Fondé en 2010, ce club de rugby est né d’une passion forte pour le ballon ovale, le respect, l’envie et la convivialité. Des valeurs qui se perpétuent depuis quinze ans, et qui en font un club populaire à Montréal. La structure — qui offre du rugby à 15 et à 7 — est dirigée par une équipe encadrante compétente. Trois de ses membres, Maxime Moreira, Arnaud Blaszkowski et Florian Guilhamet partagent leurs expériences.


Montréal compte plusieurs clubs de rugby importants ouverts à l’international, mais le Rugby XV de Montréal fait partie des trois principaux clubs francophones avec le Parc Olympique Rugby (Parco) et le Rugby Club Montréal (RCM). Basé uniquement sur le bénévolat, il s'entraîne au Parc Henri-Julien et s’appuie sur des figures incontournables, toutes dévouées à cette structure.
Arnaud Blaszkowski, co-président du club depuis six ans, est présent dès les tous débuts. Habitant de la région parisienne, il vient en vacances dans les années 90 et « tombe en amour du Québec ». S’il a toujours gardé ce lien particulier avec cette région, il revient vingt ans plus tard avec sa famille, et fait carrière en tant que développeur multimédia.
Je travaille dans les effets spéciaux et Montréal est une ville réputée pour les jeux vidéos et le cinéma. Jamais je ne pensais venir ici, ça a été une découverte totale
Trois ans après son arrivée, cet habituel joueur de football découvre le rugby « par l’intermédiaire de mon fils qui voulait en faire. Je rencontre alors Ghislain Grégoire, joueur du RCM à ce moment-là », confie-t-il. Arnaud s’inscrit dans ce club comme joueur aux côtés de Ghislain, mais ce dernier, animé par l’envie d’en faire un peu plus pour le rugby, crée le XV de Montréal. « Je le suis dans cette aventure, ça se passe super bien, mais Ghislain ne reste que deux ans. Les présidents s'enchaînent, avec Franck Fromont qui a été le plus important, et en 2019, il manque du monde au bureau. J'accepte alors de prendre la présidence en binôme avec Graeme, puis aujourd’hui avec Thomas », ajoute-t-il. Son attachement pour ce club n’a jamais cessé, et Arnaud est très bien entouré.
Maxime Moreira, originaire de la région marseillaise, est considéré comme la « mémoire vive » du club. Il pose ses valises, un peu par hasard, en septembre 2015 à Montréal pour des raisons professionnelles. « Je travaille dans les effets spéciaux et Montréal est une ville réputée pour les jeux vidéos et le cinéma. Jamais je ne pensais venir ici, ça a été une découverte totale », avoue-t-il.
Il s’initie au rugby quand il est tout petit, mais ce n’est pas une franche réussite. « J’ai détesté ça, et puis j’y ai pris goût quelques années plus tard grâce à un professeur de sport au collège », déclare-t-il. Il arrête cette discipline à sa majorité pour se consacrer à la musique, mais à son arrivée à Montréal, il se dit que « la musique c'est fini, alors retour à une des mes plus grandes passions, le rugby ». Il rencontre un français pendant une soirée qui lui présente le club, « il m'a dit de venir y faire un tour, c’est de là que tout est parti », affirme-t-il.
S’il a débuté en tant que simple joueur, il est aussi membre du staff depuis huit ans. « Un an après mon arrivée, les encadrants sont quasiment tous partis, et avec quelques amis on a décidé de donner un nouveau souffle au club, et ainsi continuer l’aventure », confie-t-il. Il a commencé au poste de vice-président et trésorier, et s'occupe maintenant de la vente et de la promotion des produits dérivés, des réseaux sociaux, des montages et des visuels, domaines dans lesquels il performe.
Moi qui n'avais jamais pris de long courrier avant, ça a été particulier
Florian Guilhamet, le dernier arrivé des trois, vient du sud-ouest de la France. Issu d’une famille d’agriculteurs dans la vallée, il a fait une école de commerce à Pau, avant de partir travailler pour une boulangerie industrielle en Vendée. « Elle avait deux usines au Canada, alors je me suis fais muter à Montréal, il y a trois ans, sac sur le dos », déclare-t-il. S’il alternait trois semaines en Vendée, et une semaine à Montréal, c’est quatre mois après qu’il s’est installé au Québec à temps plein. « Moi qui n'avais jamais pris de long courrier avant, ça a été particulier », avoue-t-il en souriant.
Le rugby a toujours été son sport, il n'a jamais cessé d’en faire. « Je cherchais une équipe et je suis arrivé dans les sessions d’hiver du XV de Montréal et du RCM. J’hésitais entre ces deux clubs, mais ce qui m’a séduit chez le XV, c’est leur côté amusant avec Arnaud qui disait “bon les gars, on va à quel bar ce soir ?”, ça a tout de suite fonctionné », explique-t-il en riant. Quand il revenait tous les mois, il s'entraînait avec eux le vendredi soir, jusqu'à sa mutation définitive, où il participe désormais aux saisons régulières. En plus d’être joueur, il fait partie de l'équipe administrative du club depuis un an.
Un véritable modèle d’intégration et de bienveillance
La structure rassemble 90 personnes, dont 70 joueurs majoritairement Français, avec leur histoire et leur personnalité. Le XV vit au rythme de la solidarité et de la camaraderie, « on accueille tout le monde, même des débutants. On accroche les joueurs par le côté social et convivial, après chaque match on trinque avec l’adversaire, ça nous représente bien », affirme Maxime. « L’ADN du XV c’est l’aspect familial et bienveillant », ajoute Florian.
je ne connaissais personne, je me suis mis à fond dans le boulot et le XV a été comme une famille, ça m’a tellement aidé
Le club tente de se diversifier, en intégrant des personnes venues d’autres horizons. « Cette année a été Sud-Américaine, ça parlait espagnol à l'entraînement, c’était génial ! », s’exclame Arnaud. Barrière de la langue ou pas, la bonne ambiance reste le maître-mot. « La saison dernière, le Togo était à l’honneur avec Parfait le bien nommé. L'entraîneur disait “ce week-end les gars, je veux que ce soit parfait !”, et il se retournait en répliquant “oui ?”, c’est tout bête mais ça le faisait marrer », avoue Arnaud en riant aux éclats. Une anecdote sincère et taquine, qui témoigne de l’atmosphère rassurante installée au sein de l’équipe.
Pour certains, rejoindre ce club est un moyen simple de se dépenser, pour d’autres, il est devenu un véritable repère. « Je suis arrivé tout seul ici, je ne connaissais personne, je me suis mis à fond dans le boulot et le XV a été comme une famille, ça m’a tellement aidé », déclare Florian. Il a connu une période compliquée où il n’était pas sûr de rester et de réussir à s’intégrer à cette nouvelle culture, « mais ce ne sont que des Français ouverts d'esprit, dans le même délire que moi, avec qui je passe tout mon temps libre, forcément tu crées des relations très fortes », ajoute-t-il.
Entre repas toutes les semaines avec les copains, et barbecues au Parc Lafontaine après les matchs, les joueurs se sentent bien, « même après une défaite, on garde cet esprit de groupe, on est ensemble, c’est ça qui est beau et qui est fort », confie Florian.

Un club d’une résilience à toute épreuve
Le XV de Montréal a connu des périodes compliquées, toutes surmontées, porté par son éternelle devise : « Quoi qu’il arrive », symbole de courage et de persévérance. « On avait pris l’habitude d’aller boire des verres après l'entraînement avant de rentrer à pas d’heures, mais toujours en prenant soin de dire “on ne rentre pas tard, quoi qu’il arrive”, alors c’est resté », se souvient Arnaud. Pendant longtemps, le club souffrait d’une mauvaise réputation et était perçu comme difficile à arbitrer à cause de quelques agitateurs. « Mais depuis plusieurs années, on a redoré l’image et il est aujourd’hui irréprochable et très bien vu, notamment par Rugby Québec », avoue Florian.
Il y a aussi beaucoup de roulement au niveau du staff. Les gens restent rarement plus de quatre ans ici. En quinze ans, il y a eu six présidents
Le club étant essentiellement composé d’expatriés, chaque année, certains joueurs partent et d’autres arrivent. « Même si on maintient notre niveau, c’est très dur de tenir sur le long terme avec tous ces roulements parce que des fois, il y a plus de départs que d’arrivées. En trois ans, tu perds au moins 30 % des personnes », explique Maxime. « Il y a aussi beaucoup de roulement au niveau du staff. Les gens restent rarement plus de quatre ans ici. En quinze ans, il y a eu six présidents », ajoute Arnaud.

Le collectif s’articule autour de deux équipes, 1 et 2, réparties par niveau. Marquées par plusieurs montées depuis 2022, elles évoluent respectivement en Provinciale 1, la deuxième division la plus élevée du Québec, et en Provinciale 1 réserve. Le club n’a rien lâché, gravi les échelons, et est à son meilleur niveau depuis sa création. Cette réussite n’est pas le fruit du hasard. Si le travail et le sérieux paient, la pandémie a, à sa manière, façonné la situation.
Pendant le confinement, s’est mise en place « La Cave d’Arnaud », où « on se retrouvait tous les jeudis soirs dans mon sous-sol pour faire la fête. On sait qu’on n'avait pas le droit, mais ça nous faisait tellement du bien, qu’est-ce qu’on a ri ! », confie Arnaud plein de nostalgie. « C’est une période qui a cimenté le groupe actuel, on est ressorti plus soudé que jamais, c’est aussi pour ça qu’il dure plus longtemps que les autres », ajoute-t-il.
Le XV est un club solidaire qui n’abandonne jamais. « Quoi qu’il arrive » résonne partout, tout le temps, dans une structure active et adaptable.
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Du rugby pour tous, par tous
La visibilité sur les réseaux est une clé du recrutement, et le rôle de Maxime a été décisif, « il a quasiment sauvé le club à lui tout seul. Les gens nous prennent presque pour des pros avec la qualité des vidéos et des photos », avoue Florian.
La saison principale à 15, qui se déroule de juin à août, est axée sur la compétition, mais « en conservant notre ADN et sans tomber dans ce côté élitiste, c’est essentiel », affirme Florian. « Tous les ans, on prend une dizaine de nouveaux, de toutes expériences, pour les former », ajoute Maxime. Les équipes sont supervisées par Franck Minet, dit « Mimo », entraîneur-chef. « Tout le monde l’appelle Mimo, on a appris il n’y a pas longtemps qu’il s’appelait Franck », admet Florian en souriant.
Le rugby à 7 c’est juste pour continuer à jouer, il n'y a plus vraiment de niveau et de compétition
En dehors de cette période, le club s’est lancé, il y a quelques années, dans le rugby à 7 qui se joue de septembre à novembre. « On n’arrête pas les entraînements avant la neige, c’est une tradition, quoi qu’il arrive », affirme Arnaud. « Le rugby à 7 c’est juste pour continuer à jouer, il n'y a plus vraiment de niveau et de compétition. C’est une parenthèse avant la reprise de la saison à 15. On vient quand on veut, on est moins sérieux, il n’y a pas d’équipe type », explique Maxime. C’est aussi l’occasion pour les novices de s’exercer et de participer aux tournois. Si au début, l’équipe « ne prenait que des corrections », Florian s'est aperçu « que les gars aimaient continuer à s'entraîner et à jouer ». Le vrai objectif de la saison à 7 est simple : aider les débutants à prendre le ballon et à avoir confiance en eux.
Ce club polyvalent propose donc du rugby pour tous les goûts, des joueurs les plus confirmés et compétitifs, aux plus curieux et débutants, sans jamais oublier le plus important : la bienveillance et le respect.
Une structure qui bâtit son futur
L’équipe souhaite continuer sur sa belle dynamique, « le but c’est de sécuriser la Provinciale 1, et de la solidifier », confie Florian. Le XV a de l’ambition et pense à créer une équipe de jeunes et de filles. Même si « ça reste très compliqué, notamment avec ce système de roulements, où chaque année il y a des départs », ajoute-t-il, cette idée n’est pas complètement abandonnée.
La valse des présidents continue, puisque Arnaud et Thomas quittent leur poste en novembre. « J’ai fait mon temps, le plaisir a été immense de représenter tout le monde, et les jeunes vont le faire aussi bien », dit Arnaud. Ils devraient être remplacés par le « digne héritier » : Florian. « Je veux rendre au club tout ce qu’il m’a apporté depuis que je suis ici. Je continuerai à être joueur et membre du bureau », confie-t-il. Une équipe avec des personnes solides et motivées est en train de se mettre en place pour prendre la relève. « On veut apporter une nouvelle dynamique et du sang neuf, tout en conservant nos belles valeurs et notre état d’esprit évidemment », déclare-t-il. « On approche d'un début de maturité », ajoute Arnaud.
À 38 ans, celui qui a animé d’une main de maître les réseaux sociaux du club, tourne la page en laissant derrière lui une empreinte indélébile.
Maxime s’en va aussi, début 2026, après dix belles années de bons et loyaux services. « Je stoppe tout, j’estime que j’ai énormément donné, ce n’est que du bénévolat sur mon temps libre. Je vais quand même rester proche des copains », avoue-t-il. À 38 ans, celui qui a animé d’une main de maître les réseaux sociaux du club, tourne la page en laissant derrière lui une empreinte indélébile.
C’est un chapitre important qui se termine, un autre qui s’écrit, mais avec toujours la même envie : perpétuer ces principes de fraternité, d'amitié et de solidarité qui font tellement du bien.
Le rugby québécois : un sport encore trop marginal
Le hockey sur glace, le soccer, ou encore le basketball sont autant de sports plus populaires que le rugby au Québec. « Tant qu’il ne sera pas dans les écoles, ça ne changera pas, il restera trop marginal ici », affirme Maxime. Le constat est sans appel : il n’y a aucun argent dans le rugby québécois. « C’est compliqué, on n’a pas de vestiaire, pas de club-house, pas de douches, seulement un petit cabanon avec le matériel. Quand on va faire des barbecues, on squatte les parcs, on paye tout », explique Arnaud.
Si la période estivale reste gérable, l'hiver est un « massacre, tu payes une fortune pour un tiers de terrain à 70 joueurs. Tous les autres sont pris, il n'y a rien d’autre », confie-t-il. « À une époque, on n'avait plus d’endroits où s'entraîner, on arrivait avec des cordes pour planter le terrain qu’on partageait avec d’autres », se souvient-il. Mais l’envie de jouer les a toujours animés et ne les a jamais quittés.
Heureusement, le XV de Montréal peut s’appuyer sur le soutien de certains partenaires. « Ce sont eux qui financent les maillots, les ballons et la pharmacie », affirme Maxime. Le club compte dans ses rangs des sponsors variés tels que des bars, une boulangerie ou encore des entreprises et indépendants dans le domaine médical. Si le but est de les garder au fil des saisons, pour eux, « il n’y a pas tant de retours que ça, ce sont presque des dons en vérité », admet-il.
Malgré ces apports financiers, tout est réinjecté dans le matériel, vital pour le club, et les bénévoles passionnés ne touchent aucune rémunération. Alors dans une région où le rugby reste dans l’ombre des sports locaux, une structure sans subvention, mais dotée d’une grande abnégation, peut-elle vraiment espérer plus ?
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