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Osorno, ou la ville qui en est à son quatrième confinement

un homme des forces de l'ordre contrôle la rue au chiliun homme des forces de l'ordre contrôle la rue au chili
Source : Wikimedia Commons
Écrit par Édouard Maury
Publié le 29 avril 2021, mis à jour le 29 avril 2021

Tandis qu'à partir d'aujourd'hui, jeudi 29 avril, dix communes de la région métropolitaine sortent de quarantaine, celle d’Osorno, dans le sud du pays, reste confinée. C’est la quatrième fois que la commune se trouve en phase 1 du plan Paso a Paso. Zoom sur cette ville qui a déjà passé tout l’été sous cloche.

Relâchement des mesures, retour à la vie active, apparition de nouveaux cas, et puis de nouveau un confinement… Voici le cycle qui se répète depuis un an dans toutes les grandes villes du Chili. Et la commune d’Osorno, dans la région de Los Lagos, n’a pas été épargnée. Tout comme dans le reste du pays, la ville du sud enchaîne les changements de phase du plan Paso a Paso. Mais aujourd’hui, alors que dans plusieurs communes de la région métropolitaine les restrictions se relâchent, la ville d’Osorno, elle, est maintenue en confinement. Et ce, alors même qu’après sept semaines d’enfermement, la situation sanitaire semble s’améliorer. Les chiffres sont à la baisse avec 546 cas actifs recensés le 26 avril, contre 741 au moment de l’annonce du retour en phase 1, en mars dernier. Le nombre de nouveaux cas diminue, des lits de réanimation se libèrent et la pression autour des hôpitaux se relâche.

des passants marchent dans la rue déserte et les magasins sont fermés
Roberto Lee Cortes | Source : Pixabay.com


Malgré tout, les commerces sont à l’agonie à cause des mesures sanitaires mises en place depuis un an, et nombres de restaurants ont déjà mis la clé sous la porte. La situation est d’autant plus précaire que cet été la ville d’Osorno n’a pas pu accueillir les touristes, puisque toute la commune était placée en quarantaine. Le gouvernement n’a attribué que très peu d'aide aux classes moyennes commerçantes, les laissant dans une détresse financière. Sans entrée d’argent et avec les charges patronales, les impôts, les loyers, et les salaires, les magasins ont été frappés de plein fouet par la crise.

Les rues sont pleines en journée car les gens ne peuvent pas rester chez eux, sous peine de ne rien avoir à manger

Pour les travailleurs informels, c’est la double peine. À cause des restrictions sanitaires, ils sont confrontés à davantage de précarité. Patrick Puigmal, professeur d’histoire à l’université de Los Lagos et habitant de la commune d’Osorno depuis plus de 20 ans, perçoit ce problème au quotidien dans sa ville. "La moitié des travailleurs au Chili n’a pas de contrat. Ils ne perçoivent ni chômage, ni assurance, ni retraite. Dans cette période de quarantaine, où trouver un travail est encore plus complexe que d’habitude, ces personnes vivent de ce qu’elles vendent dans la rue." Celui qui est également vice-recteur de l’université chargé de la recherche insiste : "Par conséquent, les rues sont pleines en journée car les gens ne peuvent pas rester chez eux à ne rien faire, sous peine de ne rien avoir à manger". Cela a conduit à un certain laxisme de la part des autorités. Il y a moins de contrôles et le nombre de contaminations en temps de confinement ne baisse pas autant qu’il le devrait.

Comme partout ailleurs au Chili, l'enfermement n’est pas total à Osorno. Il y a beaucoup d’exceptions et de laisser passer. "Le plan Paso a Paso ne fonctionne pas, critique Patrick Puigmal. Le gouvernement continue d’insister avec des mesures sanitaires inefficaces, poursuit-il. Dès que la commune passe en phase 2, il y a un relâchement des restrictions et tout réouvre. Plus personne ne se lave les mains, les queues devant les magasins reprennent et les gens s’entassent dans les transports en commun entraînant une reprise des contaminations."

Vendeur rue manger quarantaine
Patocor | Source : Flickr.com


Le professeur d’histoire de l’université de Los Lagos pense que "ce qui pourrait régler la situation c’est une quarantaine absolue. Mais sans apport financier ni aides aux personnes sans revenus, les mesures sanitaires fonctionnent mal et il sera difficile de vaincre la pandémie", observe-t-il. Et d'ajouter : "Il est primordial que la stratégie anti-covid soit remise en question".

L'exécutif annonce de nouvelles mesures pour protéger les plus démunis

Jusqu’à présent, le gouvernement a accordé quelques aides financières aux familles chiliennes les plus démunies. Avant hier, mardi 27 avril, le président Sebastián Piñera annonçait de nouveau la création d’une aide de l’ordre de 200 000 pesos (environ 240 euros) pour les personnes n’ayant pas de ressources. Mais la principale mesure qu’ait pris le gouvernement pour permettre aux citoyens de faire face à la crise économique, c’est de les autoriser à puiser dans leurs retraites, à hauteur de 10 % de leurs fonds de pensions. Et en début de semaine, après plusieurs jours de bras de fer entre l’exécutif et les parlementaires, le gouvernement a finalement cédé et a promulgué la mise en place d’un troisième retrait de 10 % sur les pensions de retraites. Même avec ces mesures, la véhémence envers les choix gouvernementaux se ressent dans les sondages. Selon l’enquête Criteria de décembre 2020, seuls 7 % des Chiliens approuvaient la politique de Sebastian Piñera.

Au delà de l'aspect financier, la crise sanitaire a également des conséquences sur la vie quotidienne des personnes qui vivent au Chili. À Osorno, cela fait des mois que Patrick Puigmal n’est pas sorti de chez lui. “L’année dernière, j’ai eu problème de santé. Je suis une personne à risque, je dois donc prendre toutes les précautions pour ne pas attraper le virus”. Patrick Puigmal commence à désespérer car sa ville n’est toujours pas sortie d’affaire, et c’est le même cycle qui se répète depuis maintenant plus d'un an.

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