Televisión Española (TVE), la télévision du service public espagnol, a annoncé jeudi dernier l'arrêt de l'émission "Entre todos ". Le principe : des personnes touchées de plein fouet par la crise venaient demander de l'aide à la télé. Si le programme faisait polémique, il n'est pas le seul à pouvoir surprendre les Français...
(Photo CC flash.pro)
"Entre todos" ne reviendra pas en septembre pour une seconde saison sur les petits écrans espagnols. La nouvelle direction de TVE a en effet décidé de ne pas reconduire le programme présenté l'après-midi par Toñi Moreno, sur la chaîne de service public espagnol.
"Entre todos", censé mobiliser les spectateurs pour venir en aide aux personnes les plus en difficulté, est depuis longtemps polémique comme l'explique notamment Le Figaro. On lui reproche de privilégier l'audience à toute mission caritative. La crise a fourni un fameux terreau pour le programme, qui présentait des personnes en difficulté avec un certain misérabilisme. Si ces dernières contactaient "Entre todos" dans l'espoir de trouver une solution à leurs problèmes, un témoignage rapporté par le Huffington post espagnol semble indiquer qu'après la mobilisation en direct, aucun véritable suivi n'était assuré par la chaîne, en dépit des bonnes intentions affichées. Une forme de cynisme qui peut laisser perplexe? sur une chaîne de service public.
La télé en chiffres Les Espagnols sont dingues de télé. En effet une étude de 2012 révélait que les Espagnols passaient près de quatre heures et demie par jour devant le petit écran. Selon le site informacion.com, la demi-finale de la coupe d'Europe Espagne-Portugal fut le programme le plus regardé. Près de 16, 5 millions d'Espagnols ont regardé cet événement soit 77,1 % des téléspectateurs. Un record a été également battu le dimanche 18 novembre 2012. Ce jour-là, plus de 83 % des Espagnols ont regardés au moins une minute la télévision d'après le site de la República. En juillet, selon le site Ecoteuve, ce fut Telecinco qui fut la chaîne la plus regardée. Antenna 3 et TVE 1 complétaient le podium. |
Le même service public diffuse par ailleurs des programmes type Masterchef (diffusé sur TF1 en France) ou passe en boucle des émissions sportives à longueur de journée. De quoi surprendre les Français quand ils débarquent dans le pays. Cela est sans doute dû à une vision différente du service public. En France, celui ci doit servir "l'interêt général" comme l'explique le site Vie Publique, alors qu'en Espagne celui-ci est plus porté sur le bien-être, selon la théorie défendue par Germán Fernández Farreres, professeur en Droit. Même si cela peut paraître une nuance, cela veut dire qu'en Espagne, le service doit satisfaire les bénéficiaires, alors qu'en France ce même service doit profiter à tous. En d'autres termes, en France, le programme de service public doit permettre au téléspectateur de se cultiver, alors qu'en Espagne, le téléspectateur doit être satisfait du programme qu'il regarde.
Une autre dimension à laquelle le téléspectateur français devra s'adapter à l'image de bien d'autres spécificités du petit écran ibère.
Les chaînes privées pas en reste
Vous n'êtes guère friand des programmes de télé-réalité français ? Vous allez détester ceux de la Cinco, en Espagne ! En effet, Gran Hermano, adaptation de Big Brother qui à inspiré le Loft en France en est à sa 15e saison. Et la version hispanique est bien plus "trash". Alors que, souvenez-vous, les Français sont restés quelques peu traumatisé par la scène de la piscine entre Loana et Jean-Edouard, il est devenu courant pour les Espagnols de voir des scènes de sexe dans ce type de programme. Le site Cupon a même établi un classement de meilleures prestations. Juan Cierto, estimait même dès 2007 dans un article d'El Pais intitulé "L'Espagne, leader mondial de la télé-poubelle", qu'Antena 3 et Tele5 seraient confrontées à de sérieux problèmes législatifs s'ils publiaient les mêmes contenus en Italie ou dans le reste de l'Europe.
Vous en voulez encore ?
Autre "spécialité espagnole" : les programmes de cotilleos. Ces émissions, dite également "de c?ur", à l'image de "Corazón, corazón", "Sálvame" ou "Sálvame Deluxe" accaparent matin, midi et soir la grille de programme des chaînes non câblées, et sont diffusées tous les jours du lundi au dimanche. Un jeune français ayant vécu de ce côté-ci des Pyrénées, décrit sur son blog sa première impression lorsque qu'il est tombé sur ce type de programmes : "Je me rappelle être tombé sur un débat très tendu entre experts sur fond de couleurs pastels que j'avais du mal à comprendre (?) ils ne se disputaient ni à cause de politique ou de football mais pour savoir si oui ou non tel torero avait eu une nouvelle aventure avec son ex-femme, et si oui, quelles pouvaient en être les conséquences." Des débats ou les commentateurs n'hésitent pas à employer un langage fleuri, pour défendre le plus sérieusement du monde, leurs positions sur des sujets? futiles.
Fan de ces cotilleos ?
Vous pouvez commencer le matin par "Cada dia" sur Canal diffusé de 9 heures à 14 heures. Après une pause déjeuner (d'une demi-heure) reprenez à 14 heures 30 pour voir sur la uno "Corazón". A la fin du programme, à 16 heures, passez directement sur Telecinco pour voir l'emblématique "Sálvame" qui dure 4 heures. Vous avez manqué une miette du programme ? Ne ratez pas ensuite la compilation des meilleurs moments pendant une heure. Et le vendredi, rendez-vous incontournable pour les aficionados, le prime spécial "Sálvame" qui revient sur les meilleurs moments de la semaine ! Impossible d'être célèbre sans qu'on ait parlé de vous dans ces émissions.
D'autant que les présentateurs sont aussi des "vedettes". Le cas le plus emblématique est celui de Belén Esteban, propulsée dans le "star-system" pour avoir eu une fille avec le torero Jesús Janeiro Bazán, plus connu sous le sobriquet de Jesulin. Elle est devenue une vraie star, égérie du petit peuple, comme l'illustre son propre surnom, "La princesse du peuple". C'est d'ailleurs le titre d'un documentaire qui lui a été dédié, recélant l'ampleur du phénomène de société. Lors des dernières élections générales, certains journalistes se sont sérieusement interrogés sur sa capacité à influencer le résultat du scrutin, avec ses tirades bien senties, comme le rapporte El Mundo.
L'actualité à la mode espagnole
Niveau actualité, vous n'échapperez pas aux "tertulias", comme "La mañana de La 1", présentée par Marilo Montero. Ces interminables débats entre journalistes issus des différents journaux espagnols peuvent durer plusieurs heures. D'après Patricia Pérez Mateos, journaliste sur le site PR télévision, "une chaine sans tertulias est comme un jardin sans fleurs". Qu'on se le dise? Très marquées politiquement, partisanes sans complexes, ces "tertulias" tournent souvent autour de thèmes sans réel intérêt et sont régulièrement ponctuées de réflexions dignes du café du commerce. La revue de tendances d'El Pais, SModa, a même fait le classement des réflexions les plus polémiques de Marilo Montero, connue pour ses déclarations à l'emporte pièce. A la première place, sa déclaration selon laquelle une transplantation du c?ur, c'est aussi une transplantation de l'âme du donateur.
Qu'en est-il des journaux télévisés ?
Le journaliste Javier Pérez de Albéniz décrit dans le Guardian, les JT espagnols "sensationnalistes" et "partisans". A son goût, on y utilise un langage vulgaire et la pub y est omniprésente. Les journaux télévisés sont, il est vrai, plus portés sur les faits divers qu'en France. De même ils affichent davantage leurs couleurs politiques. L'influence du pouvoir dans le service public est, à cet égard, souvent reproché. Le cas de TeleMadrid a notoirement fait polémique ces dernières années. La Sexta rapporte que la chaîne madrilène est soupçonnée d'être trop proche du Partido Popular, parti à la tête de la communauté madrilène. Vrai ou faux, la chaîne est depuis plusieurs mois contrainte à limoger ses collaborateurs. Une triste conséquence, pour beaucoup, de la gestion et de la qualité des programmes.
Neige BOUVET (www.lepetitjournal.com ? Espagne) mercredi 30 juillet 2014
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