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Les communes riches de Santiago se déconfinent à l'inverse des pauvres

Un immeuble pauvre délabré est à côté d'un autre beau richeUn immeuble pauvre délabré est à côté d'un autre beau riche
Source : laventanaciudadana.cl
Écrit par Édouard Maury
Publié le 4 mai 2021

Le 29 avril dernier, dix communes de Santiago sont remontées en phase 2 du plan Paso a Paso. Cette décision avait été prise suite à la baisse du nombre de contaminations dans ces quartiers. Mais le déconfinement laisse apparaître une autre problématique : les communes les plus riches sont aujourd’hui moins touchées par la Covid-19 que les plus pauvres.

Une inégalité même face à la maladie ? C’est ce que laissent croire les chiffres du nombre de contaminations au coronavirus. Jeudi dernier, le gouvernement annonçait le passage en phase 2 de dix communes de Santiago : Alhué, Melipilla, Independencia, Las Condes, Talagante, Vitacura, Lo Barnechea, Providencia, La Reina et Ñuñoa. Il est de nouveau possible pour les habitants de ces quartiers de sortir en semaine et d’aller dans leurs bars et restaurants préférés. Mais au-delà de la phase 2, ce qui rassemble ces communes est leur niveau de vie.

Si l’on compare le taux de pauvreté des communes de la Région Métropolitaine, le constat est sans appel. Vitacura, Providencia, Las Condes, La Reina, Lo Barnechea ou encore Ñuñoa, sont les six moins touchés par la pauvreté, et se retrouvent parmi les communes ayant les plus faibles taux de contaminations de la région.

Deux cartes du nombre de personnes atteinte du Covid-19 à Santiago selon leur commune
Source : https://www.youtube.com/watch?v=Grl0qR0dQnU


Au Chili, les premiers habitants à avoir été contaminé par la Covid-19 vivent en majorité dans les communes avec un niveau de vie aisé. Cette strate de la population dispose, en effet, davantage de ressources pour voyager vers l’étranger, et de ce fait présentait plus de risque d’être contaminée au début de la pandémie. Mais très rapidement, le virus s’est propagé sur le reste du territoire et a atteint les communes de classes sociales moyennes et pauvres. Un slogan a alors commencé à se faire entendre dans la capitale : "Les riches propagent le virus, les pauvres en souffrent".

Dans les quartiers populaires, la densité de population est plus forte. Il y a moins d’espaces et plus de personnes. Lorsqu’un cas de coronavirus se déclare dans un foyer, il est difficile voire impossible d’isoler le malade. - Emmanuelle Barozet

Non pas que le coronavirus préfère la misère, mais il s’y installe plus facilement. Emmanuelle Barozet est sociologue française et vit au Chili depuis plus de vingt ans. Lors d’un entretien, elle nous a exposé les raisons de ces disparités : "Il y a un grand nombre d’emplois manuels ici. Pour les ouvriers, les caissières et les travailleurs du BTP, il est impossible de travailler à distance. Et généralement, ces personnes doivent prendre les transports en commun pour se rendre sur leur lieu travail. Si vous ajoutez à cela les problèmes d’accès à internet et de place dans le logement pour trouver de la tranquillité, ça devient très compliqué pour les personnes de la classe moyenne de pratiquer le télétravail. Certaines sont donc obligées d'aller au bureau et s'exposent plus aux risques d’attraper le virus."

Selon la chercheuse à l’Université du Chili, il existe d'autres facteurs de contamination propices aux personnes en situation de précarité. "Prenez les logements. Dans les quartiers populaires, la densité de population est plus forte. Il y a moins d’espaces et plus de personnes. Lorsqu’un cas de coronavirus se déclare dans un foyer, il est difficile voire impossible d’isoler le malade", explique Emmanuelle Barozet. À côté de cela, "les personnes modestes ont moins accès à certains services, ajoute-t-elle, comme les espaces verts et les établissements de santé entres autres. On trouve aussi au sein des foyers les plus pauvres davantage de problèmes de comorbidités. Le risque d’avoir une forme grave de la maladie est donc plus élevé".

La défaillance de l’État pour apporter des aides 

Malgré les dispositifs mis en place pour venir en aide aux personnes les plus démunies - autorisation de piocher dans les fonds de pensions et aides directes allouées par l’État - le gouvernement de Sebastián Piñera semble ne pas avoir bien ciblé les bénéficiaires analyse la sociologue française : "Avant la pandémie, on recensait 30 % d’informalité au Chili, c’est-à-dire des gens sans contrat de travail, ni assurance." Ces personnes n’ont pas accès au chômage, ni à la retraite et n’apparaissent pas non plus dans le registre social des foyers pour percevoir des aides. Il s'agit donc de familles qui ne perçoivent pas les aides du gouvernement et dont les parents sont obligés de sortir en temps de confinement pour gagner de quoi subvenir à leurs besoins. "D’autre part, si les gens ne respectent plus le confinement, c’est que peut-être les aides de l’État ne sont pas suffisantes pour compenser les pertes de revenus", conclut Emmanuelle Barozet.

Au Chili, les classes moyennes et pauvres ont fortement été touchées par la pandémie, à la fois d’un point de vue sanitaire et économique. Au premier trimestre 2020, le taux de chômage était de 9,2 % contre 10,4 % au premier trimestre 2021, selon l'Institut National des Statistiques (INE). Mais cette statistique ne représente qu’une infime partie des victimes de la crise puisque les travailleurs informels subissent également de forte pertes de revenus. Ces populations se trouvent en grande majorité dans les quartiers toujours confinés de la capitale où la tension dans les hôpitaux reste forte. 

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