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Métamorphose d’Emanuele Coccia : le destin de tous les êtres vivants

Métamorphose d’Emanuele CocciaMétamorphose d’Emanuele Coccia
Écrit par Anaïs Lucien-Belliard
Publié le 23 décembre 2020, mis à jour le 23 décembre 2020

« Métamorphose », voilà un titre d’essai philosophique qui n’est pas sans rappeler l’œuvre magistrale du grand poète Ovide, dont les « Métamorphoses » trônent aujourd’hui au panthéon de la littérature occidentale.

 

Mais tandis qu’Ovide nous offrait un portrait fabuleux des rapports entre hommes, nature et dieux, c’est au travers des insectes que le philosophe italien, Emanuele Coccia nous fait entrer dans le secret de l’existence, là où « tout vivant est la réincarnation même de la terre ». Sélection officielle de la Libreria Stendhal pour le mois de décembre, Le Petit Journal de Rome vous amène à la découverte d’une œuvre étonnante.

Rarement on aura vu essai philosophique moderne aussi captivant que le dernier ouvrage d’Emanuele Coccia, philosophe Italien et maître de conférences à l’EHESS. Paru aux Éditions Payot et Rivages, en mars 2020, cette œuvre commence par un mystère. Celui de la chenille se métamorphosant en papillon. « Leurs corps n’ont presque rien en commun. Silhouette, anatomie, habits différents. L’un rampe quand l’autre voltige. Ils ne partagent pas le même monde : le sol contre l’air. Pourtant, ils sont une seule et même vie. Ils sont le même ‘moi’ ».

Tout en poésie et lyrisme dénué de frivolités, Coccia nous fait voyager aux confins de l’infiniment grand et de l’infiniment petit de l’existence. Pas seulement de l’humain, mais du vivant qui n’est rien d’autre que la métamorphose et le prolongement de ceux qui l’ont précédé. « La vie de tout être vivant ne commence [plus] avec sa propre naissance : elle est beaucoup plus ancienne ». En chacun d’entre nous coexiste une part du passé, du présent et du futur.

 

Métamorphose

 

En lisant « Métamorphose », on se sent à la fois minuscule et éternel. Le lecteur est comme happé par la profondeur et la fascinante simplicité de certaines réflexions, qui nous poussent à questionner notre rapport au vivant dans un monde globalisé. « Métamorphose », c’est un voyage intellectuel, biologique et spirituel, une démarche audacieuse qui vous invite à saisir la transcendance de nos vies entremêlées, non pas seulement entre nous, représentants de l’espèce humaine, mais également avec les autres vivants (mammifères, insectes, plantes, bactéries et champignons), avec qui nous formons la Vie. L’homme et la femme ne sont alors plus que des visages parmi tant d’autres de Gaïa, et son humanité une part infime de son identité, qui commence, en fait, aux origines de la terre. Abandonnant l’humanisme individualiste de l’« ego » cartésien, Coccia nous amène à réaliser que chaque être vivant est en réalité un « patchwork » de « matière ancestrale », et que le « moi » n’est jamais qu’une « activité purement personnelle, […] une force tellurique. »

Œuvre magique et stimulante, « Métamorphose » d’Emanuele Coccia séduit tant par la beauté de son raisonnement que par la finesse et la profondeur de son discours. Elle nous fait prendre conscience des liens naturels et de la vie qui nous lie les uns aux autres, sans que nous ayons besoin de nous ressembler. « Les arbres ne nous ressemblent pas, pas plus qu’un microbe ou un zèbre. Et pourtant, parce que nous partageons tous une naissance, nous vivons du même corps ».

Anaïs Lucien-Belliard
Publié le 23 décembre 2020, mis à jour le 23 décembre 2020

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