Pour quiconque n'est pas né en Espagne, il peut sembler étrange de jeter des chèvres du haut des clochers, de se faire courser par des taureaux en furie ou de se battre dans les rues un jour durant à grands coups de tomates. L'Espagne possède son lot de traditions et fêtes insolites, dont les bizarreries sont expliquées ici.
Le "saute-bébé" à Castrillo de Murcia
Cette petite ville près de Burgos accueille la tradition ancienne et singulière du Colacho à la fin du mois de juin : un homme habillé comme le diable saute au dessus d'un tapis couvert des bébés de la ville nés dans l'année. L'opération doit les purifier des mauvais esprits et les protéger des péchés futurs. Le pape Benoit XVI avait demandé l'arrêt de ce rituel, jugé dangereux, sans succès ; aucun accident n'a été rapporté jusqu'à présent, et la fête date de 1620.
Batailles de rue en tous genres
D'eau, pour commencer : à Lanjarón, dans la région de Grenade, la Saint Jean est le prétexte d'une bataille d'eau géante qui démarre le 23 juin à minuit et qui, officiellement, se termine une heure plus tard... Sans compter les prolongations.
De vin : le 29 juin, on s'asperge de vin dans la petite commune de Haro, dans la région viticole de La Rioja, à grand renfort d'outres et de pulvérisateurs.
De tomates : la célèbre Tomatina de Buñol qui accueille des touristes du monde entier pour se jeter des tomates toute la journée du 27 août.
Ou de fleurs : à Valence, la bataille de fleurs clôture la Foire de Juillet. À l'origine démonstration de faste dans les banquets aristocratiques, la bataille donne aujourd'hui lieu à un cortège de plus d'une quarantaine de chars qui lancent poétiquement des fleurs sur les visiteurs, qui les jettent moins poétiquement les uns sur les autres.
Se faire courser par un taureau à Pampelune
Pour la San Fermín, Pampelune accueille des millions de visiteurs qui n'ont pas peur de se lever à 8 heures du matin pour participer/assister à l'encierro, où les volontaires se font courser par les taureaux qui vont combattre lors des corridas. Une tradition qui compte chaque année son lot de blessés et d'encornés. 107 au total en 1997, un record ! Sans compter les taureaux qui refusent de quitter l'étable et qui courent après l'heure prévue (en 1932), qui font demi-tour dans le parcours (en 1988), ou qui s'échappent et tombent dans le fleuve (comme en 1915, 1922 ou 1957).
Se faire transporter dans un cercueil qui aurait pu être le sien
Dans la petite ville de Las Nieves, dans le Nord-Ouest, on célèbre la sainte patronne de la résurrection, Santa Maria de Ribarteme. Le 29 juillet, les personnes qui ont eu une expérience de mort imminente dans l'année (un coma avancé, un séjour en service de réanimation) sont amenées à l'église dans un cercueil pour une grande messe qui célèbre leur retour à la vie.
Célébrer la Fête de la Branche dans les îles Canaries
Le 4 août, il est d'usage de parcourir les rues d'Agaete, en Grande Canarie, en agitant des branches en l'air ou en frappant énergiquement la mer. Cet ancien rite aborigène était supposé faire tomber la pluie. Les branches sont ensuite données en offrande à la Vierge de Las Nieves pour prévenir la sécheresse pendant l'année.
L'accueil des prostituées à Salamanque
Lunes de Aguas, le lundi qui suit le Lundi de Pâques, met Salamanque à la fête. Au XVIème siècle, le roi Philippe II d'Espagne, de passage avant son mariage dans la ville célèbre pour ses fêtes débauchées, avait décidé d'éloigner les prostituées de l'autre côté de la rivière Tormos pendant le Carême pour éviter toute tentations. Depuis, Lunes de Aguas voit une foule de personnes en liesse rassemblées au bord de la rivière, à l'origine pour souhaiter la bienvenue aux prostituées tenues à l'écart.
Étrangetés animalières
El Puig, petit village de la province de Valence, organise en janvier une bataille de rats morts. Les rongeurs sont enfermés dans une cage pendue à un arbre que les habitants frappent comme une piñata, puis sont achevés après être tombés par terre, pour divertir les habitants.
À Lekeitio, au Pays-Basque, on pend des oies à une corde élastique au-dessus du port lors des fêtes de San Antolin, début septembre. Les jeunes de la région doivent ensuite s'accrocher aux volatiles pour ne pas tomber à l'eau... Les bêtes finissent bien sûr décapitées.
Enfin, à Manganeses de la Polvorosa, petit village de Castille et Léon, la tradition voulait qu'une chèvre soit lancée du haut du clocher du village pour donner le coup d'envoi des fêtes de la Saint Vincent. Depuis 2012, le lancer a été interdit, et la chèvre est simplement transportée de village en village pour les bals de la semaine. D'autres manifestations touchant aux animaux commencent d'ailleurs à être interdites sous la pression de diverses associations, apportant une limite à ces pratiques ancestrales.
Lison RABUEL