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Le Brésil face à l'accord Mercosur-UE : promesses et défis d'un géant en mutation

En 2024, l’accord historique de libre-échange entre le Mercosur et l’Union européenne promet de redessiner les contours économiques et environnementaux du Brésil. S’il présente de nombreux avantages dans certains secteurs comme l’agriculture, il est aussi plus controversé concernant l'industrie ou l’écologie, où des experts y voient un danger…

Photo des drapeau de l'UE et du MercosurPhoto des drapeau de l'UE et du Mercosur
Écrit par Jean Bodéré
Publié le 26 décembre 2024

Après des années de tractation, l’accord de libre-échange entre le Mercosur et l’Union européenne, en partie trouvé le 6 décembre 2024, promet de bouleverser les équilibres économiques et sociaux des deux blocs. Avec près 780 millions de citoyens concernés et l’ambition de devenir une des plus vastes zones de libre-échange au monde, l’accord soulève autant d’espoirs que de questions, particulièrement au Brésil, où il cristallise les tensions entre croissance économique, enjeux industriels et sauvegarde de l’environnement.

 

De nombreuses opportunités économiques pour le Brésil 

Pour le Brésil, locomotive économique du Mercosur, l’accord est une porte ouverte vers le marché européen. Les exportateurs agricoles brésiliens se réjouissent déjà de l’élimination progressive de 92 % des droits de douane appliqués par l’UE aux produits sud-américains. Viande bovine, volaille, sucre et éthanol devraient ainsi connaître un essor spectaculaire sur les étals européens, renforçant la position du Brésil comme l’un des leaders mondiaux de l’agro-industrie.

Des études prévoient une augmentation modeste mais significative de 0,46 % du PIB brésilien d’ici 2040. Si l’impact semble mesuré, il représente une avancée cruciale pour des secteurs déjà ultra-compétitifs comme l’agriculture qui trouveront dans cet accord une occasion unique de diversifier leurs marchés.

 

L’industrie brésilienne à l’épreuve de la concurrence

Pourtant, tout le monde ne partage pas cet optimisme. L’accord expose l’industrie brésilienne à un choc frontal avec des produits européens souvent plus compétitifs et mieux normés. Automobiles, machines et produits chimiques pourraient inonder le marché local, mettant en péril les acteurs industriels brésiliens qui peinent à rivaliser en termes de qualité et de coûts.

« C’est un coup de massue pour les petites et moyennes entreprises industrielles du pays », confie pour Le Monde un économiste basé à São Paulo. Les entreprises redoutent une érosion de leur compétitivité, tandis que les syndicats dénoncent un risque accru de désindustrialisation dans des régions déjà fragilisées.

 

 

Photo de la forêt amazonienne

 

 

Une ombre écologique sur l’Amazonie

L’accord ne se limite pas à des considérations économiques. Les engagements sur le développement durable et le respect de l’accord de Paris sur le climat figurent en bonne place dans les annexes du texte. Pourtant, les garanties peinent à convaincre les organisations écologistes, qui pointent du doigt le risque d’une expansion agricole non maîtrisée.

Au cœur de la polémique, l’Amazonie, poumon vert de la planète, déjà sous pression. L’ouverture accrue des marchés européens pourrait exacerber la déforestation, en intensifiant la production agricole dans des zones sensibles. « Nous craignons que l’accord n’aggrave un modèle économique extractiviste au détriment des écosystèmes », s’alarme un responsable de Greenpeace Brésil.

 

Un pays divisé mais déterminé

Alors que l’enthousiasme initial s’essouffle, le Brésil se retrouve à la croisée des chemins. Si les grands producteurs agricoles saluent un partenariat stratégique, l’industrie s’inquiète, et les écologistes brandissent la carte rouge. Malgré les divergences, le président Luiz Inácio Lula da Silva a réaffirmé son engagement en faveur de cet accord et y voit une chance historique de repositionner le Brésil sur l’échiquier mondial, tout en appelant à une ratification rapide.

La mise en œuvre de l’accord dépend désormais des parlements des États membres du Mercosur et de l’Union européenne. Les négociations finales devront concilier des intérêts parfois opposés, tout en veillant à garantir des mécanismes de suivi rigoureux, notamment sur les volets environnementaux. Pour le Brésil, l’accord incarne un double pari : celui de se réinventer comme acteur global tout en assumant ses responsabilités environnementales. Reste à savoir si la réalité tiendra ses promesses ou si les craintes de déséquilibres l’emporteront sur l’espoir d’un nouvel élan économique.

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