Corriger une faute, oui. Mais surtout réparer une fissure. Depuis plus de vingt ans, Maryam Amraoui pratique à Madrid une orthophonie humaniste, sensorielle et créative. Une orthophonie qui ne s’arrête pas à la dictée, mais s’intéresse à l’enfant tout entier — ses émotions, son corps, sa joie, son élan vital. Dans son cabinet, on peint, on joue, on cherche ensemble les mots pour se dire. Des enfants dyslexiques, anxieux ou “déconnectés”, des parents désorientés, des adultes en recomposition : tous viennent y retrouver un chemin. Le leur.


Tout commence par une image. Celle d’un garçon immobile sur le pas d’une porte, alors que les autres enfants s’égaillent sur le chemin de l’école. Maryam a six ou sept ans, et cette scène la trouble. "Pourquoi, lui, reste-t-il là ?", se demande-t-elle. Bien plus tard, elle comprendra : l’enfant est atteint d'une déficience intellectuelle. Mais cette réponse ne la satisfait pas. Quelque chose résiste en elle — un refus de s’en tenir à un diagnostic, une envie de voir au-delà.
Il y a dans cette scène inaugurale la matrice d’une vocation : un besoin de comprendre, mais surtout de relier. Relier l’enfant à ses émotions, le parent à sa juste place, le mot à l’élan, le geste au sens. Après des études de biologie, elle bifurque. L’appel est ailleurs. Maryam se tourne vers l’orthophonie, mue par une conviction intime : accompagner les enfants dans leurs singularités, sans jamais les réduire à un symptôme.
"Dès le départ, je savais que mon approche serait humaniste. Je voulais une orthophonie holistique, qui prenne en compte la personne dans sa globalité". Chez elle, le soin ne s’arrête pas aux mots. Il embrasse le corps, l’émotion, la relation. Et dans ce lien tissé à deux, séance après séance, quelque chose s’ouvre — un espace de confiance, un élan de transformation. Voici sa méthode. Ou plutôt : son manifeste.

Trouver les mots pour se relever
"Mon approche n’a jamais été classique", confie Maryam Amraoui. Il faut sortir des cadres, écouter autre chose que les protocoles. "Je travaillais de manière intuitive. Plus tard, j’ai compris que cette intuition avait un nom : l’approche humaniste".
Formée au centre Léo Kanner, référence dans l’accompagnement des enfants autistes, Maryam plonge pendant plusieurs années dans le monde du silence, des gestes répétitifs, des regards fuyants. Puis un jour, elle ressent le besoin de revenir à d’autres profils. Elle rejoint un cabinet qui accompagne notamment des familles du Lycée français de Madrid, et se spécialise dans les troubles du langage écrit : dyslexie, dysorthographie, difficultés de compréhension.
Mais là encore, pas question de s'arrêter aux symptômes. "Un enfant peut avoir 6 ou 18 en dictée, mais si, au fond, il se sent nul, triste, dévalorisé, alors la note devient secondaire".
Pour Maryam, chaque rééducation devient un chemin de réconciliation — avec soi, avec le sens, avec le plaisir d’apprendre. L’enfant y retrouve une forme de souveraineté intérieure, une capacité à transformer ses fragilités en matière vivante. "Quand il reprend confiance en ses mots, il commence à réécrire son histoire".
Jouer pour se libérer
C'est là que les outils artistiques prennent tout leur sens. L’orthophoniste et art thérapeute diplômée introduit la peinture, le modelage, les collages dans ses séances, qu'elle construit avec l'enfant. "Il devient acteur de sa prise en charge. On ne travaille pas sur des textes figés : on crée ensemble".
Chaque médium est un détour sensible, une occasion de découverte. Et parfois, le plus puissant de tous, l’approche par le jeu de sable (Sandplay), une méthode suisse des années 50. Un bac à sable sécurisant, quelques figurines miniatures, et l’inconscient se met à parler. Là, dans ce petit monde, les enfants posent ce qu’ils ne savent pas dire. Des barrières, des murs, des fossés. "Un enfant peut remplir tout le bac de clôtures. Ce sont aussi celles qu’il a dans la tête. Et séance après séance, elles tombent".
Le cabinet devient un espace sûr, un lieu où il est permis d’être. Et dans cette lente fluidification, quelque chose bouge. "Ce sont des mouvements internes, profonds, qui se mettent en marche". Des gestes minuscules, qui, un jour, changent tout. Mais encore faut-il pouvoir ressentir ces mouvements. C’est là qu’est tout le défi.

Réapprendre à sentir
Depuis le Covid, Maryam Amraoui voit arriver dans son cabinet des enfants "déconnectés". Pas seulement du langage, mais du monde. "Ils ont perdu le sens… du sens", souffle-t-elle. Les classes en ligne, les visages masqués, les rituels évaporés. Et des fondations scolaires bancales. Mais plus grave : l’éloignement d’avec leurs propres émotions. "Je leur demande : qu’est-ce que tu ressens ? Ils ne savent pas. Qu’est-ce qui t’anime ? Où est ta joie ? Ils ne savent plus".
L’école, pour beaucoup, c’est comme un monde à part. Cela ne fait plus partie du réel
À ce brouillard intérieur s’ajoute un déluge de stimulations : écrans, tablettes… Tout va vite, trop vite. Et ce qui ne clignote pas, ce qui prend le temps, devient fade, sans intérêt. "L’école, pour beaucoup, c’est comme un monde à part. Cela ne fait plus partie du réel".
Réveiller la joie
À partir d’un dessin, d’un jeu, d’une création partagée, elle accompagne l’enfant pour créer des associations entre ce qui est vrai pour lui et le langage et à générer des images mentales, ces représentations indispensables à l’apprentissage mais souvent absentes chez les enfants dyslexiques. Avec les mains parfois pleines de peinture ou de sable. Maryam restaure ce lien perdu entre ce que l’enfant vit et ce qu’il ressent.
Elle marche à ses côtés. Et dans ce compagnonnage, petit à petit, les enfants prennent l’initiative, recouvrent le pouvoir sur eux-mêmes et leur vie. Cette petite voix qui murmure en nous — celle qui oriente, rassure, ajuste — leur fait souvent défaut. "Beaucoup d’enfants que j’accompagne ne l’entendent pas encore", confie-t-elle. Alors Maryam devient cette voix temporaire. Pas pour parler à leur place, mais pour leur apprendre à s’écouter.
Un jour, un enfant crée un petit texte à partir d’un dessin. Quelques lignes, simples. Puis, avec les mêmes mots, il compose un second texte, plus habité, plus incarné. Il demande à en faire une photocopie. Il est fier, le sourire aux lèvres. "Quand je lui ai fait relire les deux versions, il a choisi la seconde. Il ne savait pas dire pourquoi. Mais il sentait que ça venait de lui".

Relier le corps, le cœur et la conscience
Chez Maryam Amraoui, on ne vient pas seulement apprendre à mieux lire ou écrire. On vient recoller les morceaux. Ceux du corps, du cœur, de la pensée et du sens. Son approche repose sur ce qu’elle appelle les "4 C" : Corps, Cœur, Cognition et Conscience. "Un enfant ne peut pas comprendre une règle de grammaire s’il ne perçoit pas le sens de ce qu’il écrit. Il faut reconnecter cela à la logique, à la curiosité, au plaisir".
Réflexes archaïques, postures, équilibre, curiosité... Autant d’éléments que l’on oublie souvent d’associer à l’apprentissage, et qui sont pourtant fondamentaux. Et puis il y a la conscience — "celle qui vient quand l’enfant retrouve du sens à ce qu’il fait". Un socle souvent égaré dans le flot des devoirs, des consignes et des comparaisons.
Réconcilier les parents et l’enfant
Cette approche holistique s’étend bien sûr au rôle des parents. Avec Maryam, ils ne sont jamais sur le banc de touche. Certains, par instinct protecteur, parlent à la place de leur bambin, l’aident trop, sans s’en rendre compte. Alors on travaille l’autonomie, à hauteur d’enfant : faire son cartable, choisir par quel devoir commencer, formuler une question, etc.
Et surtout, l’orthophoniste redonne une place à chacun. "Parfois, l’enfant vit dans l’ombre d’une sœur brillante. Il se croit nul à l’école, nul à la maison. Il faut le réhabiliter". Redonner voix à ce qui est enfoui pour faire émerger ce qui, chez lui, ne demande qu’à jaillir.
Plutôt que de pointer sans cesse les faiblesses, Maryam préfère magnifier les forces. L’interstice qu’elle explore est un espace de soutien sans jugement. Dans ses ateliers parent-enfant, cette philosophie prend corps. Un père qui peint avec son fils. Une mère qui découvre ce que sa fille ressent en silence. Un regard, un geste, une surprise. "J’ai vu des enfants bouleversés de voir leur papa dessiner avec eux". Dans ces instants, quelque chose se déplace. Et le déclic, soudain, se fait.
Une pionnière de la téléorthophonie
Il y a plus de dix ans, Maryam Amraoui explore déjà la téléorthophonie, bien avant qu’elle ne soit à la mode. Formée auprès d’une professionnelle canadienne Géraldine Robach Wickert — "Là-bas, entre les tempêtes de neige et les grands espaces, c’est une pratique tout à fait normale". — , elle découvre une pratique souple et exigeante, qui permet d’accompagner autrement, notamment les enfants fatigués par les prises en charge classiques. "À distance, Il faut savoir anticiper, être capable de modifier l’approche en fonction des besoins spécifiques de chaque patient et des limites imposées par la téléconsultation. Mais les résultats sont là". Derrière l’écran, elle restaure un lien. Avec douceur, et toujours sur-mesure.
Rouvrir des chemins, même chez les adultes
Enfin, Maryam propose aussi l’art-thérapie aux adultes. Pour traverser un deuil, dépasser un blocage ou simplement se reconnecter à soi. "Ce n’est pas réservé aux enfants, loin de là. Il y a des adultes qui sont perdus, qui ne savent plus comment avancer. Ils viennent pour poser des mots, ou parfois, juste pour retrouver du silence". Le jeu de sable, les images, la création deviennent alors des outils puissants de réparation.
Parfois, elle reçoit des messages bouleversants. Une famille qui reprend espoir. Un ancien patient qui entre à Polytechnique après avoir été considéré comme "perdu" à l’âge de cinq ans. Maryam sourit. "Ce n’est pas de la magie. C’est du travail, de la confiance… et beaucoup d’amour".
Chaque séance est un pas vers soi, un espace de respiration dans un monde trop bruyant. "Ce que je veux, c’est que l’enfant reparte avec un peu plus de confiance, un peu plus de conscience de qui il est". Il ne s’agit pas seulement de corriger une faute. Mais d’aider chacun — enfant, parent, adulte — à retrouver sa voix. Celle qui dit "je suis là", et qui commence, doucement, à croire que c’est possible.
Comment ça marche ?
1. Premier contact : Écrivez à Maryam en expliquant brièvement votre demande, avec vos coordonnées et vos disponibilités.
2. Entretien gratuit : Un premier échange en visio (Zoom) permet de discuter de vos besoins et de vérifier si un bilan est nécessaire.
3. Réalisation du bilan : Si besoin, un rendez-vous en ligne est fixé. Le paiement s’effectue en amont via une page dédiée.
4. Compte rendu & accompagnement : Un compte rendu écrit est transmis. Si une prise en charge est recommandée, un suivi personnalisé pourra être proposé. Chaque situation est unique : L’accompagnement en ligne dépend de l’âge, du profil de l’enfant et de la qualité de la connexion internet. Si le suivi n’est pas possible, des conseils et un soutien parental peuvent être proposés en alternative.
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