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QUARTIERS DE MONACO - La Madone

Ce quartier de Monte-Carlo a su s'adapter à la vie moderne et devenir le lieu le plus convoité de la Principauté

Monaco d'autrefois (H. Clerissi)

Imaginer l'avenir autrement, c'est déjà vouloir changer le présent et réfléchir sur le passé. Mais c'est également partager une forme certaine de connaissance et recréer une image bien souvent déclarée obsolète. Il y a longtemps que la Principauté a fait sienne ce sésame indispensable pour réussir le passage de l'anticipation à l'action. N'a-t-elle pas été profondément remodelée au cours du siècle dernier à Fontvieille, au Larvotto, à la Condamine, à Monte-Carlo? Ne poursuit-elle pas, en ce troisième millénaire, de profondes modifications de son littoral avec une recomposition urbaine des quartiers du Jardin Exotique et de Saint-Roman ? Toutefois, en dépit de ces multiples opérations d'aménagement et des constructions architecturales modernes, plusieurs résidents monégasques ont encore en mémoire ces réminiscences d'antan. Sans doute, les exigences de la vie actuelle, en particulier celles de la circulation automobile, ont imposé sur le territoire monégasque des modifications entraînant bien souvent la disparition du patrimoine ancestral. Il est toutefois réconfortant de noter qu'au cours du temps, en dépit de ce progrès « obligé », l'évocation des us et coutumes de jadis demeure. Comme à la « Madone ».

Aujourd'hui les immeubles rénovés du boulevard des Moulins tranchent avec ceux du style Belle Epoque implantés sur l'ancien boulevard du Nord. Bâtiments bas et villas n'existent plus. La ligne de tramway qui desservait les lieux à l'époque a été supprimée au début des années trente. Disparus également la fameuse épicerie Félix-Potin, l'hôtel Helder et bien d'autres bâtiments célèbres en leur temps. Seuls témoignent encore de ce prestigieux Monte-Carlo du début du siècle, l'immeuble de la Madone, surélevé par la suite, et la pharmacie Campora. Il est probable que d'autres transformations interviendront dans l'avenir. Le projet des tours jumelles, par exemple, qui avait soulevé en son temps de nombreuses craintes locales. Tours que l'on trouvait déjà peu attractives pour les futurs résidents avec des constructions dépourvues de balcon ou de loggia. Certaines devraient « pousser » sur des constructions existantes comme les Floralies, le Monte-Carlo Palace, le Park Palace. Sauf si le promoteur se trouverait dans l'impossibilité de libérer ces immeubles de ses occupants...

Sur l'heure, de nombreux riverains se souviennent encore d'une époque tranquille où la joie de vivre n'avait rien de comparable à la notre. L'artère était très commerçante. Il y avait des chausseurs, fleuristes, bijoutiers, opticiens, vendeurs d'électroménager? Tout le monde venait faire ses emplettes au marché de Monte-Carlo chez les paysans. Il était énorme ! Il remontait la rue jusqu'à l'église? Sans danger pour les piétons, car l'automobile était un objet de grand luxe?

Côté architectural, l'immeuble Montaigne a remplacé l'hôtel Helder. Quant à l'hôtel Alexandra, il était coiffé d'une superbe coupole ouvragée en son sommet. Elle a été conservée, mais tronquée de son dôme métallique dans le courant des années soixante-dix. Un souterrain reliait l'établissement au Monte-Carlo Palace. Le lieu préféré de ces enfants des « Années Folles » pour jouer à cache-cache avec des copains de leur âge. Mais le Second Conflit mondial a vite fait sombré Monaco économiquement. De nombreux négoces du boulevard des Moulins sont restés entre quatre et cinq années, voire plus, à l'abandon?

A part cette période noire, la principale voie commerçante de la Principauté a toujours été un lieu de concentration. La jeunesse l'arpentait tous les soirs, avec une préférence pour le trottoir du côté mer (une rive-gauche ?)? Quant au boulevard de la Madone, il était le lieu de stationnement réservé aux voitures à chevaux. Une vingtaine de calèches y attendaient le plus souvent des clients du Casino. Les écuries se situaient dans la rue Bellevue, sur la proche commune de Beausoleil.

Dans les années soixante, les voitures hippomobiles ont progressivement disparu, entraînant la disparitions de quelques habitudes locales : on ne voyait plus ces gens qui venaient ramasser le crottin pour fertiliser leurs jardins. Combien regrettent encore l'échange de cette époque pour une vie trépidante et moderne ?... Car l'été était une saison morte. Certes, il n'était pas question, non plus, de partir en vacances. Mais, les enfants monégasques passaient volontiers leurs jours de repos dans les maisons familiales de La Turbie ou de Peille ! Cependant, il faut vivre avec son temps? Un temps qui a permis à ce périmètre du plateau des Spélugues de porter son regard vers l'avenir et de se transformer de telle façon qu'aujourd'hui ? et pour un bon bout de temps ? tout le monde envie son rayonnement peaufiné par cinq générations successives de Grimaldi.
Jean-Marie FIORUCCI. (www.lepetitjournal.com - Monaco) lundi 5 mars 2007
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