Arrivée au Québec pour un simple échange universitaire, Coralie Monneret est aujourd’hui une figure incontournable de la communauté française du Saguenay. Employée de Desjardins et consule honoraire, elle incarne cette France enracinée ailleurs, lucide et bienveillante. Entretien avec une femme de terrain, qui croit autant au potentiel de sa région d’adoption qu’au pouvoir des petites choses.


Elle aurait pu ne jamais mettre le pied au Saguenay. En 2014, alors qu’elle reprend ses études à Aix-en-Provence, Coralie arrive avec trois quarts d’heure d’avance à l’université, grâce à un jour férié et des routes étonnamment fluides. En flânant dans les couloirs, elle tombe sur une affiche : échange avec l’UQAC. « C’était un signe », dit-elle. Un pied en dehors de la France, un visa étudiant, un hiver québécois plus “frette” que froid, et l’histoire était lancée.
Le goût des grands espaces… et des démarches administratives
Née à Grasse, elle découvre avec étonnement Chicoutimi, une ville qu’elle décrit comme « un compromis parfait entre nature et dynamisme ». Elle s’y établit, termine son baccalauréat, travaille chez Desjardins et ne repartira plus. Son engagement comme consule honoraire débute en 2024, presque par hasard : « J’avais besoin de faire certifier des copies pour une reconnaissance de diplôme. Et j’ai appris que le consulat cherchait une relève. » Le poste est bénévole, mais elle n’y voit pas une contrainte : « Je voulais qu’on arrête de dire aux Français du lac : pour un papier, faites quatre heures de route. »
Saguenay est une ville de 150 000 habitants née d’une fusion, en 2002, de plusieurs municipalités parmi lesquelles Chicoutimi, Jonquière, La Baie et Laterrière. Chicoutimi en est l’arrondissement le plus central et accueille notamment l’UQAC (Université du Québec à Chicoutimi).
Chicoutimi, Jonquière, Saguenay... 3 noms pour une même ville
Des Français qui s’ignorent
Coralie voit défiler des étudiants, des retraités, des ingénieurs, des propriétaires de pourvoiries, des amoureux des loups ou du traîneau. « Il y a entre 4 000 et 5 000 Français dans la région, mais à peine 1 800 sont inscrits au registre », regrette-t-elle. Son rôle est aussi d’information, de transmission, de lien. Elle aide ces « Français qui s’ignorent », enfants ou petits-enfants de citoyens français, parfois sans passeport, parfois sans souvenir. « Parfois, il suffit d’une signature, d’une explication ou d’un coup de téléphone pour que quelqu’un se sente moins seul. »
Une Madeleine de Proust dans la neige
Chez Coralie, il reste toujours un peu de Côte d’Azur dans les yeux. Mais c’est au Québec qu’elle a trouvé un quotidien à sa mesure. « Même après dix ans, je m’émerveille encore quand la première neige tombe », dit-elle en riant. Son conjoint, québécois, lui, s’amuse de cet enthousiasme. « Ce n’est pas de la nostalgie, mais une forme d’équilibre. On a tous besoin, un jour ou l’autre, de quelqu’un qui comprend une référence culturelle ou une blague. » C’est aussi pour cela qu’elle s’organise cette année pour célébrer la Fête nationale française : pour rassembler, sans exclure.
Une antenne économique en germe
Si la mission consulaire a commencé avec des copies certifiées, elle se poursuit désormais sur le terrain du développement économique. Avec d’autres partenaires, Coralie travaille à implanter une antenne locale de la Chambre de commerce et d’industrie française au Canada. Elle croit aux forces du territoire : « Entre Rio Tinto, le port en eaux profondes, les projets miniers, le studio Ubisoft et la base militaire, il y a ici des atouts concrets. » Elle milite pour que le Saguenay ne soit pas qu’un décor touristique, mais un acteur à part entière dans les relations France-Québec.
Tisser des liens au-delà des capitales
Depuis Chicoutimi, Coralie Monneret bâtit patiemment des ponts entre les cultures, les générations et les ambitions. Et si le futur de la présence française au Canada se jouait aussi dans les régions, loin des capitales, mais au plus près des gens ?
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