Édition internationale

Pourquoi la fête du Travail tombe-t-elle le premier lundi de septembre au Canada ?

Adoptée en 1894, la fête du Travail est célébrée au Canada chaque premier lundi de septembre, à l’instar de son voisin américain. Si cette date s’est imposée, c’est à la fois pour des raisons historiques, politiques et pratiques. Derrière ce long week-end de fin d’été se cache une mémoire ouvrière parfois oubliée, mais qui a profondément marqué l’histoire sociale du pays.

Fete du travail 2011 OntarioFete du travail 2011 Ontario
Défilé pour la Fête du travail à Toronto en 2011 - Photo Wikipedia
Écrit par Lepetitjournal Montréal
Publié le 1 septembre 2025

 

 

Origines ouvrières : Toronto et Chicago, berceaux d’un mouvement

Le 15 avril 1872, Toronto voit défiler près de 10 000 personnes. Les typographes réclament une journée de neuf heures de travail, un combat qui choque les autorités de l’époque. La répression est brutale, mais la mobilisation mène à la légalisation des syndicats quelques mois plus tard. « Cet épisode est fondateur, il a inscrit la revendication ouvrière dans l’histoire politique canadienne », souligne l’historien Craig Heron.

Au sud de la frontière, une autre lutte secoue Chicago en 1894 : la grève de Pullman. Les violences qui s’ensuivent poussent le président américain Grover Cleveland à instaurer rapidement un congé fédéral pour calmer les tensions. C’est ainsi que le Labor Day est officialisé le premier lundi de septembre — une décision qui influencera directement Ottawa.

 

Pourquoi pas le 1er mai ?

En Europe, le 1er mai s’impose comme la Journée internationale des travailleurs à partir de 1889, en mémoire du massacre de Haymarket, survenu à Chicago en 1886. Mais en Amérique du Nord, cette date, jugée trop militante, voire révolutionnaire, est écartée. Le choix de septembre permet de dissocier la fête canadienne et américaine des manifestations internationales.

« On voulait une journée d’unité ouvrière, pas de confrontation », rappelle un dirigeant syndical cité dans les archives du Congrès du travail du Canada. En prime, la date offre un dernier congé avant l’automne, stratégiquement situé entre la fête nationale américaine du 4 juillet et l’Action de grâce.

 

Une fête institutionnalisée en 1894

Sous la pression des syndicats, le Canada emboîte le pas des États-Unis et adopte en 1894 une loi faisant du premier lundi de septembre la fête du Travail. Des défilés, des discours et des rassemblements populaires s’organisent alors dans les grandes villes, symboles d’une solidarité ouvrière naissante. Winnipeg, Montréal et Toronto deviennent les théâtres d’immenses cortèges où l’on célèbre la dignité du travailleur.

 

 

De la lutte sociale au week-end prolongé

Avec le temps, le sens militant de la fête s’est estompé. Depuis les années 1950, le jour férié est surtout devenu synonyme de fin de l’été, de barbecues et de rentrée scolaire. Pourtant, les syndicats rappellent chaque année l’importance de cet héritage. « C’est une occasion de se souvenir que nos droits — la semaine de 40 heures, les congés payés, la sécurité au travail — sont le fruit de luttes collectives », insiste Bea Bruske, présidente du Congrès du travail du Canada.

 

 

Une spécificité nord-américaine

Le Canada et les États-Unis font figure d’exception. Dans plus de 150 pays, du Brésil à la France, de l’Inde à l’Afrique du Sud, c’est bien le 1er mai qui est retenu pour honorer les travailleurs. Seules quelques nations du Pacifique, comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande, adoptent des dates différentes selon les États. Mais nulle part ailleurs la fête n’est fixée début septembre.

Cette singularité a contribué à faire du Labour Day un marqueur culturel : il symbolise à la fois la fin officieuse de l’été et la mémoire des luttes ouvrières en Amérique du Nord.

 

Un rendez-vous symbolique, mais pour combien de temps ?

Aujourd’hui, peu de Canadiens connaissent l’origine combative de ce congé tant attendu. Le choix de septembre, fruit d’un compromis entre climat, politique et mémoire sociale, distingue le pays de la majorité des nations. Mais à l’heure où les formes de travail se transforment — télétravail, précarité, automatisation —, la fête du Travail retrouvera-t-elle un jour son rôle initial : rappeler que les droits des travailleurs sont toujours à défendre ?

 

Commentaires

Votre email ne sera jamais publié sur le site.