Si on vous demande de citer des artistes peintres ou sculpteurs espagnols, il y a fort à parier que les noms de Dali, Picasso, Goya ou encore Sorolla vous viendront rapidement à l’esprit. Mais si, à présent, on vous demande de nommer une femme ?... Et oui, en général, c’est la sèche. Alors, ouvrez grands vos carnets et affûtez vos stylos : aujourd’hui, nous mettons en lumière ces artistes oubliées, ces femmes qui ont défié les cadres et réinventé la scène artistique espagnole.


Luisa Roldán (1652-1706)

Dans l’Espagne baroque, où l’art était un territoire jalousement gardé par les hommes, une femme a sculpté son propre destin à coups de ciseaux et de gouges. Luisa Ignacia Roldán, mieux connue sous le nom de La Roldana, fut l’une des premières femmes à exercer ce métier de manière professionnelle dans le pays. Spécialiste du bois polychrome, elle insufflait à ses figures religieuses une intensité saisissante, si bien que leurs visages semblaient respirer la ferveur et la douleur. Son talent l’a menée jusqu’à la cour royale, où elle imposa son art dans un monde où l’on ne l’attendait pas.
Rosario de Velasco (1904-1991)
Peintre aux influences symbolistes et réalistes, Rosario de Velasco a exploré des thèmes allant de la mythologie à la condition féminine. Son style épuré et ses compositions fortes lui ont permis de se tailler une place dans l’art du XXe siècle, tâche difficile pour les femmes de cette période.
Maruja Mallo (1902-1995)
Figure du surréalisme espagnol, Maruja Mallo a insufflé à la Génération de 27 un vent de liberté et d’audace, aux côtés de Dalí et García Lorca. Peintre des contrastes et de l’imaginaire, elle maniait la couleur comme une explosion et les formes géométriques comme une partition rythmée. Ses toiles, vibrantes et oniriques, sont des fragments d’un monde en mouvement, où la rigueur mathématique danse avec le rêve. À travers son art, Mallo a défié les conventions et revendiqué une place que trop peu de femmes occupaient alors sur la scène artistique espagnole.
Sofonisba Anguissola (1532-1625)

Peintre de la Renaissance, née en Italie, Sofonisba Anguissola a brisé les codes de son époque en devenant portraitiste à la cour d’Espagne. Son talent lui a permis d’être remarquée par le roi Philippe II. Elle a su imposer un style élégant et raffiné, capturant avec finesse les expressions de ses modèles.
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Remedios Varo (1908-1963)
Exilée au Mexique dans le tumulte de la guerre civile espagnole, Remedios Varo a trouvé refuge dans la peinture comme d’autres dans les songes. Figure incontournable du surréalisme, elle a tissé un univers où la science flirte avec l’ésotérisme, où l’invisible se révèle à travers des toiles d’une étrangeté fascinante.
Dans ses compositions, des silhouettes énigmatiques semblent traverser des mondes secrets, suspendues entre l’alchimie et le mystère. Son art, à la croisée de la raison et du fantastique, continue d’envoûter, comme un grimoire dont chaque détail recèle une vérité cachée.
Leonora Carrington (1917-2011)
Née en Angleterre mais adoptée par l’Espagne – et, avouons-le, l’une de nos favorites – Leonora Carrington a sculpté son propre mythe au cœur du surréalisme. Rebelle, insaisissable, elle a tissé un univers peuplé de créatures énigmatiques et de symboles alchimiques. Ses toiles sont des passages secrets, des portes ouvertes sur un monde où la métamorphose est reine et où la réalité vacille. Muse et magicienne, elle n’a jamais suivi les règles du jeu : elle les a réécrites, créant une œuvre hypnotique qui continue de hanter l’imaginaire collectif.
Eulalia Valldosera (1963-)

Artiste contemporaine, Eulalia Valldosera utilise l’installation et la performance pour explorer la mémoire, l’identité et le rôle des femmes dans la société. Son travail met en lumière les liens invisibles entre les objets et les émotions. Lumières projetées, objets du quotidien détournés, gestes suspendus dans le temps : son œuvre est un dialogue entre l’intime et l’universel, une invitation à voir au-delà des apparences. Dans son monde, chaque détail raconte une histoire, chaque ombre murmure une vérité.
Cristina Iglesias (1956-)

Avec Cristina Iglesias, la sculpture devient une expérience, une plongée sensorielle où matière et lumière dialoguent en silence. Reconnue sur la scène internationale, elle érige des installations monumentales en bronze, ciment et verre, façonnant des paysages où la nature semble reprendre ses droits. Ses œuvres, à la frontière entre architecture et art, captent l’instant, jouent avec les textures et transforment l’espace en une invitation à la contemplation. Entre ombre et reflets, ses créations ne se contentent pas d’être regardées : elles s’explorent, s’éprouvent, s’habitent.