L'Espagne est-il un pays de corrompus ? La dernière affaire qui touche de plein fouet le parti au pouvoir, allant jusqu'à viser le Premier ministre Mariano Rajoy (qui a démenti), a poussé ce week-end de nombreux analystes internationaux à se poser la question. Géographie des scandales dont les investigations sont toujours en cours.
(Photo Creative Commons Images_of_Money)
ANDALOUSIE
Territoire en plein boom urbanistique au cours des années 2000, l'Andalousie a vu éclater de nombreux cas de corruption liés à cette activité économique florissante dans les années qui suivirent, impliquant des hommes politiques, des hommes d'affaires, des avocats voire même des artistes. Scandale le plus retentissant : l'affaire Malaya, qui prend racine dans les coursives de la mairie de Marbella, célèbre cité balnéaire prisée des touristes du monde entier. De nombreux fonctionnaires locaux sont impliqués dans cette affaire, dont d'anciens maires. Des ramifications sont établies dans la plupart des grandes villes andalouses (Málaga, Cadix, Huelva, Murcie, Marbella etc.). La somme de 240 millions d'euros d'argent public détourné a été avancée récemment par le journal catalan La Vanguardía. L'enquête, ouverte en 2005, s'est déroulée en plusieurs phases, dont la dernière concerne des accusations de blanchiment d'argent : ce week-end, le journal de centre-gauche El País évoquait la fin anticipée du procès, avec les dernières audiences, dont celle de la chanteuse et actrice espagnole, Isabel Pantoja.
Parmi les autres scandales présumés de corruption en Andalousie, notons l'affaire Astapa (l'ex-maire d'un petit village, Estepona, impliqué pour falsification de documents publics et blanchiment d'argent, ce qui lui a déjà coûté 6 mois de prison préventive), l'affaire Mercasevilla (pots-de-vin autour d'une école hôtelière, impliquant des anciens responsables du marché central de Séville), l'affaire ERE (malversations financières autour d'un plan de départ en retraite anticipée massif dans plusieurs entreprises de la région, fixé par le gouvernement local), etc...
BALEARES
Ce petit bijou du tourisme espagnol a aussi été le cadre de projets d'équipements de grande envergure au cours de la dernière décennie. Parmi eux, et n'en déplaise aux amoureux de la bicyclette, la Palma Arena, du nom du vélodrome couvert construit sur les terres chaudes de Palma de Majorque (l'enceinte renferme aussi une salle polyvalente, pouvant accueillir des concerts). Inaugurée au printemps 2007 au moment des championnats du monde de cyclisme sur piste, la Palma Arena s'est brutalement heurtée à des vicissitudes internes, qui ont largement terni son image : fin 2007, des adversaires politiques de l'ancien chef du gouvernement régional, Jaume Matas (Parti populaire), l'accusent d'avoir doublé le coût de construction du projet, le suspectant de s'être octroyé au passage de l'argent public. L'affaire, qui a conduit Mautas à être condamné à six ans de prison en 2012, trouve des prolongements actuels dans l'affaire Noós (du nom d'une fondation dirigée par le duc de Palma et gendre du Roi d'Espagne, Iñaki Urdangarin) : le 23 février, Iñaki Urdangarin est convoqué devant la justice espagnole pour répondre pour des faits présumés de fraude fiscale. Il a déjà été mis en examen pour avoir détourné 5,8 millions d'euros lorsqu'il assurait la présidence de la fondation Noós (institut chargé d'organiser un congrès international autour du sport et du tourisme dans les Baléares). Son ex-associé chez Noós, Diego Torres, comparaîtra le 16 février, rapporte El País.
En début d'année, l'organisme officiel Transparency international a publié son rapport annuel concernant la corruption dans le monde, prenant la forme d'un classement par pays : l'Espagne apparaît dans la liste des pays "les moins corrompus", en 30e position, huit rangs derrière la France. Selon ce classement, le Danemark, la Finlande et la Nouvelle-Zélande sont les pays les moins touchés par ce phénomène. L'Afghanistan, la Corée du Nord et la Somalie, font partie, eux, des plus mauvais élèves en la matière. |
CATALOGNE
Le Palais de la musique catalane est une prestigieuse salle de concert nichée dans le quartier douillet de Saint-Pierre à Barcelone. Inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO en 1997, l'enceinte n'en finit plus d'alimenter pourtant les pages judiciaires de la presse espagnole. En cause : des investigations ouvertes en juillet 2009 portant sur des rétro-commissions en l'échange de l'attribution d'appels d'offres. Le Palais de la musique (Palau de la música en catalan), construit au début du XXe siècle, avait besoin d'un sérieux lifting. La somme de 30 millions d'euros d'argent public détourné est rapidement avancée. Des connexions sont établies avec des hommes politiques locaux, dont une branche de la coalition au pouvoir en place, les nationalistes de centre-droit Convergence et Union (CiU). La justice catalane suspecte Convergence Démocratique Catalane (CDC) d'avoir détourné 3,3 millions d'euros, remettant en cause le financement interne du parti et affectant nombreux de ses membres. L'enquête est toujours ouverte.
Parmi les autres affaires qui ont toujours cours en Catalogne, on peut aussi signaler l'affaire Pretoria (délits présumés de corruption urbanistique et de blanchiment d'argent public, pour une somme de 45 millions d'euros). Le président du gouvernement actuel, Artur Mas, a convoqué un sommet extraordinaire anticorruption. Une date doit bientôt être fixée.
MADRID
La capitale espagnole n'échappe pas à la tendance, au contraire. L'affaire des "papiers de Bárcenas", du nom de l'ex-trésorier du Parti populaire espagnol, est là pour le démontrer. Le 18 janvier dernier, le journal de centre-droit El Mundo avait lâché une véritable bombe en affirmant que pendant deux décennies, les principaux dirigeants du parti actuellement au pouvoir avaient touché des enveloppes contenant entre 5.000 et 15.000 euros, en provenance d'entreprises privées. 22 millions d'euros auraient même été dissimulés sur un compte du parti en Suisse. Jeudi dernier, cette affaire a pris une tournure hautement scandaleuse quand le journal El País a publié des photos de comptes manuscrits faisant apparaître le nom du Premier ministre espagnol, Mariano Rajoy. Lequel a démenti fermement ce samedi : "Jamais, je répète, jamais je n'ai reçu ni distribué d'argent au noir." L'affaire Bárcenas se trouve dans le prolongement de l'affaire Gürtel : une affaire de rétro-commissions lors de contrats de construction impliquant des dirigeants politiques de la Communauté de Madrid, mais aussi de celle de Valence.
Damien LEMAÎTRE (www.lepetitjournal.com - Espagne) Lundi 4 février 2013
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