Rien n’affecte Donald Trump. Les outrances de son camp ou les siennes, les affaires judiciaires, ses mensonges, ses incohérences. Ses partisans lui restent toujours fidèles. Comme le prouvent à nouveau les résultats des élections présidentielles du 5 novembre 2024. Donald Trump est le 47ème président des Etats-Unis.
L’électorat fidèle à Trump quoi qu’il arrive
Contrairement à Kamala Harris, Donald Trump dispose d’un électorat résolument fidèle. Peu importe ses condamnations, ses dérapages et ses sorties controversées, continue de le soutenir, avec 34 chefs d’accusation criminels retenus contre lui, une condamnation déjà prononcée, et deux affaires toujours en cours. « Grâce à ses fidèles partisans, il était possible qu’il gagne, bien sûr, mais personne ne s’attendait à ce qu’il gagne du terrain », explique Esther Cyna, historienne spécialiste des questions de racisme, de l'histoire politique et de l’éducation aux États-Unis aux XXème et XXIème siècles. « Donald Trump a réussi à attirer des personnes qui n’avaient pas voté pour lui en 2016, et surtout de nouveaux publics, comme les personnes d’origine latino-américaine ou de confession musulmane » ajoute-t-elle.
Rejet de l’administration Biden
Donald Trump bénéficie d’un avantage important, n’étant pas en fonction. Partout dans le monde, les sortants sont souvent pénalisés par le désir de changement de leurs électeurs, qui aspirent à de nouvelles approches. Bien que Joe Biden ne soit pas lui-même candidat, Kamala Harris, sa vice-présidente, est étroitement liée à son bilan. Pendant quatre années, le contexte géopolitique a été troublé. L’invasion russe en Ukraine ; l’invasion israélienne en Palestine et ses attaques répétées au Liban, en Syrie et au Yémen ; mais aussi les tensions américaines avec la Chine ont mis la politique étrangère américaine au centre des préoccupations.
De plus, le président en exercice souffre d’une impopularité marquée : 56 % des Américains désapprouvent son action. En cause, non seulement sa politique, mais aussi, son âge. Même si Trump et Biden n’ont que deux ans d’écart, beaucoup d'électeurs ont vu en Trump une figure énergique par rapport au président en place, qui a dû faire face à des questionnements croissants concernant sa capacité à gouverner.
La vision de la femme au pouvoir encore trop compliquée aux USA
C’est la deuxième fois que cela arrive, une candidate à la Maison-Blanche échoue à se hisser à la tête de la première puissance mondiale. Contrairement à Claudia Sheinbaum, élue au Mexique première présidente nord-américaine le 1er octobre 2024, Kamala Harris, comme Hillary Clinton en 2016, n’a pas réussi à franchir le dernier obstacle. Pendant la campagne, l’ancienne secrétaire d’État avait appelé les Américains à enfin briser « le plus haut, le plus difficile des plafonds de verre » en élisant une femme à la présidence.
« C’est surtout révélateur d’une chose : Hillary Clinton et Kamala Harris ont échoué là où Joe Biden a réussi. Il y a évidemment des fautes à admettre et à reconnaître de la part du parti Démocrate et on peut analyser et suranalyser les erreurs des démocrates, mais en fait, ça n'explique pas une telle défaite. Le fait qu’il s’agisse d’une femme, ce n’est pas un hasard. »
Ces défaites s’expliquent en partie par la popularité et la stratégie de leur adversaire, Donald Trump, qui dans les deux cas, a misé sur une image de force et de virilité, multipliant les éloges envers les dirigeants autoritaires et se posant en « protecteur des femmes », ajoutant qu’il les protégerait « que cela leur plaise ou non ». Toute sa campagne a été marquée par des commentaires insultants ou condescendants envers les femmes, émanant aussi bien de lui que de ses soutiens politiques et médiatiques.
Pourquoi Kamala Harris a perdu les élections présidentielles ?
Kamala Harris, quant à elle, n’a pas usé de l’argument du genre : être la première femme présidente aux Etats-Unis. Pourtant, pour de nombreux observateurs, la misogynie persistante dans la société américaine a été un obstacle notable, venant s’ajouter au défi d'affronter un adversaire qui, à travers des codes de virilité exacerbée, a su séduire une part importante de l’électorat, majoritairement des hommes blancs.
Le discours et le traitement médiatique de Trump
Tout au long de sa campagne, Trump a manipulé les médias en maintenant un discours clivant et sensationnaliste qui lui garantit une couverture continue et massive. En se présentant comme un outsider malgré son statut d’ancien président, il a su séduire une audience qui se méfie de la presse traditionnelle, qu’il a qualifiée de « fake news » à de nombreuses reprises. Cette stratégie lui permet de court-circuiter les analyses et critiques des médias traditionnels, se connectant directement avec son électorat via les réseaux sociaux et des plateformes conservatrices.
L’attrait du discours réactionnaire et raciste
Attaques contre Kamala Harris et son identité raciale, qualifications dégradantes de Porto Rico comme étant une île poubelle, discours haineux et dégradants envers les immigrés haïtiens, « ça a attiré. Ce que Trump et les républicains appellent les valeurs traditionnelles et religieuses sont en fait un discours réactionnaire et démagogue sur ce que devrait être la famille ».
Une campagne dans la démesure, des apparitions et des discours qui dérangent autant qu’ils attirent. Elle ajoute que le côté spectaculaire a encore fonctionné, « encore mieux qu’en 2016 » et que le candidat a été sous-estimé par les Démocrates. Pour l’historienne, Donald Trump a joué sur la frustration de l'électorat américain qui a perdu en niveau de vie depuis plusieurs années maintenant. Il est parvenu à canaliser cette frustration, « en mettant en opposition les hommes contre les femmes et les hommes dits alpha contre les hommes homosexuels par exemple », grâce notamment à une promotion très agressive sur X.