

Le jeune réalisateur français Rudi Rosenberg vient de signer son premier long métrage, "Le nouveau" ("El novato"), une comédie qui a eu un grand succès public en France (elle a été même comparée à "La famille Bélier") et qui a décroché, l'année dernière, au prestigieux festival de cinéma de Saint-Sébastien, le prix du meilleur nouveau réalisateur. Rudi Rosenberg nous propose un voyage amusant et tendre vers l'univers de l'adolescence.
A Madrid, où il est venu présenter son film au 3e "Rendez-vous avec le cinéma français", organisé par Unifrance Films, Rosenberg, sympathique et décontracté (l'interview a eu lieu dans la cour de l'Institut Français de Madrid), nous a parlé du film et de sa vision de l'adolescence, une période qui ne laisse personne indifférent.
Lepetitjournal.com : Est-ce que votre film est autobiographique?
Rudi Rosenberg : Oui. A peu près, 90% des anecdotes sont autobiographiques ou alors ce sont des expériences d'amis ou de famille. J'ai rassemblé plein d'anecdotes, pendant des années, sur un cahier. Et puis, un jour je me suis dit : "Qu'est-ce que je pourrais raconter comme histoire ?". Il y a ce sujet de la popularité qui m'est venu. Pourquoi est-on attiré par les gens populaires sans raison ?
Vous faisiez partie des plus ou des moins populaires ?
Plutôt des moins populaires (rires), nécessairement ! C'est vrai que j'ai été "nouveau" dans plein de collèges parce que je changeais d'école quasiment tous les ans. Et, j'étais confronté, assez souvent, à ce problème-là de devoir m'intégrer. C'était un peu dur mais à la fois, non. Ce n'était pas non plus l'horreur. Je devais essayer de plaire en essayant de rester moi-même. Quelque fois, j'ai souffert mais, à la fois, je garde un très bon souvenir de cette période, curieusement, parce que j'avais aussi un tas de copains à l'extérieur du collège et on trouve toujours la manière de se mettre à l'aise. On s'adapte. C'est ce qui me plaît dans l'adolescence : ce mélange de bons et de mauvais souvenirs qui me rend assez nostalgique.
Comment voyez-vous l'adolescence ?
Et bien, on a tous galéré et on a tous fait des bêtises ! Mais, j'aime ce mélange doux-amer. J'ai beaucoup de nostalgie. Cela dit je ne sais pas si c'est un film nostalgique. Je ne saurais pas répondre à cette question. A la base, je ne voulais pas faire quelque chose de nostalgique. Je voulais plutôt parler de rapports humains. La nostalgie est un sentiment un peu négatif. On a tous un peu besoin de la nostalgie mais ce n'est pas si bon de regarder tout le temps vers le passé.
Dans le film, les parents et les professeurs sont quasiment absents. Pourquoi ?
C'était un parti-pris très direct. C'était l'idée de parler de la naissance d'une bande de copains à l'école. Dans l'adolescence, je trouve beau quand tout d'un coup, en deux minutes, on devient pote avec quelqu'un et qu'on peut rester copains pendant 20 ans ou même pendant toute la vie. Pour moi, là-dedans, les parents n'ont rien à avoir. C'est ce qui se passe au cours de ce moment que je trouve magnifique.
Et pour les professeurs ?
Là, c'est peut-être le point le moins réaliste du film. Moi, j'avais surtout envie de montrer que ces élèves-là, en général, ils sont très peu, ils sapent le moral des autres élèves en les rabaissant. Et, souvent, ça passe par l'humour. Pour moi, c'est l'arme la plus redoutable, c'est celle qui fait le plus de mal parce qu'on ne peut pas se défendre contre l'humour. C'est très difficile. Autant l'humour peut servir quand on est dépressif, quand on est cynique, quand rien ne va? Alors, l'humour est une arme géniale. Mais, quand c'est utilisé à mauvais dessein, ça peut faire beaucoup de mal. J'avais envie de montrer comment ces gamins-là font pour rabaisser les autres avec le rire, avec l'humour. Pour moi, c'est ce qu'il y a de plus cruel. L'idée c'était de mettre de la comédie dans ces scènes-là. Donc ces gamins font rire les autres, ils se marrent, ils humilient les autres. Alors, les profs, évidemment, ils auraient pu être plus répressifs mais, comme c'est une comédie, je trouvais drôle que les professeurs soient un peu dépassés par la situation ou qu'ils soient un peu complices. Je ne sais pas?Mais, ce n'est pas aussi réaliste que ça aurait dû l'être.
Dans le film, il y a une certaine critique du harcèlement scolaire, du "bullying".
C'est délicat. Ce n'est pas vraiment le sujet du film mais c'est vrai que c'est un des sujets. Le contexte du film est réaliste. Il y a des gens comme ça dans les collèges et je les ai montrés tels qu'ils sont. Mais, ce n'est pas le sujet du film car d'abord, c'est une comédie. C'est surtout un film sur l'amitié. Mais le contexte c'est ça. A l'adolescence, on a tous connu des mecs comme ça. Si je plongeais dans l'adolescence, il fallait se souvenir de ça mais c'est une comédie, avant tout. Le harcèlement mériterait un film entier.
"Le nouveau" est un très bel hommage à la différence, au respect d'autrui et à la tolérance.
Oui, absolument. Et, en même temps, c'est une critique de ceux qui font comme les autres. Le nouveau arrive dans le collège et au début il veut absolument être copains avec "les populaires". Il va vouloir rejeter ceux qui sont rejetés. C'est un comportement que, moi, je déteste. C'est les gens qui ne pensent pas par eux-mêmes, qui pensent comme les autres, qui n'arrivent pas à se forger leur propres opinions sur les gens, qui ont besoin de s'appuyer sur la vie des autres pour avoir un avis. Benoît va comprendre qu'il ne faut pas faire comme ça. On n'a pas besoin d'être tout en haut de la chaîne alimentaire pour se sentir fort. Il faut être avec des gens qui vous font sentir importants. La bande de copains de Benoît, dans le film, ils n'ont rien à faire du regard des autres. Ça, c'est une arme très forte. Ils ont un point en commun : ils n'ont pas envie de ressembler à des adultes. Dans cette classe-là, à 13 ans, il y en a plein qui ont envie de ressembler à des adultes : il faut être cool, il faut fumer, il faut sortir. Mais, eux, non. Ils veulent s'amuser et "déconner".
Il y a même dans le film, au contraire, des adultes qui sont comme des adolescents?
Oui, c'est le personnage de l'oncle de Benoît. Lui, c'est mon pote d'enfance. C'est Max Boublil. C'est un comique, en France, assez connu. Il fait du stand-up.
Avant de devenir réalisateur, vous étiez acteur.
Oui mais j'ai arrêté de jouer du jour au lendemain. J'ai toujours voulu être réalisateur et je ne vais plus jouer. "Le nouveau" est mon premier long métrage et j'en ai fait deux courts avant ("13 ans", "Aglaée", qui est d'ailleurs un des personnages de "Le nouveau" et qu'on peut voir sur Internet). Je pense que l'on peut retrouver "ma patte" dans mes trois ?uvres.
On a comparé votre film à "La famille bélier". Êtes-vous satisfait de cette comparaison ?
Ça fait plaisir ! J'adore ce film parce que je le trouve très émouvant sur les rapports pères-fils. Après sur le mode de filmage et la direction d'acteurs, ce n'est pas comparable. Mon film a un point commun avec "La famille Bélier" : l'optimisme.
Le film est projeté dans les salles espagnoles à partir du vendredi 8 avril.
Membre-électeur de l'Académie Francophone du Cinema (Association des trophées francophones du cinema) qui décerne chaque année dix prix dédiés au cinema des pays de la francophonie. Collaboratrice comme critique de cinéma dans plusieurs magazines : "Estrenos", "Interfilms" et "Cinerama". Envoyée spéciale à des festivals de cinéma en France pour les journaux "Diario 16" et "El Mundo". Jury du Prix du CEC (Círculo de Escritores Cinematográficos) au Festival international de Cinéma de Madrid (1997). Actuellement membre du CEC et critique dans cinecritic.biz et lepetitjournal.com







