Présentée à la galerie RAST d’Istanbul, dans le cadre des événements parallèles à la 18ᵉ Biennale, Innocide réunit Nathalie Rey et Mesut İkinci autour d’une réflexion sur la mémoire, la violence et l’héritage commun.


Entre mémoire intime et héritage collectif
L’exposition Innocide, présentée à la RAST Gallery à Istanbul, naît d’un échange personnel entre Nathalie Rey et Mesut İkinci autour des récits de leurs grands-mères. Deux figures féminines que tout oppose mais qui, chacune à leur manière, ont incarné des formes de pouvoir, de résistance et de survie.
Deux mémoires en miroir
Chez Nathalie Rey, l’histoire familiale se mêle à la mémoire coloniale. Sa grand-mère, épouse d’un officier français, traversait autrefois des territoires coloniaux un pistolet dissimulé sous sa jupe. Femme élégante issue de la bourgeoisie parisienne, elle évoluait dans un milieu où la bienséance masquait la violence silencieuse de l’Histoire. Aujourd’hui âgée de 91 ans, retirée dans le sud-ouest de la France, elle incarne encore ce monde d’avant où l’ordre social et colonial façonnait les vies. Ces fragments intimes, entre tendresse, distance et lucidité, nourrissent le travail de Rey, qui explore la transmission invisible du pouvoir et de la mémoire.

Face à elle, la grand-mère de Mesut İkinci, femme d’origine kurde, incarne une tout autre expérience : celle de la résistance, de la survie et du rapport direct à la violence. Ces deux récits, l’un marqué par l’autorité et l’autre par la défense, forment le cœur battant du projet.
La guerre dans le visible et l’invisible

Mesut İkinci explore les formes diffuses de la violence contemporaine : l’ombre comme métaphore du contrôle, la guerre comme infrastructure invisible. Nathalie Rey, elle, confronte le traumatisme à la douceur : des jouets brisés, un cercueil rose, des scènes d’enfance où la mort se dissimule dans le jeu. Ensemble, ils révèlent comment la guerre infiltre les objets domestiques, les gestes tendres, les héritages familiaux.
Un renversement des rôles

Pour cette exposition, Rey revient à la peinture après une décennie dédiée à l’installation et à la performance, tandis qu’İkinci quitte la toile pour s’aventurer dans l’installation. Ce croisement de pratiques reflète le désir de déstabiliser les formes établies, d’ouvrir un espace d’étrangeté où l’émotion et la pensée se rejoignent.
L’art comme langage de résistance
Innocide interroge la manière dont la métaphore devient une stratégie de survie dans des contextes où le silence devient un autre langage. En confrontant les héritages, l’exposition ne cherche pas à nommer la violence mais à la faire sentir dans les plis, les ombres, les silences.
Innocide, jusqu’au 22.11.2025
RAST Gallery – Istanbul
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