Le nouveau directeur de l'Alliance française de Madrid a repris les rênes de l'institution courant avril, après une période de transition et des changements dans l'organigramme de la structure, qui a valu à l'intéressé, membre historique du Conseil d'Administration, une réflexion sur le sens de son engagement professionnel, et un retour à ces premiers amours.
Et tandis que l'antenne madrilène de l'Alliance française fête ses 35 ans d'existence, avec plus de 2.300 élèves accueillis annuellement intramuros, mais aussi un marché et un contexte concurrentiel plus complexe que jamais au cours de la dernière décennie, celui qui en fut le directeur pédagogique dès 1988, s'est donné pour mission de relancer les développements stratégiques qui devraient permettre d'accrocher de nouveaux publics.
L'Alliance naît avec pour vocation d'accompagner dans leurs besoins linguistiques, les entreprises françaises dans la capitale
C'est un parcours peu ordinaire celui de Julian Ocaña, Parisien au nom ibère, petit-fils d'exilés républicains, ayant grandi dans le 19e arrondissement et fait son retour sur les terres de ses ancêtres à la fin des années 80. Avec une formation universitaire résolument tournée vers l'enseignement, et des premiers pas dans la coopération linguistique au service culturel de l'Ambassade de France au Pérou, il s'investit à Madrid en 1988 dans la toute jeune Alliance hispano-française, ancêtre de l'actuelle Alliance française. "L'Alliance naît avec pour vocation d'accompagner dans leurs besoins linguistiques, les entreprises françaises dans la capitale", se souvient-il. De son côté, c'est de fait dès 1992 qu'il bascule vers le monde de l'entreprise, avec un parcours dans le privé qui le mènera du secteur de l'édition à celui de l'aménagement et de la décoration d'intérieur, en passant par la communication et le marketing et en assurant, à différents postes de direction, le développement en Espagne d'activités purement commerciales. "Il n'y a pas de développement professionnel sans développement personnel", estime-t-il au terme de ces quelque 30 années d'expérience dans le monde de l'entreprise. Le parcours lui aura clairement apporté des compétences de management, qui s'avèreront essentielles pour gérer l'entrée dans une nouvelle ère pour l'Alliance française, notamment dans sa manière d'enseigner le français et de capter les élèves, avec un public en pleine mutation et des besoins et des attentes toujours plus spécifiques.
Il faut que les valeurs qui sont présentes dans nos statuts soient celles qui nous animent dans l'ensemble de nos engagements
Membre du Conseil d'Administration de la Chambre franco-espagnole de commerce et d'industrie, en charge de la commission Retail au sein de cette dernière, Julian Ocaña aura notamment à cœur de rapprocher la structure qu'il dirige désormais à l'univers entrepreneurial. En attendant, c'est le sens du travail au quotidien qu'il y défend : "Quand on travaille dans une association sans but lucratif, comme c'est le cas de l'Alliance française, il faut que les valeurs qui sont présentes dans nos statuts -la diffusion de la culture et de la langue française, le rapprochement entre les personnes et les cultures- soient celles qui nous animent dans l'ensemble de nos engagements. Cela passe par une véritable foi en ces valeurs et cela doit se traduire tous les jours par un état d'esprit et une attitude, une forme d'orgueil aussi, qui nous permettent de mener à bien ces missions", défend-il. De fait, l'Alliance française assoit son positionnement au sein du très concurrentiel marché de l'enseignement des langues à Madrid, sur l'excellence pédagogique et un corps enseignant qui la distingue des traditionnelles académies, qui pullulent dans la capitale. Dès son arrivée au sein de la structure, le nouveau directeur a réinstauré les réunions de coordination, afin de dégager une dynamique et une créativité permettant de réaffirmer cette identité. Un petit mois plus tard, une salle de cours à distance vient d'être habilitée, au sein de laquelle les cours online seront dispensés. Tout un symbole, où le savoir-faire de l'Alliance française est appelé à se manifester au plus vite. "Ce n'est pas la même chose que d'envoyer ses employés apprendre le français au sein d'une académie lambda, que de les mettre entre nos mains", déclare celui qui connaît bien les besoins et les exigences des DRH en la matière.
Sortir des murs de l'Alliance française
De façon générale, l'Alliance française est appelée à sortir de ses murs. Elle le fait déjà, avec sa programmation culturelle, qui lui permet de mettre à portée de main du tout Madrid les valeurs et une certaine forme de pensée liées à la langue française. Le concours international de photographie auquel avec l'EFTI -le Centre International de Photographie et de Cinéma- et l´ENSP (Ecole Nationale Supérieure de Photographie) elle participe depuis bientôt 8 ans, mobilise même au-delà des frontières espagnoles. Fin juin, un nouvel appel à participation devrait être lancé pour capter l'attention du public jusqu'en novembre 2020, lorsqu'il sera mis fin à la circulation des expositions itinérantes dans les Alliances de toute l'Espagne. Mais ce sont aussi ses interventions dans le domaine des cultures urbaines ou encore le festival de cinéma francophone qui ancrent l'institution auprès du public le plus jeune. "L'enseignement du français grand public reste l'un des piliers fondamentaux de l'Alliance française", rappelle Julian Ocaña. "Nous devons développer notre attractivité et notre offre pour les plus jeunes publics, qui sont et resteront nos élèves de demain". Un axe de développement qui passe aussi par l'établissement d'accords avec d'autres structures scolaires. "Nous sommes condamnés à ouvrir des cours à l'extérieur de l'Alliance", décrypte le directeur, "car si l'on reste tributaires de notre localisation géographique dans Madrid, notre développement est limité". A l'ère de la consommation "Amazon", l'accès aux cours de français doit être plus immédiat et plus personnalisé, notamment pour les plus jeunes. "Il faut permettre aux parents espagnols, qui font l'effort de nous amener chaque semaine leurs enfants pour apprendre le français, parce qu'ils pensent que l'anglais n'est pas suffisant, ce qui suppose un investissement appréciable de leur part et témoigne d'une foi louable en notre culture, de le faire dans les conditions les plus aisées qui soient", estime Ocaña. "Nous devons être créatifs et savoir développer toujours plus de cours à l'extérieur. C'est fondamental". A ces fins, l'entité peut aussi compter sur son département de séjours linguistiques, qui propose en Espagne, en France et dans un certain nombre d'autres pays, tels que la Suisse ou le Canada, des immersions souvent prisées par les plus jeunes. L'offre, face aux fluctuations de demande que subissent les cours traditionnels, connaît une constance dans l'intérêt qu'y portent les Espagnols.
"Je présage de beaux jours à l'Alliance française", sourit Julian Ocaña, qui "à un âge où d'autres peuvent songer à la retraite", s'est investi dans une "mission enthousiasmante" pour laquelle il a le sentiment de s'être formé jusque là et qu'il entend mener jusqu'au bout. Un nouveau dynamisme est en tous cas clairement à l'ordre du jour. Avec du mouvement à Paris, une fondation Alliance française d'Espagne qui vient juste d'élire un nouveau bureau et qui sera probablement hébergée dans les locaux de la structure madrilène, cette dernière élargit aussi son Conseil d'Administration, qui devrait accueillir de nouveaux membres prochainement. L'Alliance française de Madrid devrait ainsi raffermir son rôle important au sein du réseau des 22 antennes réparties sur le territoire et contribuer à marquer le cap des développements futurs.