Après 71 jours de traversée en kayak sans assistance, le Franco-Américain basé à San Francisco Cyril Derreumaux a touché les côtes de la Martinique le 4 mars dernier, devenant ainsi le premier homme à avoir traversé deux océans en solitaire à la seule force de ses bras.
Installé à San Francisco depuis 16 ans, cet aventurier polyglotte de 48 ans nous raconte comment l'esprit entrepreneurial de la Silicon Valley a nourri sa détermination et pourquoi, après le Pacifique en 2022 et l'Atlantique en 2025, l'océan Indien pourrait bien être sa prochaine conquête.
Un défi technique et logistique colossal
Pour accomplir cette prouesse, Derreumaux s'est appuyé sur "Valentine", un kayak prototype en composite carbone/époxy de 6,9 mètres spécialement conçu pour affronter les conditions océaniques extrêmes. Équipé d'une cabine et d'un système d'auto-redressement en cas de chavirage, le kayak disposait également d'un système de désalinisation pour l'eau potable.
Les premières semaines ont été particulièrement éprouvantes
"Les premières semaines ont été particulièrement éprouvantes," confie Derreumaux. "Les vents étaient souvent mal orientés, ce qui signifiait que je pouvais ramer toute la journée pour avancer, puis perdre une partie de mon avancée durant la nuit à cause de la dérive."
Alternant entre pagaies traditionnelles et un système de propulsion aux pieds de style "Hobie" pour répartir l'effort sur différents groupes musculaires, l'aventurier maintenait un rythme de 9 à 10 heures de rame quotidiennes. Son embarcation, qui pesait 400 kg à pleine charge, transportait toutes les provisions lyophilisées nécessaires pour ce périple de plus de deux mois.
La Silicon Valley comme école de résilience
Installé en Californie depuis 16 ans, Derreumaux reconnaît l'influence de l'esprit entrepreneurial de la Bay Area sur sa façon d'aborder ses expéditions.
J'ai appliqué la méthode startup à mes aventures
"J'ai appliqué la méthode startup à mes aventures," explique-t-il. "Constituer une équipe d'experts, itérer sur le design du kayak, lever des fonds auprès de partenaires qui croient en ma vision... Et surtout, savoir rebondir après l'échec."
À San Francisco, on apprend que l'échec n'est pas une fin mais une étape vers le succès
L'aventurier fait référence à sa tentative avortée de 2021 dans le Pacifique, lorsqu'il avait dû être secouru après cinq jours en raison de défaillances techniques. "À San Francisco, on apprend que l'échec n'est pas une fin mais une étape vers le succès."
Cette mentalité lui a permis de revenir plus fort et de conquérir successivement le Pacifique puis l'Atlantique, s'appuyant sur une équipe de soutien comprenant des spécialistes en météo marine, préparation physique et mentale, assistance médicale et logistique.
Un engagement pour la santé mentale
Au-delà de l'exploit sportif, Derreumaux utilise ses aventures pour soutenir l'association Clubhouse France, qui œuvre pour l'accompagnement des personnes souffrant de troubles psychiques.
Mes expéditions m'ont enseigné l'importance cruciale de la santé mentale
"Mes expéditions m'ont enseigné l'importance cruciale de la santé mentale," souligne-t-il. "En mer, face à l'isolement et l'adversité, votre esprit peut devenir votre plus grand allié ou votre pire ennemi."
Pascale Groisard, directrice générale de Clubhouse France, salue cette collaboration : "En accomplissant cette traversée, Cyril incarne avec force la résilience et la détermination. Son courage et sa persévérance sont une source d'inspiration pour toutes celles et ceux qui se battent pour retrouver un équilibre social et professionnel."
Citoyen du monde et polyglotte
Né à Lille, cet aventurier polyglotte parlant six langues se définit comme un "citoyen du monde". Ses expériences internationales, ayant vécu en France, Espagne, Italie, Angleterre, Argentine, Brésil et États-Unis, lui ont conféré une adaptabilité précieuse pour affronter les défis océaniques.
Cette identité transculturelle m'a donné une flexibilité mentale essentielle
"Cette identité transculturelle m'a donné une flexibilité mentale essentielle," explique Derreumaux. "En mer, vous devez constamment vous adapter à des conditions changeantes, tout comme lorsque vous vous immergez dans une nouvelle culture."
Père de deux adolescents de 18 et 15 ans, l'aventurier souhaite désormais passer du temps avec sa famille avant d'envisager de nouveaux défis. "L'océan Indien me fait de l'œil," avoue-t-il avec un sourire. "Mais pour l'instant, je vais me consacrer à partager cette aventure à travers des conférences et probablement un livre."
Un message de dépassement de soi
Nos limites sont souvent imaginaires
"Nos limites sont souvent imaginaires," affirme Derreumaux. "Ce n'est pas une question de capacités surhumaines, mais plutôt d'approche : décomposer un objectif apparemment impossible en petites étapes gérables, s'entourer des bonnes personnes, et cultiver une mentalité de persévérance."
Cette énergie collective a été déterminante pour avancer jour après jour.
Durant sa traversée, l'aventurier a partagé quotidiennement son expérience via un journal de bord en ligne, créant ainsi une communauté internationale qui a suivi avec passion son périple. "J'ai reçu énormément de messages de soutien de mes proches, partenaires, supporters et anonymes de tous les pays. Cette énergie collective a été déterminante pour avancer jour après jour."
À 48 ans, avec deux records du monde à son actif, Cyril Derreumaux a prouvé que les frontières du possible peuvent être repoussées bien au-delà de ce que l'on imagine, à condition d'y croire et de s'en donner les moyens.
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