L’institut national pour l'histoire et le patrimoine de l'esclavage (NiNsee) vient de signer un acte majeur dans la reconnaissance de l’histoire colonialiste du pays et fait de Keti Koti une fête nationale après de nombreuses années de demande et de débat. Découvrez cette célébration en remembrance à l’abolition de l’esclavage dans certaines régions de l’empire coloniale néerlandais.
Le NiNsee a annoncé le 2 décembre 2023 l’ajout officiel de la célébration Keti Koti à la liste du patrimoine immatériel néerlandais. Ce certificat fera chaque année du premier juillet une journée de commémoration et de célébration de l’abolition de l’esclavage perpétré par la nation néerlandaise dans les Indes occidentales et dans l’ancienne Amérique néerlandaise. Bien qu’à connotation festive, iI n'est pas prévu que cette journée devienne fériée
Le site officiel du NiNsee précise en cette décision la volonté que « les communautés montrent qu'elles travaillent à la sauvegarde du patrimoine immatériel et qu'elles s'efforcent de le rendre visible et d'en discuter ».
D'où vient Keti Koti ?
Plus précisément, Keti Koti (littéralement Chaînes Rompues en créole Surinamais) tient sa provenance dans l’abolition de l’esclavage au Suriname et dans les Antilles néerlandaises. Attrayantes pour leurs potentiels agricoles et notamment pour la culture de la canne à sucre, ces territoires étaient d’anciennes colonies, principalement néerlandaises, mais également d’autres pays européens de 1650 à 1863 dans le cadre des Pays-Bas. Cette exploitation coûtera la vie à 56 millions de natifs.
Rendus à l’esclavage, la fin de cet assujettissement des travailleurs et résidents locaux furent signés le premier juillet 1863. Bien que cette date corresponde à la date de signature de l’abolition de l’esclavage, une période de transition de dix ans autorisera les propriétaires d’esclaves à les conserver le temps de trouver des « alternative », amenant l’arrêt total de l’esclavage seulement en 1873.
Keti Koti s’est ensuite imposé post-abus dans les pays victimes et par les populations immigrées dans les pays offenseurs comme moyen de ne pas oublier la tragédie et marquer sa cessation. Un long combat d’aveu mené par les populations descendantes des victimes à l’encontre de l’État s’est également engagé pour leur faire reconnaître ses torts. La récente reconnaissance et les récentes excuses demandées par le roi néerlandais Willem-Alexander sont une victoire dans le parcours de démocratisation de l’évènement.
Les célébrations de Keti Koti
Lors de Keti Koti, les œuvres d’art Tembé, ces peintures aux couleurs vives et riches de symboles sont de sorties, les hommes et les femmes portent les vêtements traditionnels brodés à la technique du maipangi, ateliers, performances artistiques mettent en avant la culture et y sont servi les plats habituellement consommés à l’époque par les esclaves. Parce que le colonialisme néerlandais a particulièrement touché le Suriname, dans les festivités organisées aux Pays-Bas, sont surtout proposés des plats de cette région, à base de manioc, patate douce, bananes, œufs et poissons.
Alors que largement fêté au Suriname et dans les Antilles, dans les pays offenseurs, les démonstrations se font plus timides. Au Pays-Bas par exemple, Keti Koti est quasi uniquement fêté par les Néerlandais d’origine surinamaise et antillaise du pays, les Néerlandais natifs étant peu sensibilisés à la tradition. Il existe toutefois des initiatives organisées un peu partout dans le pays et ouvertes à tous. Les plus importantes se situent à Amsterdam, Utrecht et Groningen où le centre-ville se transforme en un large festival culturel.
Et après ?
Keti Koti n’a jamais été si honoré et médiatisé que ces dernières années, l’annonce du NiNsee ne contredisant pas cette tendance. Cependant, certains membres issus du passé colonialiste de l’Europe dénoncent un eurocentrisme trop traditionnel, lorsque la population du vieux continent ne cesse de voir sa diversité ethnique croître.
Izzy Wu Ramos, étudiante et membre de l’association de l’Héritage Africain des Étudiants délivre à la revue universitaire Erasmus Magazine lors d’une interview à propos de la popularisation de Keti Koti: “Je pense qu'il faut redéfinir le concept d'eurocentrisme. L'arrivée de migrants en Europe a contribué à la naissance d'une culture hybride [...]. On peut se demander si les récits de la diaspora africaine en Europe et d'autres éléments de ce type ne pourraient pas être inclus dans une nouvelle forme d'eurocentrisme”.
D’actions légales à intégration intrinsèque, de reconnaissance des méfaits à inclusion des diasporas au sein des populations historiques, plusieurs marches restent encore à gravir selon Ramos. Reste à voir si cette reconnaissance aboutira à de plus importantes célébrations en 2024.