Adopté à Ottawa en novembre 2025, le Projet de loi C-3 corrige une anomalie historique du droit canadien de la citoyenneté. En élargissant la transmission de la citoyenneté par filiation au-delà de la première génération née à l’étranger, elle ouvre un champ inédit de possibles — y compris pour certains Français, parfois sans en avoir conscience.


Pendant des années, le Canada a limité la transmission de sa citoyenneté aux enfants nés à l’étranger à une seule génération. Une règle technique, surnommée la “limite de la première génération”, introduite en 2009, qui a créé ce que l’administration appelle elle-même les « Lost Canadians » : des personnes privées de citoyenneté alors même qu’elles descendaient de Canadiens.
L’adoption du Projet de loi C-3 vient corriger cette fracture juridique. Désormais, un citoyen canadien né à l’étranger pourra transmettre sa citoyenneté à ses enfants, à condition de démontrer un « lien substantiel » avec le pays — soit trois années de présence cumulée sur le sol canadien avant la naissance de l’enfant. « Cette réforme vise à rétablir l’équité et la continuité du lien canadien à travers les générations », résume Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.

Des célébrités américaines… et des Français dans l’angle mort
Aux États-Unis, la nouvelle a immédiatement fait les gros titres. Madonna, Hillary Clinton, Viggo Mortensen ou Lily Collins figurent parmi les personnalités qui, grâce à leurs ancêtres canadiens, pourraient désormais devenir citoyennes. La démonstration est spectaculaire : une loi administrative peut soudain produire des effets politiques, culturels et symboliques.
Madonna
Née dans le Michigan, la reine de la pop possède des racines québécoises par sa mère, Madonna Louise Fortin, descendante de colons français installés en Nouvelle-France au XVIIᵉ siècle. Grâce à l’adoption du Projet de loi C-3, cette filiation, autrefois trop lointaine, pourrait désormais lui ouvrir l’accès à la citoyenneté canadienne.
Hillary Clinton
L’ex-Première Dame possède, par sa lignée maternelle, des racines directes en Nouvelle-France, jusqu’aux « Filles du Roi ». Longtemps sans effet juridique, cette filiation franco-canadienne pourrait désormais, grâce à l’adoption du Projet de loi C-3, lui ouvrir les portes de la citoyenneté canadienne.
Côté français, aucun nom célèbre n’a encore émergé publiquement. Non par exclusion juridique, mais par simple absence de généalogies rendues publiques. La loi ne distingue ni nationalité actuelle ni notoriété : « Ce qui compte, ce n’est pas votre passeport d’aujourd’hui, mais votre filiation et le lien réel de vos parents avec le Canada », rappelle un juriste spécialisé en immigration. Autrement dit, certains Français pourraient être concernés… sans encore le savoir.
Une opportunité très concrète pour des familles françaises
Pour les Français installés au Canada depuis plusieurs décennies, ou issus de familles franco-canadiennes établies temporairement en France, l’adoption du Projet de loi C-3 ouvre une nouvelle voie juridique. Un parent né à l’étranger mais ayant vécu plusieurs années au Canada peut désormais transmettre sa citoyenneté à ses enfants, même nés hors du territoire.
C’est un bouleversement discret mais puissant. « On parle ici de droits civiques, de mobilité internationale, d’accès au marché du travail nord-américain, d’études subventionnées, et même de transmission identitaire », souligne un consultant en immigration à Montréal. La citoyenneté redevient un héritage vivant, non plus une exception bureaucratique.
Texte adopté du Projet de Loi C-3 - Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (2025)
Un Canada qui repense son lien à sa diaspora
Derrière l’adoption du Projet de loi C-3 se dessine un virage politique plus large : celui d’un Canada qui assume pleinement son statut de pays d’émigration autant que d’immigration. Pendant des années, les enfants de Canadiens établis à l’étranger ont été considérés comme des citoyens de seconde zone juridique. Cette époque se referme.
En rétablissant la continuité de la citoyenneté au-delà des frontières, Ottawa envoie aussi un message à ses diasporas : le lien au pays ne se coupe pas avec un billet d’avion. « C’est une reconnaissance symbolique forte de l’histoire migratoire canadienne », analyse un politologue de l’Université de Toronto.
Une loi, et des identités en suspens
Aujourd’hui, aucun Français célèbre ne revendique encore publiquement son futur passeport canadien par filiation. Mais dans l’ombre des arbres généalogiques, combien de destins juridiques sont peut-être déjà en train de basculer ?
L’adoption du Projet de loi C-3 ne fabrique pas seulement de nouveaux citoyens. Il réactive des filiations, réveille des mémoires familiales et interroge, en creux, une question profondément moderne : jusqu’où une nation peut-elle s’étendre dans la vie intime de ses héritiers — même à distance ?












