont fait des milliers de bléssés, le gouverment chilien avait pris la décision d’organiser ce référendum pour trouver une sortie à cette crise qui a secoué tout le pays.
Un vote avec un double enjeu
Dans un premier temps, la question à laquelle les citoyens vont devoir répondre est s’ils approuvent ou s’ils rejettent le projet de nouvelle constitution. Puis ils devront également répondre à une deuxième question. Car dans le cas où le "oui" à la nouvelle constitution l’emporterait, ils vont devoir indiquer la manière dont celle-ci sera rédigée.
Deux choix s’offriront alors à eux : la "convention constituante" serait composée essentiellement de personnes élues par les citoyens pour la rédaction de la nouvelle constitution ; la "convention mixte constitutionnelle", quant à elle, comprendrait 50 % de parlementaires et 50 % de personnes élues par les citoyens.
Et c’est sur ce dernier point qu’il y a débat. Parmi les arguments contre la convention mixte constitutionnelle, on retouve celui du manque de représentativité. Javier Sajurja est avocat à l’Université Catholique du Chili et également professeur de science politique à l’Université de Queen Mary à Londres. Il s’exprime dans un article du journal d’investigation CiperChile : "[La convention mixte constitutionnelle] va limiter la participation des indépendants et va donner, une nouvelle fois, plus de pouvoir aux partis politiques et aux coalitions historiques. À un moment où la représentation dans le système politique est questionnée, la convention mixte constitutionnelle limite l’entrée de nouveaux acteurs, et les partis politiques eux-mêmes, dans le processus de construction de la nouvelle constitution."
En réponse à cet argument certains mettent en avant la question de l’expérience. C’est le cas de l’avocat Víctor Manuel Avilés, professeur de droit constitutionnel à l’Université du Chili. Dans un article du journal digital Pauta, il explique pourquoi il est serait important que la convention mixte consitutionnelle remporte le référendum : “[Les politiques] savent négocier et mener des accords. Il y a des experts parlementaires qui peuvent travailler également. Cependant, le plus important, c’est qu’il ne peut pas y avoir de démocratie sans la présence du congrès et des partis politiques [...] Ce que doivent faire les parlementaires c’est revendiquer la rédaction d’une nouvelle constitution à travers la convention mixte constitutionnelle."
Pourquoi les Chiliens et les Chiliennes veulent-ils une nouvelle constitution ?
La constitution actuelle du Chili est celle qui a été rédigée sous la dictature du général Augusto Pinochet, dans les années 1980. C’est ce texte qui a instauré le modèle économique actuel néo-libéral et qui a, par conséquent, entraîné la privatisation de plusieurs droits sociaux. C’est le cas pour l’éducation, la santé ou encore les retraites. Ces trois thématiques étaient largement présentes lors des manifestations de cette dernière année. Les Chiliens et les Chiliennes demandent une éducation moins chère, un accès à la santé plus juste et la fin du système de retraite géré par des fonds de pensions privés.
Et même si la constitution actuelle du Chili a connu de nombreuses modifications, elle est encore aujourd’hui le texte fondamental sur lequel les parlementaires se basent pour légiférer. Et c’est bien cela le problème selon l’avocate et professeure de droit constitutionnel à l’Université Alberto Hurtado, Bárbara Sepúlveda Hales :
"Toutes les lois qui ont essayé d’améliorer la sécurité sociale, l’accès à la santé ou encore l’éducation, toutes ces lois qui réellement essayaient de faire changer les choses, ont été déclarées anti-constitutionnelles. Car la constitution c’est comme un toit. Et si nous avons uniquement ces règles de jeu pour bouger, on doit alors casser la structure entière afin de pouvoir bouger plus facilement. C’est pour cela que nous avons besoin d’une nouvelle structure, d’une nouvelle constitution, de nouvelles règles de jeu pour bouger avec plus de liberté.
Ce vote bien qu’historique n’est que la première étape d’un long processus. Car si le "oui" à la nouvelle constitution l’emporte, l'écriture de celle-ci pourrait s'étendre sur 12 mois maximum. Les Chiliens et les Chiliennes seraient alors de nouveau appelés à voter pour ratifier, ou non, le nouveau texte en 2022.