Il s’appelle Vivien François, il vit au Québec depuis plus de quinze ans et il a une obsession : faire entrer les terrains de sport dans l’ère numérique. À travers sa plateforme NeoSport, ce passionné de tech veut faire tomber les barrières d’un système encore trop souvent figé. Mais s’attaquer à l’inertie des collectivités, c’est parfois comme tenter un lob sur un terrain détrempé.


De la fibre optique à la fibre entrepreneuriale
Quand il débarque à Montréal en 2008, Vivien ne pense rester qu’un an. Mais comme tant d’autres Français avant lui, il est pris par la ville : « J’ai eu la piqûre. Montréal m’a attrapé, et je ne suis jamais reparti. » Ingénieur dans les télécoms, il intègre une start-up locale, qu’il ne dirige pas, mais dont il vit chaque étape — jusqu’à sa vente à TELUS. « J’ai appris le goût du risque, du concret, de la sueur entrepreneuriale… sans être à la barre. Il était temps d’embarquer sur mon propre navire. »
L’idée germe un jour où il tente désespérément de réserver un terrain de sport. Rien. Ou presque. Des portails obsolètes, des calendriers papier, des numéros de téléphone qui ne répondent pas. De ce déclic naît NeoSport.
Réserver un terrain comme on commande une pizza
« On vit à une époque où on peut commander un repas en cinq clics, mais réserver un terrain de soccer relève parfois de l’exploit administratif. » Vivien n’en revient toujours pas. NeoSport se veut un portail universel, un “Booking.com” du sport. Le moteur de recherche géolocalise les installations sportives, permet leur réservation en ligne, gère les horaires et même les paiements.

Mais derrière cette apparente simplicité se cache un défi titanesque : convaincre les municipalités, propriétaires d’environ 70 % des infrastructures. « Beaucoup sont encore à l’âge de pierre numérique. Certaines n’ont même pas de système de réservation. » Il évoque Mascouche, qui a franchi le pas après des plaintes de citoyens frustrés par l’occupation sauvage des terrains. « C’est là que tu comprends que la pression citoyenne peut faire basculer les choses. »
Seul à bord, mais déterminé à lever l’ancre
Aujourd’hui, Vivien est seul aux commandes. Son associé initial, peu à l’aise avec le flou de l’aventure entrepreneuriale, a quitté le navire. « Il voulait essayer, mais ce n’était pas pour lui. Depuis, je cherche un ou une partenaire. Quelqu’un qui aurait envie de bâtir avec moi, pas juste de toucher un salaire. »
Le produit, lui, est prêt.Vivien l’a développé de ses propres mains : interface, appli mobile, moteur de recherche. Il est en service, il est utilisé. Mais pour le déployer largement, il lui manque ce que tout entrepreneur finit par chercher : du souffle. Il a lancé une campagne sur La Ruche pour financer l’embauche d’un développeur d’affaires. « J’ai besoin qu’on aille frapper aux portes. Moi, je ne peux pas être partout. »
Participer à la campagne sur La Ruche
L’inertie municipale, un sport de combat
« Les villes ne bougent pas pour l’innovation. Elles bougent pour éviter les plaintes. » Vivien le sait : convaincre les fonctionnaires, c’est compliqué ; convaincre les élus, c’est politique. Alors il affine ses stratégies. Il cible les MRC (municipalités régionales de comté), les associations d’arénas, de loisirs, les salons municipaux. « Il faut leur parler de rentabilité, d’optimisation. Beaucoup de gymnases et de terrains dorment vides en dehors des heures de classe. »
Il réfléchit à une autre porte d’entrée : les universités, les collèges, même les écoles privées. « Leurs installations sont souvent inutilisées le soir. Elles pourraient être ouvertes aux citoyens. Ça rapporte, ça rapproche. »

Trouver le bon relais
À court terme, Vivien mise sur des relais d’opinion. Un maire convaincu. Un élu motivé. Ou peut-être… un partenaire privé prêt à s’associer à une initiative citoyenne, sportive et numérique. Il en parle à son entourage, explore les bons cercles, repère les institutions susceptibles d’ouvrir des portes.
« Il suffit parfois d’un bon contact au bon moment, d’une mise en relation qui fait mouche. J’essaie de faire passer le mot, de provoquer la rencontre. » Car dans l’écosystème sportif comme dans les autres, un appui stratégique peut faire décoller une solution.
Et si la prochaine révolution numérique était sportive ?
Vivien François n’a pas (encore) levé des millions. Il n’a pas (encore) signé avec la Ville de Montréal. Mais il a l’entêtement tranquille de ceux qui croient à leur idée. NeoSport.ca pourrait bien devenir une évidence, dans quelques années. Reste à savoir si le Québec acceptera de jouer la balle… ou s’il préférera continuer à marcher sur la ligne de touche.
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