

A cheval entre France et Angleterre, Stephen Clarke est bien placé pour comparer les deux (photo Transworld Publishers)
Le héros de vos livres, Paul West, est-il la version fictive de Stephen Clarke ?
Il a ma voix, ma façon de s'exprimer, mais il a 27 ans et donc pense autrement. Ce que je dis toujours, c'est que les événements dans les livres sont 64,3% autobiographiques en moyenne. C'est-à-dire basés sur une réalité, mais pas forcément entièrement vrais.
Rues infestées de crottes de chien, employés toujours en grève, 35h et pas une de plus? La vision de la France par Paul West est drôle et souvent juste, mais un brin caricaturale ?
Oui, c'est une vue provocatrice, caricaturale comme un dessin de Plantu - c'est vrai au fond, mais exagéré pour faire rire. Ce sont des livres comiques, et il faut donc pousser un peu. Mais les Français me disent toujours que ce que je raconte est vrai, et je suis sûr qu'ils ne me liraient pas si je descendais dans des vieux clichés du genre "ils mangent trop d'ail"etc? Et si on vit à Paris, on a l'impression qu'il y a toujours quelque part une grève, ou un patron séquestré. Je préfère ça aux grèves, d'ailleurs.
- D'où vient, selon vous, cette relation amour-haine entre Français et Anglais ?
Nous sommes des voisins, donc condamnés à s'énerver mutuellement. Mais on se connait si bien que l'on est obligé de s'aimer comme des cousins, ou comme des frère et s?ur -je ne vais pas m'embarquer dans la discussion de qui est le frère et qui est la s?ur? Les Anglais adorent la France et son style de vie : la bouffe, la - vraie- campagne (chez nous, elle est remplie de citadins), une attitude plus saine et zen envers le travail. Les Français semblent adorer notre excentricité et le fait qu'à Londres on peut trouver un travail - du moins on pouvait, avant la crise.
- Quelles sont les principales différences de mentalité entre les deux pays ?
Les Anglais sont plus capables de rire d'eux-mêmes. Dans mes livres, le héros Paul West taquine les Français, mais il se moque aussi de lui-même et des Anglais. Il voit absolument tout d'un ?il comique. C'est ce qu'on appelle "l'humour anglais". Les Français ont un fond plus sérieux, plus intellectuel, plus pessimiste - c'est parce que vous faites philo jusqu'au bac. Et vous avez peur du ridicule, tout en nous enviant cette excentricité.
- Après tant d'années passées dans l'Hexagone, vous sentez vous désormais un peu Frenchy ?
Oui. La deuxième partie du roman God Save les Françaises se passe à Londres, où Paul n'arrive pas du tout à se réintégrer. Il a perdu ce goût pour le travail, ce machisme de la concurrence à tout prix, et surtout il n'arrive plus à boire autant le soir. Même les Anglaises boivent plus que lui. Et c'est vrai, elles sont devenues complètement sauvages, une soirée dans le centre de Londres, c'est comme une visite chez les femmes Vikings.
- Qu'appréciez-vous particulièrement à Paris, que vous ne trouvez pas à Londres ? Et vice versa ?
Paris est plus petit, donc plus humain, et la vie y est plus facile - il y a des commerces partout, le centre-ville n'est pas exclusivement pour les bureaux et les touristes. Et ma carrière est ici - je gagne ma vie comme Anglais à Paris. Il y a beaucoup plus d'Anglais à Londres. Ce qui me manque surtout ici, ce sont les comedy clubs, les endroits à Londres où on peut, tous les soirs de la semaine, aller voir des stand-up comedians raconter des blagues. C'est une vraie culture chez nous.
-Vos endroits préférés à Paris ? Et à Londres ?
A Paris, le canal de l'Ourcq, aéré, ex-industriel, tranquille - il lui faut juste quelques cafés de plus. A Londres, les vieux pubs sur la Tamise.
- Votre expression française préférée ?
"Merde"! C'est un mot tellement flexible. Et les titres anglais de mes romans contiennent tous ce mot, alors c'est ma marque de fabrique.
Propos recueillis par Thomas Lepresle (www.lepetitjournal.com) jeudi 11 mai 2009
Français je vous haime
En jetant sur le papier son regard d'Anglais décontenancé par la France et ses bizarreries, Stephen Clarke semble avoir trouvé le bon filon. Après notamment God save la France, puis God save les Françaises, il passe cette fois de la fiction à l'essai avec Français je vous haime (Nil Eds), la version française de "Talk to the snail", sorti mi-mai en France. "C'est une sorte de guide, genre les 10 commandements pour comprendre la France", précise Stephen Clarke, qui avoue déjà préparer "la suite de la suite de la suite". www.lepetitjournal.com) vendredi 12 mai 2009
Retrouvez toutes les informations sur Stephen Clarke sur son site internet : http://www.stephenclarkewriter.com


































