Édition internationale

ENTRETIENS DE ROYAUMONT - Première délocalisation hors de France, à Madrid

Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 1 octobre 2014

La semaine dernière, dans le cadre des 120 ans de la CFECI, était organisée à l'Athénée de Madrid, la première session délocalisée des entretiens de Royaumont, le premier think tank économique de France. Economistes, diplomates, responsables politiques et chefs d'entreprise ont débattu tout au long de la journée, cherchant notamment à élaborer des parallèles entre la France et l'Espagne. Sur la thématique "Impôt, dépense publique, croissance : construire un triangle vertueux", ils auront finalement mis en valeur que le défi transcende largement les frontières nationales, et se pose au niveau européen.

(Photo Coloralia)

Venu inaugurer la première édition des entretiens de Royaumont organisée hors des frontières de l'Hexagone, Jérôme Chartier, Président du think tank, a annoncé la tenue en Pologne, au Maroc et en Grande-Bretagne notamment, d'autres journées de réflexion délocalisées, qui devraient donner un écho transfrontalier au grand-messe annuel, prévu cette année les 6 et 7 décembre en France. Dans cette dynamique, le choix de commencer par Madrid via un partenariat avec la Chambre Franco-Espagnole de Commerce et d'Industrie (CFECI) apparaît comme la confirmation du rayonnement dont jouit cette dernière, certes, mais il démontre par ailleurs l'intérêt que portent les décideurs français sur ce qui est en train de se passer actuellement en Espagne.
A la tribune, divers représentants du gouvernement espagnol n'ont pas manqué de chanter les louanges du "miracle" espagnol. Ana Palacio, ex-ministre des Affaires étrangères, a évoqué le "marasme dans lequel se trouvait le pays à l'été 2012", rappelant qu'à l'époque "personne n'aurait parié un sou sur sa capacité de récupération". Antonio Beteta, Secrétaire d'Etat des administrations publiques, a, quant à lui, détaillé les mesures prises par le gouvernement, pour redresser la 4e économie européenne. La réduction des dépenses de l'Etat a été au c?ur de son discours. "Pour pouvoir dépenser, il faut d'abord payer ses dettes", a-t-il souligné, "c'est la seule façon de récupérer la confiance des créanciers et des marchés". Au passage, le Secrétaire d'Etat en a profité pour annoncer la baisse des impôts prévue par la réforme fiscale en cours.

La spécificité espagnole peut-elle apporter des réponses au dilemme de la France ? Les choix effectués pour la sortie de crise sont transposables de l'autre côté des Pyrénées ? "Dans l'Europe du Sud qui peine à s'en sortir, l'Espagne apparaît comme l'élève appliqué, qui certes continue à connaître une situation difficile, mais montre des signes encourageants", a estimé Jérôme Chartier, en introduction aux débats. "Les entreprises y ont accepté de relever un défi considérable, en baissant drastiquement les effectifs, pour miser sur la compétitivité. La France n'a pas du tout pris la même optique", estimait-il encore. Face au miracle espagnol, la sinistrose française : déficit public record, faible croissance, balance commerciale en berne. "Vouloir absolument conserver un modèle du passé, est-ce une solution, face à cette situation de crise structurelle ?", s'est interrogé le Président des entretiens de Royaumont. "Notre modèle social a vécu", jugeait-il plus tard.
Alors, avec ses prévisions de croissance à 1,3% et sa balance commerciale excédentaire, mais aussi son taux de chômage à plus de 25%, l'Espagne peut elle constituer un modèle pour la France, notamment concernant la dépense publique ? "Attention, il en faut très peu pour que le cercle vertueux de l'un se transforme en cercle vicieux de l'autre", a averti l'Ambassadeur de France en Espagne, Jérôme Bonnafont. "L'Histoire et le système fiscal d'un pays sont intimement liés", a-t-il expliqué, "sans consensus social, un modèle fiscal ne fonctionne pas".

Face à la crainte que l'Europe "n'entre dans sa décennie perdue", pour reprendre l'expression de Jérôme Chartier, les intervenants en ont appelé à encore plus d'Europe. "Le risque n'est plus l'éclatement de l'euro", a reconnu Jérôme Bonnafont, "le risque c'est aujourd'hui l'enlisement économique et un scénario de fin de croissance". "Il y a actuellement en Europe un pessimisme qui sape la confiance des citoyens", a regretté Ana Palacio. Et d'ajouter : "L'Europe souffre d'un manque de stratégie pour expliquer ce à quoi elle sert". Si elle doit retrouver un discours pour sauvegarder sa légitimité, c'est à travers la solidarité entre les nations que l'UE pourrait trouver ce dernier. L'appel à une véritable politique assurant la "croissance pour tous" à été réitéré par l'Ambassadeur de France. "Nous avons besoin d'une politique monétaire adaptée, d'une politique énergétique permettant de baisser les coûts trop élevés sur le continent, d'un financement des interconnexions pris en charge par l'UE", a-t-il évoqué. "La France et l'Espagne parlent d'une même voix, lorsqu'elles défendent une politique européenne qui mette au premier plan la stimulation de la croissance et l'emploi", a-t-il insisté.

Afin de générer le débat, trois tables rondes ont été organisées. Premier thème : "réussir la croissance, financée aussi par la dépense publique et non contrainte par l'impôt". Au cours des échanges, la nécessité de stimuler l'investissement technologique a notamment été soulevée. "L'investissement européen est 15% plus faible qu'en 2008", a-t-on regretté. "Il n'y a pas d'investissement idéologique", a estimé Bernard Spitz, Président de la Fédération française des sociétés d'assurance, "il y a des bons et des mauvais investissements". Second thème : "existe-t-il un impôt juste qui génère de la ressource fiscale sans pénaliser la croissance ?" Jugé indispensable, mais fondamentalement injuste par les participants du débat, l'impôt serait certainement plus efficace s'il était harmonisé au niveau européen, ont-ils estimé. "Le paradis, ce serait qu'en Europe on ait un seul impôt, et que l'on paye tous le même", a déclaré Gianmarco Monsellato, DG du cabinet d'avocats TAJ. "Nous avons besoin d'un impôt compétitif, stable et certain", a-t-il par ailleurs détaillé. Dernier thème : "Quel modèle pour une dépense publique productive et productiviste ?" "Je rejette l'idée que nous ayons pour horizon une croissance zéro", a déclaré Nicolas Bouzou, économiste. "Nous vivons en réalité un phénomène d'hyper croissance, qui implique des hyper dettes, des hyper taux de chômage et qui requiert une hyper restructuration".

Menace et opportunité : cette combinaison d'idéogrammes chinois permettant de former le mot "crise", reprise par Antonio Beteta lors de son intervention, résume assez bien la croisée des chemins à laquelle se trouvent actuellement les grandes économies européennes telles que la France et l'Espagne. Et si tout au long de la journée, les débats auront oscillé d'un idéogramme à l'autre, ils auront participé à enrichir une réflexion que la CFECI souhaite partager entre sa communauté de membres. "Les personnalités qui interviennent en cette occasion et qui mutualisent avec nous leurs données, idées et illusions, participent à la réflexion que chacun d'entre nous doit avoir, et à notre capacité de participer à la construction d'un projet commun", a déclaré Domingo San Felipe, Président de la CFECI.

Vincent GARNIER (www.lepetitjournal.com - Espagne) Mercredi 1er octobre 2014
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Publié le 30 septembre 2014, mis à jour le 1 octobre 2014
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