Qui est déjà allé dans le Nordeste a dû forcément tomber sur lui : l’acarajé, le petit beignet frit aux crevettes, ravit les papilles des habitants et des visiteurs. Mais derrière cet incontournable de la street food locale se cache en fait un aliment sacré, dont l’origine remonte aux mythes des religions afro-brésiliennes.
C’est un plat que l’on trouve dans toutes les échoppes de rue de la région Nordeste du Brésil : l’acarajé. Un petit beignet frit dont la pâte est faite à partir de haricots, d’oignons et de sel, puis fourré d’un mélange de crevettes (ou langoustines) et de vatapá – un autre délice de la région, une purée composée elle aussi de crevettes, de lait de coco et d’arachides.
Dans les rues de Salvador, les vendeurs et vendeuses d’Acarajé sont nombreux. L’acarajé est arrivé au Brésil depuis l’Afrique de l’Ouest, pendant la période de l’esclavage. Il est noté dès 1916 par l’intellectuel bahianais Manuel Querino, dans son livre A Arte culinaria na Bahia, qui le décrit comme « un rouleau cylindrique […] composé d’haricots râpés. »
Aujourd’hui, si chacun y va de sa manière personnelle pour le frire, l’assaisonner et le garnir – on peut, par exemple, y rajouter de la tomate ou de la coriandre – la recette du beignet est, elle, immuable, et revêt un caractère sacré.
L’acarajé, une offrande aux orixás
A l’origine, les bolinhos de acarajé sont en effet une des nourritures rituelles des orixás, les divinités afro-américaines que l’on retrouve dans plusieurs traditions religieuses, et notamment dans le candomblé. Au Brésil, c’est l’une des croyances les plus populaires : plus de trois millions de personnes le pratiquent, la plupart dans le Nordeste. La ville de Salvador de Bahia regroupe à elle seule 2230 terreiros (maisons de candomblé).
Le bolinho d’acarajé (le beignet seulement, sans la garniture) est traditionnellement donné en offrandes à l’orixa Xangô, divinité de la foudre, du tonnerre et de la justice, et à ses femmes Oxum, divinité des rivières, et Oyá, déesse du feu. L’acarajé est ainsi considéré comme une nourriture sacrée, et est intimement lié à l’histoire et aux traditions de la région nord-est du Brésil.
Un savoir-faire qui perdure
C’est une véritable institution, portée par des personnalités mais aussi des institutions chargées de protéger et sublimer cet aliment. Fondée en 1992, l’Associação Nacional das Baianas de Acarajé, basée à Salvador, fait partie de ces associations qui défendent non seulement l’acarajé, mais aussi, plus largement, toute l’importance culturelle qu’il revêt.
L’an dernier, une des fabricantes d’acarajé les plus célèbres de Salvador, connue sous le nom de Cira ‘do Acarajé,’ est morte à l’âge de 69 ans. Cela faisait plus de 50 ans qu’elle faisait des acarajé, et sa mort a suscité de nombreuses réactions dans toute la région bahianaise.
Car, encore aujourd’hui, le savoir-faire de l’acarajé reste un élément primordial de la culture du Nordeste. Et le petit beignet s’est aussi exporté. On le trouve désormais dans les marchés de toutes les régions du pays. Si vous voulez y goûter à Rio, une adresse incontournable : la Casa Omolokum, dans le quartier de Saúde. Ce restaurant sert de sublimes acarajés ainsi que d’autres plats bahianais, et s’accompagne également d’une librairie où peuvent être trouvés de nombreux ouvrages sur l’histoire du Brésil et sur les traditions afro-brésiliennes.