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TROIS QUESTIONS A - Joëlle Sée, directrice d'Horizon Business

Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 5 janvier 2018

Positionnée sur le secteur technologique et spécialiste de l'Espagne sur cette niche du marché, Joëlle Sée dirige une petite structure chargée de mener à bien les rapprochements d'entreprises entre la France et l'Espagne. Rencontre

Joëlle Sée a occupé divers postes de direction pour des multinationales dans le domaine des TIC et a géré un grand nombre d'équipes au cours de sa carrière, en arrivant même à avoir jusqu'à 600 ingénieurs sous sa tutelle. Arrivée à Madrid en 2001 pour créer la filiale ibérique du groupe Teamlog, elle vit sa première expérience d'acquisition à l'étranger, au cours de laquelle elle réalise les difficultés des entreprises françaises pour mener à bien ce type d'opérations. Après avoir appris (toutes) les erreurs à ne pas faire, elle décide de monter en 2003 sa propre société, Horizon Business, dont l'objectif est d'accompagner les entreprises internationales au cours de leurs différentes phases d'intégration, en Espagne ou en France. Pas féministe dans l'âme, elle défend cependant le fait d'avoir su transmettre son expérience de femme dirigeante dans un monde particulièrement masculin, l'univers informatique. "Le meilleur moyen de se faire reconnaître", précise-t-elle, "c'est les chiffres, c'est-à-dire les résultats concrets".

lepetitjournal.com : Quelles sont les différentes étapes d'une acquisition internationale ?
Joëlle Sée : Tout d'abord une entreprise nous fait savoir que dans le cadre de son développement, elle souhaite acheter une société dans un secteur d'activité spécifique, précisant la taille, le chiffre d'affaires et les caractéristiques qui correspondent à son besoin. A partir de là, mon travail consiste à faire le tour du marché pour identifier l'ensemble des acteurs et reconnaître ceux dont le profil est susceptible de se rapprocher des attentes de mon client. La seconde étape de mon travail consiste à approcher les structures qui correspondent à nos critères et essayer de les convaincre de l'intérêt de vendre. Ce n'est pas toujours facile ! Si nous y parvenons, alors la structure en question nous transmet ses comptes publics, à partir desquels nous allons essayer de déterminer la valeur de la société. Une société de services est aujourd'hui "cotée" environ 5 fois son résultat avant impôt (EBIT : Earnings before interest and taxes), ce sur quoi il faut effectuer quelques pondérations liées à la structure même de l'activité de l'entreprise. Une fois cette valorisation effectuée, on propose un prix à la société ciblée, avec une lettre d'intention, et sous réserve de ce que l'on appelle une "Due diligence", c'est à dire un audit complet de la structure, réalisé par un cabinet neutre. Si tout se passe bien, on rédige un contrat entre avocats, puis c'est la signature devant notaire et éventuellement, pour ma part, un suivi post-signature, pour assurer la bonne intégration d'une structure à l'autre.
Je ne fais pas du tout le même métier que les banques d'affaires ou les grandes sociétés de fusions-acquisitions : je n'ai pas la prétention de faire des OPA, mais plutôt de travailler à petite échelle, sur un secteur que je connais très bien et sur lequel je peux faire un travail de recherche de fond, puis un suivi et un accompagnement lors du déroulement des opérations.

Quelles sont les erreurs les plus communes lors d'un processus d'acquisition d'une entreprise espagnole par une structure française ?
J'ai quelques fois eu à faire à des Français qui débarquent en Espagne et qui pensent que tout le monde doit faire comme eux. Or la culture espagnole est différente de la française, tant en termes de comportement que sur la manière de travailler. Ma partie est purement relationnelle : il faut amener les choses doucement, en essayant de rapprocher les deux cultures et surtout ne pas imposer, mais se débrouiller pour faire adhérer le vendeur aux idées de l'acheteur. Ce qui me plaît, c'est justement d'amortir les chocs culturels : avec un peu de psychologie, une connaissance du marché et de l'Espagne, je suis en mesure de jouer ce rôle de médiateur qui permet souvent de faire avancer des négociations qui sans cela, resteraient au point mort.
Une autre chose que je trouve frappante, c'est la divergence des points de vue qu'il peut y avoir entre les actionnaires en France et les gens du terrain en Espagne. Les filiales d'entreprises françaises établies en Espagne, face à une conjoncture économique difficile, en arrivent souvent à la conclusion qu'il faut se diversifier en faisant de petites acquisitions de sociétés qui continuent à bien marcher, sur des secteurs complémentaires. Or dans un grand nombre de cas la maison mère fait blocage, car elle n'est pas sur le terrain et ne voit que les chiffres. Je crois que ce n'est pas la bonne solution de dire "on arrête tout", c'est parfois mieux de se développer... Mais encore faut-il le faire à temps.

Quels sont les enjeux pour les années à venir ?
Les enjeux pour les années à venir consistent à faire les bons choix pour redresser des situations difficiles engendrées par la crise, dans de nombreux secteurs. Les Français sont très présents et continuent à avoir des besoins en terme de développement, soit par le biais de nouvelles acquisitions, soit par le biais d'une aide concrète à la pénétration du marché espagnol, autre volet de notre activité. Il y a des secteurs qui continuent à être porteurs. Sur ma niche, les énergies renouvelables, en dépit d'une baisse des subventions, vont continuer à se développer. Dans le domaine de la santé, les applications technologiques ont également de belles opportunités, notamment en ce qui concerne les applications technologiques liées aux services à la personne, au troisième âge... Dans le transport, le ferroviaire, l'aérospatial et la défense, il y a de bons dynamismes. Cette année il y a eu beaucoup de restructurations et de licenciements, tandis que l'an passé, ce n'était pas encore le cas. Les chiffres ont poursuivi leur baisse de façon drastique en Espagne : il faut agir vite si l'on veut se positionner avant qu'il ne soit trop tard. La reprise, ce ne sera pas avant 2013.

Propos recueillis par Vincent GARNIER (www.lepetitjournal.com - Espagne) Mercredi 30 novembre 2011
www.horizonb.com

Avec le partenariat de la chambre franco-espagnole de commerce et d'industrie en Espagne.

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Publié le 30 novembre 2011, mis à jour le 5 janvier 2018
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