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ORNITHOLOGIE - Pologne, le paradis des cigognes

 

Les Polonais aiment leurs cigognes, et les cigognes le leur rendent bien. Le quart de leur population mondiale fait son nid en Pologne ! Grâce au petitjournal.com, vous saurez tout de ce sympathique échassier... [archive 2011]

(Photos wikicommons)

Si l'aigle blanc est l'emblème de la Pologne, la cigogne blanche en est le symbole, moins officiel mais ô combien plus présent. En effet, de mai à août, ces oiseaux magnifiques marquent de leur empreinte le paysage polonais : marchant à pas lents dans les prairies ou se tenant immobiles près d'un cours d'eau, voletant au-dessus d'un nid sur le toit d'une grange ou juchés sur un poteau télégraphique, ils font honneur à ce pays qui n'a jamais eu honte de les chérir. Apprenez donc à les connaître, avant de répéter après le poète* :

"Do kraju tego, gdzie win? jest du?? / Popsowa? gniazdo na gruszy bocianie, / Bo wszystkim s?u??, / T?skno mi, Panie..." ("Après le pays où c'est une faute grave / De détruire, sur le poirier, un nid de cigogne, / Car elles servent à tous? / Je languis, Seigneur??)

Un peu d'ornithologie
La cigogne blanche, de son nom latin ciconia ciconia, est un grand échassier, reconnaissable à son long bec rouge orangé et à son plumage noir et blanc. Deux traits noirs encadrent ses yeux, donnant ainsi comme une impression de "maquillage" ; comme ceux des mâles sont eux aussi maquillés, il ne serait pas aisé de distinguer les deux sexes si le bec de messieur n'était pas plus large. Son vol est caractéristique : elle s'élève en spirales, en profitant des courants ascendants, et aime surtout planer. En l'air, on peut la distinguer facilement du héron car elle vole le cou tendu, alors que le héron le recourbe.

Pour communiquer, la cigogne claquette (ou craquette) du bec. Elle peut aussi émettre une sorte de sifflement mais sa capacité à produire des sons s'arrête là ; personne n'a jamais entendu une cigogne chanter.

Un cliché largement répandu fait des cigognes des mangeurs de grenouilles. Rien de plus inexact : les cigognes, si elles peuvent ? comme les Français ? se nourrir de grenouilles, raffolent surtout de rongeurs et, les années fastes, exterminent ces ennemis des agriculteurs. Sinon, elles se rabattent sur des vers de terre, des insectes comme les sauterelles ou les hannetons, des poissons, parfois de petits reptiles. Il est vrai que, pour nourrir sa famille, la cigogne est prête à toutes les fautes de goût et elle attrape tout animal qu'elle est en mesure d'avaler.

Le nid, construit aussi bien par le mâle que par la femelle, atteint jusqu'à 1,5 m de diamètre. Il est rond, composé de couches de branches entrecoupées de brindilles. À l'intérieur les cigognes entreposent de la paille, de la tourbe, des excréments séchés, parfois du papier ou des chiffons. Placés dans les arbres, sur les toits des maisons ou des bâtiments de ferme, sur les cheminées d'anciennes usines, et même depuis les années 70 sur des plate-formes spécialement aménagées par l'homme sur les poteaux des lignes téléphoniques ou électriques, les nids de cigogne se trouvent presque toujours à proximité des habitations humaines. Un couple de cigognes utilise le même nid pendant plusieurs années en y effectuant, parfois avec l'aide de l'homme, des réparations nécessaires. Le mâle revient toujours le premier et il attend patiemment, parfois une longue semaine, sa partenaire ; si elle tarde à se présenter, il n'est pas rare qu'il cède aux avances, manifestement intéressées, d'une autre.

Les ?ufs (de 1 à 7) sont couvés par les deux parents. Les oisillons quittent le nid au bout de 2 mois, mais ils ne deviennent capables de se reproduire qu'après plusieurs années, et peuvent vivre jusqu'à 30 ans.

Des oiseaux migrateurs
Les cigognes polonaises passent l'hiver en Afrique de l'Est et du Sud et arrivent chaque printemps dans les pays de l'Est européen après avoir franchi le détroit du Bosphore. Une étude récente a démontré qu'une partie du cerveau de la cigogne contenait de la magnétite, substance qui l'aide probablement à trouver son chemin.

Il existe beaucoup de croyances et de légendes où la cigogne apparaît comme le symbole de l'amour, qu'il soit maternel ou filial comme en Chine. Dans la Rome antique la loi obligeant les enfants à prendre soin de leurs vieux parents fut appelée lex ciconia, la loi de la cigogne. Dans l'imaginaire populaire, la cigogne était censée porter chance ; la personne qui la tuerait, en revanche, s'exposerait à un terrible malheur. Le nid de cigogne sur le toit de la maison était garant d'une bonne récolte, et protégeait de la foudre. En raison de la posture caractéristique de la cigogne qui se repose sur un seul pied, comme si elle méditait, on voyait en elle l'incarnation de la sagesse.

Mais la croyance la plus répandue en Europe voulait que les cigognes apportent les nouveaux-nés. Ainsi en France, on racontait aux enfants que pour avoir un petit frère ou une petite s?ur, il faut déposer un sucre sur le bord de la fenêtre : comme le corbeau de Jean de La Fontaine, la cigogne lâche son colis lorsqu'elle se saisit de la friandise. En Alsace, on disait que si une cigogne vole en rase-mottes au-dessus d'une jeune femme, elle attendra un bébé dans l'année. La Pologne ne déroge pas à la règle : d'après les croyances païennes slaves, les esprits reviennent sur Terre et, avec l'aide des cigognes au printemps et en été, avec celui des corbeaux en automne et en hiver, ils pénètrent à l'intérieur du ventre des femmes...

Une espèce en danger ?
Globalement, l'espèce n'est pas menacée d'extinction bien que depuis un siècle la cigogne blanche soit moins représentée en Europe du Nord et de l'Ouest. Quant à la France, en 1974 il ne restait que neuf couples de cigognes blanches en Alsace où cet oiseau nichait jadis en abondance au point d'être devenu le symbole de la région. Actuellement, grâce aux systèmes de volières de maintien et aux couveuses artificielles, la cigogne est de retour : 300 couples environ y nichent chaque année. Parmi les causes principales de la raréfaction de l'espèce, on cite les changements climatiques, l'assèchement des terrains marécageux et l'utilisation des pesticides dans les cultures.

En Pologne, les cigognes représentent près du quart de la population mondiale qui, elle, est évaluée à 230.000 couples. Malgré ce chiffre encourageant qui fait de la Pologne le paradis des cigognes, les Polonais ne se reposent pas sur leurs lauriers : Pro natura, Société polonaise des amis de la nature, y coordonne un programme national de sauvegarde de l'espèce et de ses lieux de nidification. Dans le cadre de ce projet ambitieux, grâce au soutien de la fondation EkoFundusz et du Fonds national de la protection de l'environnement et de la gestion des eaux, en concertation avec des dizaines d'organisations, d'institutions et de volontaires, tout le territoire fut couvert d'un vaste réseau qui multiplie les actions en faveur des cigognes : récolte, mise à jour et stockage des données, diffusion du savoir, organisation des soins aux animaux blessés victimes d'accidents, ou abandonnés par leurs congénères, ramassage des objets pouvant blesser les cigognes comme les cordages utilisés dans la construction du nid, observation de la couvaison et de la naissance des oisillons grâce à la mise en place d'une caméra...

Depuis 2003, le 31 mai qui tombe ? ce n'est pas un hasard ? la veille de la Fête des enfants, est proclamé Journée de la cigogne avec son cortège de coloriages, récitations, concours de tous poils: désormais en Pologne, au pays des cigognes, ce bel oiseau n'a pas à craindre pour son avenir.

* Cyprian Kamil Norwid, Piosnka moja


Anna Kryst (www.lepetitjournal.com/varsovie.html) lundi 18 juillet 2011


Pour en savoir plus sur la protection des cigognes:
http://www.bociany.ittv.pl/
http://www.orzw.pl/
http://bocianopedia.pl/



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