Édition internationale

ROMAN - Anne Wiazemsky, l'année Godard


Écrivain reconnue, auteure d'une douzaine de livres, Anne Wiazemsky a été, dans les années soixante, un des visages les plus lumineux de la Nouvelle Vague. Après Jeune fille, le roman de sa première expérience cinématographique, elle revient sur sa rencontre avec Jean-Luc Godard dans Une année studieuse


Certains visages impriment plus que d'autres la pellicule, incarnent de façons définitives un moment, une expérience, une époque. A côté de ceux de Jean-Pierre Léaud, d'Anna Karina, de Bernadette Lafont, de Bulle Ogier ou de Juliet Berto, celui d'Anne Wiazemky brandissant le petit livre rouge offre l'image même d'un temps où un fragment de la France plein d'espoir et de naïveté aspirait à la réinvention du cinéma et du monde.

Après une dizaine de romans appréciés, dont Mon enfant de Berlin inspiré de l'histoire de ses parents, Anne Wiazemky a entrepris de faire de ses propres souvenirs la matière première de ses livres. Cela a donné d'abord Jeune fille, chronique d'une initiation auprès de Robert Bresson pendant le tournage de Au hasard Baltazar. On connait de plus piètre début ! Il faut dire que, petite fille de François Mauriac, amie d'Antoine Gallimard, élève de Francis Jeanson, la jeune fille bien élevée a multiplié les rencontres heureuses. Celle avec Jean-Luc Godard est peut-être la plus déterminante, artistique, amoureuse, émancipatrice et passionnée.

Amour, ciné, philo
Nous sommes en 1966. Après avoir avoir obtenu un peu miraculeusement son bac, Anne entre en philo dans la toute nouvelle fac de Nanterre. Dans une lettre à Godard adressée aux Cahiers du cinéma, elle lui déclare aimer ses films et l'homme caché derrière. Ce geste impulsif et audacieux la conduira jusqu'au mariage et au plateau de La Chinoise.

En réalité les choses ne sont pas si simples. Les cours ne sont pas exactement à la hauteur des attentes de l'étudiante même si elle y croise un rouquin vif prénommé Danny. Et puis surtout, Anne est mineure et sa mère voit d'un oeil très défavorable la liaison de sa fille avec un cinéaste exposé et provoquant.

Écrire à la hauteur du souvenir

Les simples faits relatés dans Une année studieuse suffiraient à retenir l'attention et un témoignage de première main sur cette période fructueuse à passionner les cinéphiles. Croiser au fil des pages Truffaut, Béjart ou Jeanne Moreau est un plaisir, rencontrer Godard intime, aimant, fragile, drôle, impétueux et bienveillant aux antipodes de son image de génie déplaisant est un délice. Mais non contente d'égrainer pour nous ses souvenirs d'exceptions, Anne Wiazemsky maitrise la petite musique du temps qui passe en restant attentive aux mouvements de la jeune fille qu'elle était, fidèle à la matérialité du présent. En ne dressant pas de monument, Anne Wiazemky crée du roman.

On quitte son année studieuse en espérant en connaître les suites.
Jean Marc Jacob (www.lepetitjournal.com) mardi 21 février 2012


Une année studieuse
, Anne Wiazemky (Gallimard), 262 pages, 18 euros


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