Lauréate du prix Collaboration franco-canadienne lors du Gala de la CCI Française au Canada, Innergex commence à sortir du cercle des initiés aux énergies renouvelables. De la Rive-Sud du Québec jusqu’aux Andes chiliennes, en passant par les plaines françaises, elle déploie un modèle où développement durable rime avec enracinement local. Rencontre avec des bâtisseurs silencieux, pour qui l’énergie n’a de valeur que partagée.


Quand Jean Trudel rejoint Innergex en 2002, l’entreprise n’est encore qu’un pari un peu fou : une poignée de mégawatts en activité, mais une vision solide comme le roc. Celle de Gilles Lefrançois, son fondateur, qui avait flairé, dès 1990, que l’avenir passerait par le renouvelable — mais pas n’importe comment. « Gilles était un visionnaire, un bâtisseur. Il a compris tôt que l’énergie ne se pense pas seule, mais avec les territoires, les communautés, et sur plusieurs décennies. »
Aujourd’hui, Innergex dépasse les 4 600 mégawatts installés, sans jamais s’être écartée de cette boussole : produire autrement, avec ceux qui vivent là, et pour longtemps.

La France, un ancrage choisi
En 2017, Guillaume Jumel quitte Montréal pour traverser l’Atlantique. Mission : implanter Innergex en France. Il est seul au départ, sans bureau, sans équipe, mais avec une conviction : pour s’enraciner, il faut prendre son temps. Huit ans plus tard, la filiale emploie 45 personnes, produit 75 millions d’euros de chiffre d’affaires, et a attiré un partenaire stratégique : le Crédit Agricole.
« On aurait pu multiplier les partenariats. Mais on voulait faire les choses à notre manière. Avec notre tempo, notre exigence. » Ce choix d’indépendance et de rigueur a valu à Innergex le prix Collaboration franco-canadienne au Gala 2025 de la CCI Française au Canada. Une rare reconnaissance pour une structure qui agit plus qu’elle ne parle.
Le vent, l’eau… et la parole donnée
Chez Innergex, l’ingénierie commence par l’écoute. Un projet n’existe que s’il est accepté. Pas à Québec ou à Paris, mais sur le terrain. « Le vent, l’eau, le soleil ne nous appartiennent pas. Ils font partie du territoire. On les utilise, on les partage, mais on ne les impose jamais », explique Jean Trudel.
Dans les années 1990, au Québec, Innergex fut l’une des premières à signer de véritables partenariats économiques avec des Premières Nations. Aujourd’hui, en France, elle accompagne la reconversion agricole de terres appauvries par les grandes cultures, en soutenant l’émergence de plantes médicinales et aromatiques plus résilientes.
« On parle de retour sur investissement. Nous, on préfère parler de retour sur territoire. »
Stocker l’avenir, sans compromettre le présent
Comment rendre l’électricité renouvelable aussi fiable qu’un interrupteur ? En apprenant à la stocker. Innergex l’a compris depuis longtemps, et investit massivement dans cette voie. « On développe des projets capables de fournir de l’énergie pendant 8 ou 9 heures. Ce qui était impensable il y a dix ans », se réjouit Guillaume Jumel.
Au Chili, l’entreprise a assemblé un bouquet énergétique unique : systèmes de stockage, hydroélectricité, solaire, éolien… Une réponse robuste aux besoins 24/7 de ses clients, souvent des géants de l’industrie minière. Là encore, pas de précipitation. « On s’est entourés d’équipes locales, on a appris les codes, la langue, les usages. » L’adaptation, plutôt que l’importation.

Une pause, pour une fois
Recevoir un prix, parler à la presse, célébrer publiquement : ce n’est pas dans l’ADN d’Innergex. « On est dans le faire, pas dans le dire », sourit Guillaume Jumel. Mais cette fois, l’entreprise a accepté de ralentir, un instant. Pour regarder dans le rétroviseur. « C’est une façon de faire une pause, de dire à nos équipes : ce qu’on fait a du sens. »
Une reconnaissance qui résonne aussi comme un appel à la fierté. Car si Innergex est discrète, elle n’en incarne pas moins une réussite québécoise exemplaire. Et dans une province souvent humble, cela mérite d’être dit.
Une PME devenue groupe international
De ses débuts, modestes, à Longueuil, Innergex est devenue un acteur de poids dans le paysage mondial des énergies renouvelables. L’entreprise emploie aujourd’hui plus de 500 personnes, dont près de 300 au Québec, principalement dans ses bureaux de Longueuil, au bord du pont Jacques-Cartier. Elle possède 90 sites de production répartis entre le Canada, les États-Unis, la France et le Chili.
Au total, ce sont plus de 4 600 mégawatts qui sont aujourd’hui installés ou en développement sous sa gouverne. « Ce qui nous distingue, ce n’est pas notre taille, mais notre cohérence. On reste fidèles à ce qu’on était, même en grandissant », souligne Jean Trudel. Une croissance solide, mais jamais déconnectée de ses racines.
Et si l’avenir appartenait aux bâtisseurs patients ?
Innergex ne promet pas la lune. Elle ne lève pas des milliards. Elle ne fait pas de bruit. Mais elle livre, année après année, des projets solides, durables, acceptés. Elle accompagne les agriculteurs, respecte les rivières, consulte les villages. Elle n’accapare pas les ressources : elle les partage.
Et c’est peut-être là, dans cette humilité assumée, que réside une des plus belles promesses de la transition énergétique. Une énergie qui éclaire… sans écraser.
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