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MALNUTRITION - Les enfants espagnols ont de mauvaises habitudes alimentaires. Et les vôtres ?

Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 13 mai 2014, mis à jour le 14 mai 2014

L'Espagne est la cible d'un triple constat : ses enfants mangent mal, peu, voire pas de fruits et ne font pas suffisamment de sport. Faute à la précarité des ménages ? Aux mauvaises habitudes et au sacre de l'enfant-roi ? Quelles conséquences sur la santé ? Quid du rôle de l'Ecole ? Décryptage de la malnutrition à l'espagnole avec l'aide de Patricia Weissend, directrice générale de Materne Espagne.

(Photo CC Gaulsstin)

Les multinationales sur le secteur de la nutrition infantile en Espagne sont nombreuses mais la prise de conscience sur la nécessité d'une bonne alimentation dès l'enfance est encore lente. Le Français Materne tente de s'insérer depuis deux ans dans ce marché qu'il partage avec le Suisse Hero ou encore Danone, présent en Espagne depuis 2007, via ses produits laitiers majoritairement. Malgré ces acteurs incontournables de la nutrition infantile et les politiques publiques espagnoles, la nutrition peine à s'imposer comme nécessité.

Le fruit : parent pauvre de l'alimentation des petits Espagnols
Materne se concentre, comme à son habitude, sur les fruits naturels. Un élément que l'entreprise considère oublié de l'alimentation des petits. Ce que corrobore l'étude de la Fundación Thao  en mars 2014 estimant que ?32% des enfants [3-12 ans] ne mangent pas même un morceau de fruit par jour et 41% ne mangent pas de légumes de façon quotidienne.? Ce qui place l'Espagne loin de l'objectif des cinq fruits et légumes par jour fixé par l'OMS, soit 400 grammes ?ce qui correspond à cinq rations de 80 grammes? précise Patricia Weissend (Photo lepetitjournal.com). Selon elle, si ?l'Europe en général sous-consomme du fruit, la France en consomme plus que l'Espagne?? Mais n'est pas non plus un exemple puisque l'Hexagone se place à la 9e place des pays européens consommateurs de fruits, loin derrière la Pologne, l'Italie, l'Allemagne ou encore l'Autriche. L'Espagne n'est pas même dans les 20 premiers, déplore la directrice générale.

Cette dernière est rentrée chez Materne en juin 2013, après avoir élaboré l'équivalent espagnol et international de notre Pom'potes française, ?Gogo squeez?. Au départ de cette implantation, le constat qu'?en Espagne on ne mange pas de compote? et la conviction que ce produit est élémentaire et profondément essentiel dans l'alimentation des enfants. Quand cette maman est arrivée en Espagne, elle s'est d'abord rendu compte qu'il n'y en n'avait pas. ?Je me suis dis : mais pourquoi il n'y a pas de compote ? Et puis je voyais toutes mes copines françaises résidant dans le pays ramener des valises de Pom'potes de France pour que leurs enfants puissent en avoir? explique-t-elle. Elle y a vu un manque à palier. Depuis, il est désormais possible de trouver des ?Gogo squeez? dans les supermarchés de la Péninsule.  

patricia weissend materne espagne
Certains professionnels dénoncent ?entre autre- le principe de ?l'enfant-roi?. Pour Patricia Weissend les enfants espagnols consomment ?peu de fruits ?. En cause : la volonté des mères espagnoles de faire plaisir à leur enfant. Si cela ne ressort pas de ses études, elle a observé au fil de ses rencontres qu'elles sont ?très permissives? et que par conséquent, ?le moment du gouter représente le summum de la permissivité?. Parmi les autres obstacles à la consommation du fruit, ?il y a également une histoire de paresse? explique-t-elle. Et d'ajouter, ?préparer et manger des fruits suppose plus d'effort?. Sans oublier le rôle de l'éducation qui pèse fortement sur les habitudes alimentaires. Pour illustrer, elle évoque une notion qui fait consensus en Europe, celle de ?prime au diplôme?, soit ?plus les enfants sont éduqués, plus ils savent qu'il faut bien manger.? En bref, Sous façade de l'alimentation ?méditerranéenne?, les Espagnols  n'ont pas toujours une alimentation saine et ?consomment beaucoup de choses grasses comme des beignets? sans forcément en être conscient.

Aux origines de cette malnutrition : la précarité des familles
Patricia Weissend considère que ?les facteurs de consommation de fruits sont liés au pouvoir d'achat ce qui, avec la crise, ne doit pas s'arranger?. Et ce qui vaut pour les fruits vaut pour l'alimentation en général. D'après l'agence Europa Press, l'Alliance nationale contre la faim et la malnutrition d'Espagne (ACHM-E), réunie pour la première fois à Oviedo en octobre dernier, a rendu son rapport final au mois de mars. Il relève un total de 16% de la population espagnole souffrant de malnutrition. Son directeur, Benito Alaez estime que ces données ?mettent en relief la relation entre la pauvreté et une alimentation inadéquate, plus qu'entre la pauvreté et la faim à proprement parler?. La situation se serait ?sévèrement aggravée? depuis les 10 dernières années et se reflète sur la consommation des ménages.

Selon le quotidien français Libération, l'association des pédiatres espagnols a quant à elle relevé que ?les difficultés financières des familles affectent non pas la quantité mais la qualité et la variété des aliments donnés aux enfants.? En effet, selon le récent rapport Nielsen (lire notre article à ce sujet) 77% des Espagnols auraient changé leurs habitudes de consommation par rapport à l'année dernière dans le but de faire des économies.

Un récent rapport du parlement européen paru en mars 2014 dénonce le poids de la pauvreté des enfants sur les problèmes de nutrition infantile et prend pour exemple le cas de l'Andalousie - et à moindre échelle de l'Estrémadure et des Canaries - qui ont ouvert leurs écoles et cantines l'été dernier. L'objectif : ?apporter un soutien aux enfants vivant dans des conditions précaires?. Cette initiative espagnole débutée en juillet 2013 a profité à 8.000 enfants dans 132 collèges d'Espagne. Elle faisait alors suite à la publication par Eurostat d'une étude recensant près de 2.2 millions d'enfants espagnols encourant le risque de souffrir de malnutrition. Le Secrétaire général du Parti Socialiste de Madrid, Tomás Gómez, a interpelé il y a quelques semaine à l'Assemblée madrilène le Président de la Communauté, Ignacio González, lui demandant que perdure l'initiative cet été, a rapporté le site espagnol La Información.

Le rapport européen va encore plus loin et pointe du doigt les liens entre alimentation et difficultés scolaires : ?des enseignants ont remarqué que des enfants s'endormaient de fatigue et parce qu'ils n'avaient pas une alimentation appropriée. Pendant les cours d'été, un petit-déjeuner, un déjeuner et un goûter composés de fruits frais, de poisson, de viande et de légumes ont été servis aux enfants.? De l'avis du rapport, la pauvreté des familles espagnoles est la cause principale. ?En 2013, l'Unicef a constaté que 20 % des enfants espagnols âgés de 0 à 7 ans vivaient dans des ménages dont le revenu équivalent était inférieur à 50 % du revenu médian? rapporte l'étude.
 
Maux et solutions : quand malnutrition rime avec obésité
L'Agence Espagnole de Sécurité Alimentaire et de Nutrition a depuis 2006 intégré à ses fonctions ?la promotion de la santé dans le domaine de la nutrition et dans la prévention de l'obésité?. Cet élargissement des compétences n'est pas sans lien avec les chiffres de l'obésité qui ne cessent d'augmenter ces dernières années. Selon l'étude de la Fundación Thao, rapportée par le quotidien ABC, l'obésité (7.1%) et le surpoids (21.2%) toucheraient en 2013, 28.3% des 3-12 ans en Espagne. Soit 5.835 enfants. Pour Patricia Weissend, il s'agit avant tout ?d'un problème de santé publique?. Le rapport de mars 2014 évoque ?une situation préoccupante? où plus d'un enfant sur quatre âgé de la même tranche d'âge serait atteint de surpoids (21.3%) voire d'obésité (7.2%). En cause également le manque d'éducation physique et sportive. Le rapport démontre que ?36.5% des enfants n'effectuent aucune activité physique durant le week-end. Et parmi eux 10% ne font pas de sport du tout?.

A la question des solutions, Patricia Weissend pense au ?programme de sensibilisation des enfants au sein des écoles? lancé en 2012. C'est pour elle un premier pas vers la prise de conscience. Il y a donc d'un côté des démarches gouvernementales comme le programme NAOS (Estrategia para la Nutrición, Actividad Física y Prevención de la Obesidad) qui ?préconise les mêmes choses que le Programme National Nutrition Santé en France? basé sur le principe de ?manger-bouger?. Sauf qu'en Espagne, il n'y a pas de légifération comme en France et les entreprises y adhérent sans obligation, ce que déplore la directrice générale de Materne Espagne.  

De l'autre côté, il y a les mesures concrètes. C'est ce que réclament les associations de parents, syndicats de professeurs et d'étudiants à l'origine de la ?Plateforme étatique pour l'Ecole Publique?. Cette initiative a mis  en place le mois dernier une campagne contre la malnutrition infantile, rapporte l'agence Europa Press. Elle a fait des cantines scolaires son cheval de bataille et lance un appel aux administrations éducatives pour que le problème de l'accès aux cantines soit géré ?de façon urgente et adéquate?. Parmi leurs revendications : des bourses pour couvrir les coûts de la demi-pension pour les élèves dont au moins un des deux parents est au chômage ainsi que la réouverture des cantines fermées.

Laura LAVENNE (www.lepetitjournal.com ? Espagne) mercredi 14 mai 2014
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Publié le 13 mai 2014, mis à jour le 14 mai 2014

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