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Jubilé de la francophonie avec l’auteur Mathieu Tazo

Mathieu TazoMathieu Tazo
Écrit par Rachel Brunet
Publié le 2 octobre 2020, mis à jour le 2 octobre 2020

L’Organisation Internationale de la Francophonie célèbre en cette année 2020, son cinquantenaire. Depuis le vendredi 20 mars dernier, Journée internationale de la francophonie, et jusqu’à la fin de l’année, des événements sont organisés aux quatre coins du monde afin de fêter le jubilé de cette organisation dédiée à la langue française. Notre édition est entrée dans la danse et prend part à cette célébration. 

En notre qualité de premier média francophone de part le monde à l’attention des expatriés francophones, avec quelque 69 éditions sur cinq continents, notre édition new-yorkaise a décidé de rendre hommage à la langue de Molière en publiant dans ses colonnes, depuis mars et jusqu’à la fin de cette année, des auteurs francophones installés aux États-Unis ou dont l’intrigue de l’ouvrage se passe au pays de l’oncle Sam.

 

Mathieu Tazo

L’écrivain Mathieu Tazo

 

Aujourd’hui, nous vous invitons à découvrir l’auteur Mathieu Tazo. Ce Varois a une passion, dévorante. L’écriture. Il y a environ 15 ans, alors qu’il était en poste à Paris, il réalise son envie d’écrire. Il s’inscrit à des ateliers d’écriture. « Je me suis dit que l’écriture prend du temps. Soit je m’y mettais tout de suite, soit j’attendais la retraite » précise Mathieu Tazo. Il n’attend pas et commence son premier roman « Un caillou dans la chaussure » lequel ne sera pas publié. En 2014, à New York, il écrit son second ouvrage « La dynamique des fluides », celui-ci sera publié, donnant l’envie à l’écrivain de reprendre son premier ouvrage, qui finalement trouvera un éditeur ainsi qu’un public. « Le narrateur est un tueur, il revient dans le village varois où il a passé son enfance. Il devient maire de ce village où 25 ans plus tôt, il a commis un meurtre. Personne ne le sait. Il va être obligé de participer à une enquête contre lui-même » raconte Mathieu Tazo. Nous vous présentons son dernier roman, « Au nom des pères ».

 

Mathieu Tazo

Couverture du roman Au nom des pères de Mathieu Tazo

 

Extrait du roman Au nom des pères

"Il était une fois trois copains, Angelo, Basile et Gabriel, qui aimaient plus que tout la liberté née de leurs jeunes années. Le premier était brun, grand et mince comme un épi de lavande. Le deuxième était distingué, du duvet sous le nez, élégant jusque dans le port altier de ses vêtements troués. Le troisième était bagarreur, malpoli et blagueur, équilibriste insouciant sur le fil du danger. Ils naquirent à Marseille, dans le quartier du Panier, au nord du Vieux- Port, dans trois appartements d'un même immeuble, en 1915. Longtemps une photographie triste des trois mères portant leurs bébés resta collée dans le hall d'entrée, témoignage d'une période difficile qui dura bien au-delà des babillages et des langes. Les paternels étaient partis à la guerre, mobilisés le 2 août 1914 par une affiche placardée sur la porte de l'immeuble sur laquelle, pour rigoler, le père de Gabriel dessina un huit à la place du neuf. Il disait que les guerres, de toute façon, sont faites pour recommencer. Les femmes s'inquiétèrent. Il reviendrait vite, promis, une affaire de semaines. Et il crachait pour jurer que, si Dieu lui prêtait vie jusque-là, ses futurs enfants naîtraient dans un monde en paix. Il rigolait encore quand il revint en permission en janvier 1915. Il disait que les Fritz étaient à bout, à bout de fusil. Une affaire de mois. La conception du petit se fit dans la joie. Il repartit au front le sourire aux lèvres et la pipe au bec, racontant des blagues potaches à ses compagnons pour égayer un quotidien qui s'enlisait avec la guerre et jetait les soldats dans des labyrinthes de boue. 

Le père de Basile avait, lui, depuis longtemps perdu son sourire quand il revint pour trois jours à Marseille, en février 1915. Il ne supportait pas la vie dans les tranchées nauséabondes d'Arras, il aurait préféré être envahi par les Italiens plutôt que par les Boches afin, au moins, d'avoir un peu de soleil et de chaleur au combat. Il se sentait encore moins que d'autres fait pour le froid et la neige, la gadoue et la crasse, l'attente inutile de ces journées identiques et de ces nuits sans sommeil sous un ciel bas et gris. La courte permission régénéra ses ardeurs et le petit fut conçu. Il repartit par le train du lendemain, celui qui vous emmène on ne sait où et vous ramène on ne sait quand, dans l'au revoir craintif d'un quai de gare rempli de femmes tristes et d'hommes qui fument à la fenêtre des wagons. 

Le père d'Angelo partit aussi faire la guerre mais ne la connut que par les racontars des combattants du front qui revenaient se faire soigner dans les postes arrière. Il souffrait d'asthme chronique et après une première journée d'entraînement, fut considéré comme inapte au combat. Six mois comme auxiliaire médical et il fut déclaré inapte tout court au motif que ses crises chaque fois plus violentes détournaient un lit et du personnel destinés aux vrais combattants. Il fut démobilisé en mars 1915 et revint à Marseille sans gloire mais sur ses deux jambes, dans l'anonymat d'un quai de gare désert, seulement occupé par une épouse soulagée. Un embusqué de première, un planqué, écrivit le père de Gabriel dans une de ses dernières lettres. On jacassa bien au Panier sur son manque d'héroïsme. La conception du petit fut laborieuse et le laissa le souffle court." 

 

« Au nom des pères » est disponible à la librairie Albertine et sur Amazon

Pour en découvrir davantage sur l’auteur

 

Mathieu Tazo

Quatrième de couverture du roman Au nom des pères de Mathieu Tazo