Les cuadrillas sont l’un des fondements de la vie sociale basque. Elles agitent les passions en Espagne. Puériles ou consanguines pour certains, ces mini-sociétés symbolisent, pour d’autres, l’unité du peuple basque. Focus sur une institution ancrée du “País Vasco”.
La cuadrilla “de toda la vida” : fermée ou ouverte, la question fait rage
Il existe plusieurs sortes de cuadrillas, mais elles se réfèrent toujours à un groupe de personnes. Souvent des amis qui se connaissent depuis la petite enfance. Ils se sont connus à l’école maternelle, et ont tissé des liens étroits fondés sur une loyauté sans faille.
Zoé, une jeune Française expatriée à Bilbao depuis quatre ans a “réussi” à pénétrer l’un de ces clans : “On ne te dit pas que tu es entré. On ne te dit pas non plus que tu n’es pas dedans. Mais tu en fais partie.”
Dans une vidéo devenue virale en Espagne, deux jeunes femmes tentent de décrire le fonctionnement des cuadrillas à un Madrilène : “un groupe fermé mais ouvert”. Fermé, parce qu’on parle bien d'un groupe consolidé, où l'entrée de nouvelles personnes n'est pas courante. Ouvert, dans la mesure où il est possible de s'entendre avec des personnes d'autres groupes. On sent poindre ici le phénomène, source de fierté et de tradition chez les Basques.
Si tu ne fais pas partie d’une cuadrilla, tu ne portes pas le costume traditionnel, tu n’es pas dans le move.
“La otra familia” : le socle social des villes du Nord de l’Espagne
Moins fermées, les cuadrillas de fête rassemblent des membres autour d’activités typiquement basques : fêtes de la ville ou événements sportifs (pelote ou corridas). “Si tu ne fais pas partie d’une cuadrilla, tu ne portes pas le costume traditionnel, tu n’es pas dans le move”, explique Zoé.
L’étiquette est simple. Les hommes portent un béret et les femmes un foulard blanc sur un chignon. Pour le reste, chaque cuadrilla impose une tenue traditionnelle qui coûte entre 130 et 150 euros : jupe, chemise, chaussettes, foulard, tablier et chaussures (abarkas). “Ce costume, on le porte pendant les fêtes de la ville, et à chaque fois qu’on se retrouve.”
Les jours de fête, la cuadrilla reste ensemble. Au cours de l'année, socialiser avec différents groupes est possible. Mais ces jours-là, l'adhésion à la cuadrilla est attendue et le calendrier est stricte. “Ton devoir est de participer aux repas et de tenir les stands. Il y a une répartition des tâches bien précises en fonction des disponibilités de chacun. Si tu ne t’y présentes pas, tu paies une amende.”
L’adhésion coûte environ 20 euros l’année. Les membres ont de 3 mois à 95 ans. A Basauri, ville ouvrière périphérique de Bilbao, il y a 16 cuadrillas. Et la plupart de leurs membres sont issus de familles arrivées dans les années 1970 pour travailler dans l’industrie du fer. Ils ont adopté la culture basque en intégrant ces cuadrillas. On y raconte que tous les couples de Basauri se sont formés pendant les fêtes de la ville !
Si les détracteurs affirment que le système des cuadrillas tue les relations sociales et l’ouverture culturelle, ce pilier de la société basque est aussi le fervent gardien de l’esprit de camaraderie et de solidarité essentiels à l’euskal culture. “C’est un style de vie”.
La bande-son à écouter en lisant l’article : « Hegoak » par Ontuak.