Un petit tableau de Pablo Picasso a disparu début octobre quelque part entre Madrid et Grenade. "Nature morte à la guitare" (1919), une gouache estimée à 600.000 euros, devait rejoindre les cimaises du Centre culturel CajaGranada pour l’exposition "Bodegón. La eternidad de lo inerte". Dix jours plus tard, toujours aucune trace de l’œuvre.


Un détour qui laisse place au mystère
Selon le Ideal de Granade, le tableau appartenait à un collectionneur privé resté anonyme. Parti de Madrid le 2 octobre avec 56 autres œuvres, le Picasso devait rejoindre Grenade à bord d’un fourgon d’une société de transport basée à Pinto. Le lendemain, à l’arrivée, il manquait à l’appel.
Un détail intrigue les enquêteurs : le trajet, d’ordinaire direct, a connu une pause inattendue. Les deux convoyeurs ont choisi de passer la nuit à Deifontes, un village tranquille à 25 kilomètres de la destination finale. D’après la police, ils assurent s’être relayés pour veiller sur le véhicule. Rien d’anormal, jurent-ils. Pourtant, au matin, le chef-d’œuvre s’est volatilisé.
Le Picasso disparu, sous l’œil aveugle des caméras
Le 3 octobre, à dix heures tapantes, le fourgon se gare devant le Centre culturel CajaGranada. Sous l’œil des caméras, les caisses sont déchargées, empilées dans l’ascenseur, puis hissées jusqu’à la salle d’exposition. Rien d’anormal, a priori.
Sauf qu’un détail interpelle : les colis ne sont pas tous numérotés. Impossible, donc, de vérifier précisément si chaque œuvre annoncée est bien là, sans ouvrir les caisses. Les transporteurs signent les bons, repartent. Les œuvres, elles, passent le week-end sous vidéosurveillance.
Ce n’est que le lundi matin, lors du déballage, que la commissaire de l’exposition et le responsable des collections remarquent le manque. Le petit gouache de Picasso — Nature morte à la guitare, 12,7 sur 9,8 centimètres, une guitare posée sur une table — a disparu. Et les caméras n’ont rien vu passer.
De Madrid à Grenade, la police cherche toujours
La Fondation CajaGranada, organisatrice de l’exposition, a déposé plainte le 10 octobre, quatre jours après avoir constaté la disparition. Elle assure collaborer sans réserve avec les enquêteurs. Le service des vols d’œuvres d’art de la Police nationale cherche à déterminer à quel moment du trajet — entre Madrid, Deifontes et Grenade — la pièce a pu disparaître.
Petit format mais grande signature : Nature morte à la guitare avait été vendue il y a quelques années autour de 60.000 euros, selon la galerie Ledor Fine Art. Pour l’assurance, elle en vaut dix fois plus, soit 600.000 euros.
Aucune piste n’est écartée : erreur d’inventaire, vol improvisé ou disparition savamment organisée. Ce qui est certain, c’est que le Picasso n’a jamais franchi la porte de la salle d’exposition. À vingt-cinq minutes de son point d’arrivée, le mystère reste entier — aussi opaque qu’un tableau sans lumière…
Sur le même sujet













