« J'avais envie que le français "descende" dans la rue, rencontre un vaste public, se démocratise et donne envie de lire en français à tous ceux qui ont une relation familiale ou de coeur avec la langue de Molière » explique Sandrine Mehrez Kukurudz. C’est de ce sentiment, ou constat, ou ambition qu’elle lance Rencontre des Auteurs Francophones. Initialement, cette rencontre devait se jouer dans des villes américaines avec des auteurs francophones des États-Unis et un public de lecteurs. La crise sanitaire a tout boulversé, sauf la volonté de Sandrine qui ouvre ce groupement d’auteurs francophones basés aux États-Unis, à tous les auteurs francophones du monde entier. Nous sommes partis à sa rencontre.
Sandrine Mehrez Kukurudz
Rachel Brunet : Rencontre des Auteurs Francophones, qu’est-ce que c’est ?
Sandrine Mehrez Kukurudz : C’est une formidable aventure ! C’est un projet bénévole qui me tient à cœur et qui déborde largement sur mes activités professionnelles quotidiennes. C’est un peu mon problème récurrent de ne fonctionner qu’avec passion. Initialement, Rencontre des Auteurs Francophones était une série de rencontres, des mini-salons en quelques sortes, entre auteurs et lecteurs. Nous avions programmé deux événements sur New York en mai et juin, un sur Washington DC en avril et un à Miami en Septembre. Et en cours de validation, Los Angeles, Philadelphie et Boston. Avec le Covid et l’annulation des événements, il a fallu poursuivre cette belle dynamique, qui regroupait déjà un certain nombre d’auteurs et, avec notre partenaire French Wink, nous avons ouvert une librairie en ligne et une émission bi-mensuelle qui donne la parole à un auteur, en direct avec les internautes. Nous intégrons des nouveautés chaque semaine et proposons des ouvrages pour tous. Et puis, nous avons ouvert en juin la collection à des auteurs du monde entier, dont la quasi-totalité n’était pas encore distribuée aux États-Unis. Un petit rêve pour eux, et le plaisir de les promouvoir, gratuitement, ici en exclusivité.
Comment est né ce projet qui regroupe aujourd’hui des centaines d’auteurs sur les réseaux sociaux et 50 auteurs francophones dans la collection ?
Ce projet est né en février dernier, de la volonté de faire descendre dans la rue la littérature francophone. Elle était jusqu’à présent très académique ou élitiste. Ce qui est formidable en soi ! Je suis ravie de voir la littérature enseignée dans les universités américaines et nos grands auteurs être accessibles au grand public, lors de leurs passages à New York. Mais on oubliait ces milliers de francophones, on parle de 300,000 francophones rien qu’à New York, qui n’osaient ouvrir un livre en français, franchir la porte d’une librairie française ou d’un conférence universitaire. J’ai aussi rencontré de nombreux auteurs aux États-Unis qui manquaient de visibilité. Je suis auteure à mes quelques heures perdues et je me suis dit que je pouvais faire quelque chose pour y remédier, en mettant mon expérience de productrice évènementielle au service de ces écrivains. L’idée est née de ce besoin aussi. J’ai la chance de très bien vendre mes romans, et c’est parce que j’ai su les marketer à leur lancement. Si je pouvais offrir aux autres ce petit coup de pouce, alors j’avais tout gagné dans mon ambition de promouvoir la littérature francophone aux usa !
Comment sélectionnez-vous les auteurs et que peuvent-ils attendre de ce groupement ?
J’ai, au début, commencé avec les auteurs que j’avais eu le plaisir de rencontrer et d’apprécier. Puis j’ai lancé quelques appels à auteurs sur les réseaux sociaux et enfin, mon networking américain m’a mis en relation avec d’autres auteurs intéressants. Aujourd’hui, je reçois chaque jour des manuscrits et des demandes pour rejoindre le mouvement ! C’est formidable… Mais le comité de lecture est exigeant et nous ne sélectionnons qu’une dizaine d’ouvrages par mois. Les auteurs bénéficient d’une véritable campagne, gratuite j’insiste, car la communication sur les réseaux sociaux est quotidienne et vaste sur les 4 principaux réseaux. Je partage aussi leur actualité et la presse qu’ils m’envoient. Il y a une réelle complicité entre les auteurs et moi, nous sommes unis dans cette même aventure et je me réjouis toujours de voir les auteurs « liker » les postes qui ne les concernent pas ! La solidarité et la bienveillance sont de mise. Après, les émissions sont aussi un vrai coup de pouce. Chaque quinzaine, j’invite un auteur pour une émission en directe d’une heure. Un vrai rendez-vous convivial qui est aussi un vrai outil de communication pour les écrivains. Et puis bientôt…Nous repartirons sur les routes pour rencontrer « en vrai » notre public !
Rencontre des Auteurs Francophones, c’est aussi une émission. Racontez-nous ce format, ce qu’il s’y passe, ce qu’il s’y raconte ?
C’est une bouffée d’oxygène géniale ! Écouter et découvrir ces auteurs est un vrai plaisir. Et comme m’a dit un internaute « cela donne envie de lire ». Nous parcourons leur aventure littéraire mais aussi leur quotidien, leur parcours, et souvent leur vécu de francophones expatriés. On s’aperçoit que ces auteurs ont des vies incroyables, des parcours formidables et qu’ils ont tant de chose à raconter ! En janvier, je commence les directs avec les auteurs européens, avec un horaire différent donc, si je veux les garder en pleine forme. L’intérêt de ces émissions c’est leur visibilité ad vitam aeternam ! Les vidéos sont largement visionnées après et elles servent d’outils de communication aux auteurs.
Nous sommes en période de crise sanitaire et avons tous pris l’habitude des zooms et autres webinaires. Dans le monde d’après, comment imaginez-vous les Rencontres des Auteurs francophones ?
Je ne vais pas abandonner les zooms car même si nous sommes tous un peu lassés de ces rendez-vous en ligne, ils ont permis de développer le concept. Aujourd’hui, des internautes de tous les États-Unis nous suivent et les replays sont vus aussi bien en France et en Europe qu’en Amérique ! On a décuplé la visibilité initiale. En dehors de la tournée prévue qui reprendra, nous allons aussi transformer les rendez-vous prévus initialement avec l’équipe French Wink. Ces émissions seront donc en direct dans l’espace évènementiel de French Wink, mais nous allons essayer de les diffuser aussi en direct sur zoom. Pas question de léser nos lecteurs qui ont pris l’habitude de nous retrouver tous les quinze jours ! Plus qu’une émission, ce sera un vrai rendez-vous convivial comme on les aime, qui se poursuivra par des discussions avec les auteurs, autour d’un verre de vin ou d’un jus de fruits, proposés par nos amis de O’Cabanon, toujours prêts à célébrer et appuyer les initiatives des autres. Et puis nous réfléchissons déjà à d’autres rendez-vous comme un « book club French Wink/Rencontre des Auteurs Francophones ». J’ai le bonheur d’animer le book club du réseau féminin She for S.H.E, mais je reçois pas mal de demandes d’hommes notamment, qui aimeraient bien participer à un tel rendez-vous. Et puis je réfléchis aussi à d’autres accompagnements pour les auteurs, des prémices de leurs idées littéraires pour les novices à leur promotion…
Est-ce que vous constatez un recrudescence d’histoires, de livres qui parlent de cette période que nous traversons ? Est-ce que c’est inspirant pour les auteurs ?
À part un recueil de poèmes d’un auteur de France que je devrais bientôt proposer dans la collection, personne n’a écrit sur le sujet. D’ailleurs, plusieurs auteurs m’ont expliquée manquer d’inspiration en cette période. Il n’y a que moi finalement dans la collection qui ait écrit sur cette crise sanitaire. Mais sans le vouloir. La covid s’est invitée dans mon roman à sortir à la fin de l’année, puisque mes personnages évoluent dans l’Amérique du mandat Trump et dans le New York bouleversé par la crise. Je n’en fais pas un sujet, mais c’est une petite toile de fond qui inspire certains comportements des personnages.
Est-ce que la crise sanitaire a finalement eu l’effet bénéfique d’inviter davantage à la lecture ?
En France le chiffres sont bons, ici je ne sais répondre. J’ai vu mes ventes personnelles grimper cet été, mais je n’ai pas constaté un pic dans les ventes des ouvrages de la collection, peut-être parce qu’un certain nombre de francophones ont voyagé à cette période. Encore une fois, c’est une toute jeune collection et elle n’est pas représentative du marché des livres aux usa.
Quel message pouvez-vous passer aux auteurs francophones qui nous lisent aujourd’hui ?
Vous n’êtes pas seuls ! Nous sommes aujourd’hui une merveilleuse famille. Il me manque pourtant tant de pays représentés par les auteurs. Rencontre des Auteurs Francophones distribuent des auteurs belges, suisses, français, américains, sénégalais, togolais et israélien… Il me manque plusieurs dizaines de pays à mettre en avant ! Chers auteurs, je serais ravie de vous lire et de proposer vos ouvrages à nos lecteurs.
Est-ce que Rencontre des Auteurs Francophones est une communauté d’entraide pour les auteurs notamment sur des questions d’auto-édition, de recherche de maisons d’édition... ?
Dans la mesure où je suis toujours là pour repondre aux questions sur l’auto-édition oui, mais je ne suis pas du tout dans le monde de l’édition américaine, Après oui, les auteurs s’entraident, notamment quand ils sont dans la même région, où certains me proposent d’autres écrivains pour la collection. Je pense que nous sommes sur les prémices d’une vraie communauté forte.
Quel est le lien entre Rencontre des Auteurs Francophones et French Wink, le concept store 100 % français de New York ?
Je connais Claire Obry, la fondatrice, depuis mon arrivée à New York. Une fille formidable, volontaire, généreuse et bienveillante. J’ai appris à connaître aussi la talentueuse Myline et elles forment un duo complémentaire, véritable exemple d’association réussie ! Quand Myline et Claire m’ont proposée de mettre en ligne les auteurs, j’ai trouvé que c’était un formidable option pour palier l’arrêt brutal des évènements. Et nous sommes finalement allées bien plus loin que cette première idée. Elles sont d’un appui formidable pour le projet et je suis ravie de les aider en retour, par ce biais, à promouvoir leur belle initiative. French Wink aussi souffre de la crise sanitaire. Magasin fermé, évènements annulés… Il faut encourager les petites entreprises qui se donnent à fond toute l’année pour la promotion de l’excellence française. Si je peux participer, un peu, à cet effort de guerre, alors tant mieux.
Pour en savoir davantage sur Rencontre des Auteurs Francophones et regarder les émissions