Dans le cadre des jeux olympiques de Paris 2024, l’Institut français de Madrid a organisé une conférence franco-espagnole sur les sciences au service du sport, intitulée "Más rápido, más alto, más fuerte – juntos: Ciencias al servicio del Deporte"
En marge l’évènement organisé par l’Institut français de Madrid, lepetitjournal.com a pu s’entretenir en exclusivité avec les deux intervenants de la soirée. Christophe Clanet est directeur de recherche au CNRS au laboratoire d’hydrodynamique de l’École Polytechnique où il est également professeur. Ce physicien spécialisé dans la mécanique des fluides fait des recherches sur la physique du sport depuis plus de dix ans. Il dirige le programme Sciences 2024 qui vise à développer des solutions scientifiques innovantes pour répondre concrètement aux attentes des sportifs et de leurs entraîneurs.
Développer des solutions scientifiques innovantes pour répondre concrètement aux attentes des sportifs et de leurs entraîneurs
Ricardo de la Vega Marcos est professeur titulaire de psychologie de l’activité physique de l’Universidad Autónoma de Madrid et du Centre olympique d’études supérieures, au Master d’Alto Rendimiento Deportivo. Cet enseignant et chercheur accompagne les sportifs dans les championnats de niveau national et international, parmi lesquels les Jeux de Rio 2016, la première division de la Ligue de football professionnel ou la dernière Coupe d’Afrique.
Le programme Sciences 2024
Sciences 2024 est un programme de recherche collectif dédié à l’accompagnement des athlètes français dans leur quête de titres aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Il entre dans le plan du ministère des Sports "Performance 2024" qui lui a délivré un fond de recherche à la hauteur de 20 millions d’euros sur quatre ans pour douze projets. L’objectif fixé par le Ministère est celui de doubler le nombre de médailles et il a fait appel à la recherche pour l’aider en ce sens dans l’amélioration des performances.
Les sciences comme tremplin de la performance sportive
Au cours de leur échange avec lepetitjournal, les deux chercheurs sont revenus sur les effets que peut avoir le travail scientifique apporté au sport au travers de deux prismes : celui de la physique avec Christophe Clanet et celui de la psychologie de l’activité physique avec Ricardo de la Vega Marcos.
Dans la performance, la qualité de la vie joue un rôle central et l’objectif est que tous les voyants soient au vert. Il n’est pas question uniquement de la partie technique, il y a aussi le sportif en lui-même. En effet, dans la partie technique, les épreuves se jouent à des détails. La science comme la physique permettent de jouer sur des détails en améliorant les performances: quand passer le relais en cyclisme sur piste; quand le nageur doit-il commencer à onduler après le plongeon ou quels problèmes techniques faut-il éviter le jour J. "On cherche les détails qui font qu’un sportif va être un champion. Il n’y en a qu’un seul et qu’il ne se pose pas les bonnes questions il ne pourra pas être champion, c’est normal de douter, c’est ici que l’entraineur joue un rôle central".
Les sportifs sont très ouverts à ces travaux de recherche car ils souhaitent augmenter leurs rendements et performances et être prêts le jour J"
C’est en réalité l’entraineur qui se retrouve dans un rôle d’interface. "La partie de la communication de la recherche passe par l’entraineur, car lui seul sait distinguer le moment adéquat pour le communiquer au sportif et que cela n’ait pas d’impact sur son rendu. Les résultats techniques sont aussi testés en amont sur le terrain, il n’y a pas de hors sol avec l’entraîneur qui joue l’interface et permet de régler les derniers détails. L’équilibre à trouver va dépendre du sport mais dans tous les cas il est nécessaire d’effectuer un travail psychologique avec les sportifs en amont".
En effet, l’optimisation de la performance passe par un travail psychologique, pas au sens du psychologue classique, une psychologie en contexte et d’analyse des ressentis en lien avec la performance sportive. Il est important de ne pas considérer la psychologie comme étant à part de la pratique sportive mais le mettre en lien.
"Cela passe par un travail avec le staff technique et l’entraineur dès la présaison et un second travail avec les sportifs car il y a une part structurelle importante. Va être alors réalisé un travail d’adaptation en fonction de variables définies par le chercheur et l’analyse des effets qu’elles ont sur la performance".
Les pays qui publient le plus scientifiquement sont ceux qui obtiennent le plus de médiales olympiques (États-Unis, Chine, Grande Bretagne)
On parle d’une analyse du comportement, il a y donc beaucoup de facteurs imprévisibles et basé sur des probabilités. Le travail des chercheurs est donc de réfléchir aux éléments qui permettront d’augmenter cette probabilité. Le sport est un système complexe mais les deux chercheurs assurent que "les sportifs sont très ouverts à ces travaux de recherche car ils souhaitent augmenter leurs rendements et performances et être prêts le jour J". Le travail passe également dans le cas des sports d’équipe à une analyse du groupe et des différents comportements pour savoir à qui donner l’information pour qu’elle soit la plus efficace et générer une dynamique positive avec l’entraineur au centre du système qui explique ce qu’il faut faire. Aujourd’hui, les techniciens du sport ont de plus en plus de qualifications dans ces domaines et il a donc une professionnalisation constante.
La recherche franco-espagnole au service de la performance sportive
Les chercheurs constatent une différence dans la formation entre les deux pays mais que chacun excelle à sa manière. Ils en concluent qu’il y a donc différentes façons d’arriver à la performance et qu’il convient de trouver les meilleurs facteurs. Les deux pays peuvent se retrouver dans le cadre de séminaires pour discuter mais une grande partie reste secrète. C’est cette partie qui est utile au sportif et elle ne peut être publiée qu’avec l’accord de la fédération du sport correspondant. Le constat final est intéressant: les pays qui publient le plus scientifiquement sont ceux qui obtiennent le plus de médiales olympiques (États-Unis, Chine, Grande Bretagne). La clef du succès semble bel et bien résider dans un travail de coopération entre la recherche scientifique et le sport.
