Arrivé en 2021 au sein de l’Institut français d’Espagne (service de l'Ambassade de France en Espagne), Martin Chénot a pris la tête de l’Institut français de Madrid, après avoir dirigé un autre établissement phare du réseau, l'Institut français de Casablanca (20.000 apprenants !). Depuis sa prise de poste, il œuvre à la relance des cours de langue, dans un contexte où la pandémie a bouleversé les attentes en matière d’'enseignement et d’accès au savoir. Pour le directeur de l'Institut français de Madrid, l'excellence pédagogique développée par l'établissement constitue une véritable garantie de qualité, dans un secteur ultra-concurrentiel soumis aux offres les plus diverses. "Nous nous efforçons de faire valoir les liens étroits qui existent entre la France et l'Espagne, tout en ayant conscience que l'enseignement de notre langue constitue la meilleure façon de créer des Espagnols francophiles". Sous sa direction, l'Institut français de Madrid a en outre reçu au printemps dernier le label "Institut français Vert", qui promeut l'engagement de la structure sur les chemins de la transition écologique, avec tout un volet dédié aux économies d'énergie. Ardéchois au parcours atypique, architecte d'Etat, ex-directeur d'écoles d’architecture et promoteur de festival, Martin Chénot assure, au sein d'un bâtiment classé par la Mairie de Madrid, la cohabitation entre la tradition et l'innovation -et la maxime est vraie tant à l'échelle architecturale qu'aux niveaux culturel et pédagogique.
Près de 3.600 élèves auront suivi en 2023 les cours dispensés par l'Institut français de Madrid. Après les difficultés liées à la pandémie (près de 30% de perte de public apprenant pour les années 2020 et 2021), l'IFM a progressivement récupéré son public, dans un secteur où l'offre en ligne a parallèlement crû de façon exponentielle, pas toujours en accord avec les standards pédagogiques les plus élémentaires. "L'Institut français de Madrid a été précurseur dans le développement et la mise en place de cours en ligne, il y a 15 ans déjà", explique Martin Chénot. "Cette expertise nous a permis pendant la période du Covid, de maintenir une relation assez exceptionnelle avec nos apprenants". Avec 65 employés, dont 45 professeurs, ("une belle PME"), et un taux d'auto-financement notable, la mesure des inscriptions aux cours de langue constitue, à chaque rentrée, une donnée qui s'avère déterminante pour la bonne marche de l'institution tant le marché reste complexe.
8.000 élèves du réseau Institut français d'Espagne
Le renouvellement des publics constitue à cet égard un enjeu de taille. Le français, langue donnant accès à l'élite pour les générations de l'après-guerre, véhicule désormais d'autres valeurs. Son enseignement prend d'autres formes et passe par des dispositifs variés, qui permettent de favoriser un enseignement de la langue de Molière dans le système éducatif espagnol (avec près d’1,3 millions d’apprenants de français dans le pays). Pour les quelques 23.000 apprenants scolarisés dans les lycées français d'Espagne, et les près de 8.000 élèves du réseau des Instituts français d’Espagne, l'apprentissage du français est aujourd'hui synonyme d'accès à un univers, la francophonie, qui se matérialise par les perspectives professionnelles que la maîtrise du français peut ouvrir – que ce soit par la présence des entreprises françaises présentes dans le pays ou par la proximité du Maghreb et des pays d'Afrique francophone.
La plateforme numérique : "notre petite pépite"
Dans ce contexte, et avec une offre d'enseignement des langues ayant explosé sur Internet, paradigme du micro-learning et du low-cost, l'Institut français de Madrid se démarque par son engagement en faveur de la qualité de l’enseignement - une politique qui ne date pas d'hier. Grâce à son expertise acquise de longue date dans le domaine de l'enseignement en ligne, l’établissement est devenu un laboratoire d'innovation pédagogique du réseau et la plateforme développée par la structure est utilisée par des Instituts français du monde entier. "On est capables de répondre à toute demande, sur mesure", affirme non sans une certaine fierté Martin Chénot. C'est vrai pour les cours en ligne, en présentiel ou hybrides, particulièrement adaptés pour les cours en entreprises, et la solution numérique va bien au-delà de simples exercices d'apprentissages autonomes, incluant des manuels pour tous les niveaux et surtout, l'intervention des professeurs (natifs). Les agents de l'UNESCO du monde entier sont ainsi formés par le biais de la plateforme, depuis Madrid : "C'est notre petite pépite", sourit le directeur, qui met également en avant les cours de français du droit, développés pendant plusieurs années à destination des fonctionnaires du pouvoir judiciaire espagnol. Mais cette flexibilité est aussi vraie pour l'ensemble de la démarche pédagogique, avec des cours pour tous les âges, des plus jeunes publics (à partir de 4 ans) jusqu'aux plus âgés et pour tous les niveaux, "jusqu'au C2".
Surtout, "étudier à l'Institut français de Madrid, c'est l'assurance d'avoir accès à un environnement culturel, qui fait pleinement partie de l’apprentissage d’une langue et de la découverte d’une culture", renchérit Martin Chérot. La médiathèque (l’une des plus grandes de tout le réseau culturel français), l’amphithéâtre de 270 places où sont diffusées des avant-premières en français (sous-titrées en espagnol), la cafétéria (et sa terrasse) ou encore la galerie du 10 (où sera inaugurée le 17 janvier prochain l’exposition Portavoz* puis, plus tard dans l’année, des expositions présentées dans le cadre d’Arco, de Photo España et de l’Orgullo de Madrid), sont autant de lieux d'échange et de dialogue qui favorisent une immersion propice à l'apprentissage. "Notre programmation culturelle cible tout particulièrement la jeunesse madrilène", dévoile ainsi Martin Chénot, "avec pour objectif de lui permettre de découvrir le meilleur de la création contemporaine française, dans tous les domaines".
Au cœur de la programmation culturelle 2024 à Madrid
Les artistes contemporains seront de fait bien présents dans la programmation de l’Institut français de Madrid tout au long de l’année 2024, avec comme points d’orgue des événements présentés dans le cadre de la promotion des Jeux Olympiques et paralympiques à Paris** ou en amont du prochain sommet de la Francophonie qui se tiendra à Villers-Cotterêts à l’automne 2024***. "Notre programmation culturelle est très complète et diversifiée", observe Martin Chénot, "elle va du débat d'idées au cinéma, en passant par la danse et le théâtre, l'organisation de conférences scientifiques et d'actions sur l'environnement". Et si "nous cherchons d’abord à faire découvrir au public espagnol le meilleur de ce que nous créons en France, nous comptons aussi sur les Français expatriés en Espagne, formidables relais de notre offre culturelle".
Un architecte à la tête de l'Institut français de Madrid
De sa jeunesse dans les environs d'Aubenas, en Ardèche, Martin Chénot conserve sans nul doute un reste d'utopisme soixante-huitard qu'il accommode à une bonne dose de réalisme propre à l'ère du réchauffement climatique. Du genre à ne pas faire de châteaux en Espagne sans disposer d'un bon projet de construction et d'une solide étude architectonique. Il est notamment le fondateur de l'association "Sur le sentier des Lauzes", qui depuis plus de 25 ans promeut des actuations culturelles et des résidences d'artistes en milieu rural. Mais il est aussi celui qui a fait carrière comme architecte d'Etat, d'abord au sein du ministère de l'Environnement, dans la protection des paysages et le développement durable, puis comme directeur d'école d'architecture à Saint-Etienne et à Bordeaux. "A l'époque déjà, j'étais convaincu qu'il était indispensable que tous les architectes français aient une expérience internationale", se souvient-il. C'est de sa volonté d'internationaliser le parcours de ses élèves que son nés ses rapports avec les réseaux culturels français de l'étranger.
Les Français expatriés en Espagne sont de formidables relais de notre offre culturelle
Pour sa seconde expérience de direction d’un Institut français, son profil diffère de celui de ses prédécesseurs comme directeur de l’Institut français de Madrid (l’un des plus importants du réseau), position jusque-là plutôt occupée par des spécialistes de la diplomatie culturelle et de l’enseignement des langues. De fait ses compétences en matière d'architecture sont tout particulièrement appréciées compte tenu de l’époque, comme en témoigne l’obtention par l’établissement du label "Institut français Vert", qui s'appuye sur un projet visant à réduire la consommation d'énergie de la structure. "Cela commence par de petits gestes quotidiens et sera amplifié par l’installation de panneaux solaires sur les toits", éclaire Martin Chénot. "Nous travaillons également sur les problématiques liées à la mobilité et aux transports", explique-t-il encore, "avec une réflexion sur les manières de réduire les déplacements de nos professeurs, de nos publics et de nos artistes invités".
* Concours de photographie à destination du public scolaire pour promouvoir le plurilinguisme et la langue française avec pour objet le "Sport et ses valeurs"
** Mourad Merzouki, chorégraphe issu du monde du hip hop, auteur de "La danse des jeux", une danse participative célébrant l'entrée du break dance comme discipline olympique, sera ainsi invité à participer à toute une série d'ateliers et de spectacles intra et extra-muros, qui devraient se finaliser par une flashmob en avril à Madrid
*** Avec notamment, à partir du 15 janvier, les Nuits de la lecture, dont la 8ème édition aura cette année pour thème "le corps". Dans ce cadre l'auteure espagnole Milena Busquets aura "carte blanche" lors d'une soirée autour du film "Cyrano de Bergerac", tandis que Karine Tuil, auteure du livre "Les choses humaines", qui aborde la question du viol et du consentement, sera invitée à débattre avec le public.