Résidant depuis 16 ans en Belgique où elle est conseillère communale Ecolo, Perrine Ledan est la candidate EELV dans la 4e circonscription des Français de l'étranger. Elle a décidé de s'engager « après avoir fait le constat, comme beaucoup d'autres, que sans prise de pouvoir au niveau local, national et européen, les propositions écologistes resteraient lettre morte »
Lepetitjournal.com : Pouvez-vous nous résumer votre parcours et nous préciser quels sont vos liens avec le Benelux ?
Perrine Ledan : L'expatriation de courte ou longue durée, mon identité européenne, des professions qui m'ont amené sur le terrain ou au contraire qui m'ont permis de prendre du recul par rapport aux enjeux sociaux-culturels ou géopolitiques de notre monde, et pour finir un engagement pour la défense des droits de l'homme qui s'est mué en engagement politique pourraient résumer mon parcours. J'ai voyagé et résidé dans un certain nombre de pays en Europe, en Afrique et au Proche-Orient notamment en tant que journaliste, le premier métier que j'ai exercé. Cela m'a donné l'occasion de vivre des choses très fortes avec des personnes et des populations diverses, dans des lieux et contextes socio-culturels aux antipodes les uns des autres, et aussi de vivre de près des transitions politiques (Afrique du sud, Tchécoslovaquie) ou des périodes de conflit (Liban, ex-Yougoslavie). Cela m'a forgée. Un beau jour, observer les autres est devenu insuffisant et j'ai eu envie d'être dans l'action à leurs côtés. Comme bénévole dans des organisations de défense des droits de l'homme puis dans mon travail dans le domaine de la coopération internationale, notamment culturelle, ou dans le travail de terrain ici en Belgique auprès d'associations qui font un remarquable travail d'éducation à la culture dans des quartiers à forte mixité comme Molenbeek. Et si mon port d'attache est la Bretagne, je peux affirmer que parallèlement à ces racines que je revendique souvent, mon identité européenne a toujours été forte et mon passage par Erasmus en Italie n'a fait que la consolider.
Il y a 16 ans, je suis arrivée en Belgique pour travailler pour un programme européen, presque une évidence pour moi, et j'y suis restée. Mes liens avec ce pays sont profonds car mes 3 enfants sont franco-belges et j'ai aussi fait le choix de m'engager aussi ici. C'est ainsi que je suis devenue en 2012 conseillère communale Ecolo dans l'opposition, à Uccle, une commune du sud de Bruxelles. Je travaille avec le tissu associatif belge, je soutiens dans ma commune des initiatives citoyennes (épicerie collaborative, frigo solidaire, compost partagé, ?) et défends auprès de la majorité la transition écologique de la commune (plan nature, augmentation du nombre de pistes cyclables, jardins partagés, aménagement en faveur de la diminution de la facture énergétique, transparence,?) . Je vis donc pleinement ma citoyenneté de résidence. Et grâce à mes compagnons de route d'Europe Ecologie Les Verts, je suis en lien avec les Français du Luxembourg et des Pays-Bas.
Quelles ont été vos motivations pour entrer en politique ?
L'envie de s'engager, de ne plus être seulement spectatrice de la vie politique alors que, comme nous tous, je constatais les périls environnementaux, l'épuisement d'un système, et les menaces sociales grandir. Après avoir fait le constat, comme beaucoup d'autres, que sans prise de pouvoir au niveau local, national et européen, les propositions écologistes resteraient lettre morte, j'ai décidé de m'engager. J'aime l'idée de pouvoir relayer les besoins de tous les Français, et de jouer le rôle de porte-parole. A dire vrai, il y a beaucoup de choses que je n'aime pas dans la politique mais, j'ai vraiment plaisir à débattre pour défendre mes idées et mes convictions. Je considère le combat politique comme un passage obligé pour défendre un projet. Mais cela devrait rester une étape, un passage, et je suis pleinement favorable au non cumul des mandats dans le temps.
Il y a déjà de nombreuses candidatures, vous portez les couleurs de EELV, n'aviez-vous pas une possibilité d'alliance, notamment avec le candidat du PS comme pour la Présidentielle ?
Notre candidature a été l'une des premières à se déclarer et mon investiture au sein d'EELV date déjà du mois de décembre 2016. Nous avons d'ailleurs été présents dans la campagne de soutien à la candidature de Benoit Hamon et à ce titre j'ai animé en mars dernier une rencontre passionnante avec Damien Carême, le maire de Grande Synthe une ville de la périphérie de Dunkerque. Un maire qui n'a pas craint de s'engager fortement en faveur des réfugiés et qui a réussi à convaincre le gouvernement en place de ne pas détruire ce camp exemplaire. Exemplaire, c'est aussi le terme que j'ai envie d'utiliser pour ce maire exceptionnel qui applique au quotidien l'écologie dans sa ville et qui est soutenu par l'ensemble de la population.
Comme vous le savez, il y a plusieurs mois, Philip Cordery a affiché son soutien à la candidature d'Emmanuel Macron et a signifié publiquement qu'il était disponible pour être investi par En marche pour cette élection. Bien qu'investi par le Parti socialiste en 2017, il n'a pas soutenu le candidat à la présidentielle désigné par son parti, et a même fait partie de celles et ceux qui lui ont savonné la planche en ralliant Emmanuel Macron dès le premier tour de la présidentielle. La confiance que nous avions en Philip Cordery en 2012 est aujourd'hui définitivement rompue.
Mon candidat à la présidentielle était Benoit Hamon, gagnant de la primaire de la belle alliance à laquelle EELV s'est rallié, fait suffisamment exceptionnel pour être souligné, car nous nous retrouvions dans ce projet choisi par les militants et les citoyens de gauche. Aucune alliance ne pouvait être envisagée avec le député sortant, qui n'a pas soutenu le projet de Benoit Hamon, projet auquel j'adhère totalement ainsi que la très grande majorité de nos militants du Benelux. Par ailleurs, vous ne pouvez ignorer qu'il existe aujourd'hui un réel hiatus entre la direction du Parti socialiste et sa base. Cela est vrai au niveau national mais aussi au niveau local et notamment au Benelux.
En revanche, j'observe de près les dynamiques qui se créent autour de personnalités de gauche et notamment socialistes qui défendent elles aussi un projet écologiste et solidaire. Et j'aspire à un rassemblement des forces citoyennes, capables de permettre à tous ceux, quelle que soit leur appartenance partisane passée ou actuelle, de rejoindre un mouvement qui aurait pour objectif de rompre avec le système, en faveur des citoyens, de notre environnement et donc de notre avenir collectif.
Quel bilan portez-vous sur l'action du député sortant, Philip Cordery ? Sur quel (s) plan (s) auriez-vous agi différemment ?
Ce bilan ne me semble pas positif, même si Philip Cordery s'est efforcé de s'occuper de certaines questions relatives aux Français du Benelux. Mais un député n'agit pas que pour le bien de ses électeurs et de sa circonscription. Il vote les lois qui s'appliquent à l'ensemble des citoyens et du territoire français. Or force est de constater que le Philip Cordery a suivi la ligne imposée par le couple exécutif Hollande-Valls. Sa voix n'a jamais manqué à l'Assemblée nationale sur les lois les plus controversées de la majorité sortante: le CICE et ses cadeaux fiscaux sans contrepartie aux entreprises, la loi travail, l'état d'urgence. Il a également été extrêmement timide sur la question de la déchéance de la nationalité qui, bien que non adoptée, restera une tache indélébile sur ce quinquennat, et qui est par ailleurs une question cruciale pour bon nombre d'expatriés binationaux.
On peut reconnaître l'engagement de Philip Cordery en faveur de l'Europe et des questions sociétales (mariage pour tous, PMA, fin de vie). Mais les résultats sont extrêmement faibles en la matière puisqu'absolument aucune initiative n'a été prise par le gouvernement et la majorité sortante sur les questions européennes, et si nous pouvons nous féliciter de l'adoption du mariage pour tous, il n'y a pas eu d'avancée quant à l'accès à la PMA pour tous, ni surtout pourrais-je dire, tant cette problématique est au cours de la vie de chacun d'entre nous et des familles, à la mise en place d'une politique d'accompagnement dans la dignité et le respect des personnes en fin de vie, comme cela peut par exemple exister en Belgique.
Moi, députée, j'aurais respecté le mandat donné par les citoyens sur la base du programme de 2012, en me battant pour une réorientation de la construction européenne et en prenant des initiatives sur le plan écologique. Je n'aurais pas hésité à signer une motion de censure contre le gouvernement Valls sur la loi travail car le travail d'un député n'est pas de suivre les yeux fermés ce qu'ordonne le Président ou le Premier Ministre. Un député tient son mandat des électeurs, pas du Président ou du Premier Ministre, et se doit donc - c'est la base même du travail législatif- de contrôler l'exécutif et de rappeler au président les engagements qui l'ont fait élire.
Quelles sont vos 3 priorités parmi les problématiques concernant les Français vivant à l'étranger ?
Une première priorité pour moi est à la fois la transparence et l'écoute. Contrairement à ceux dont la politique est le métier, j'exerce une profession indépendante et mon seul regret dans cette campagne est de ne pouvoir aller à la rencontre de tous les Français, car je ne peux pas me permettre d'arrêter totalement de travailler pour mener campagne sur tout le territoire de notre circonscription, en dehors des capitales de chacun de ces pays. Nous organisons de nombreuses réunions publiques, nous sommes à la disposition de chacun. Mais j'aurais aimé faire plus. Si je suis élue, ce sera une priorité.
Ma seconde priorité concerne la meilleure prise en compte du statut de Français de l'étranger qui implique un débat sur la fiscalité, la retraite, le retour en France, la mobilité France, et une gestion plus durable et écologique des institutions françaises de notre circonscription (consulats, ambassades, écoles et lycées).
Enfin, je souhaiterais vraiment favoriser le renforcement de la coopération entre la France et les 3 pays du Benelux sur des sujets comme l'éducation en français (notamment aux Pays-Bas et au Luxembourg), la reconnaissance des diplômes, les liens entre universités, mais aussi les droits des Français (résidence), la lutte contre l'évasion fiscale, le développement des pôles communs de création et d'innovation dans les arts comme dans les énergies renouvelables, les NTIC ou l'agriculture par exemple. La richesse et la complémentarité de ces territoires doit être encore plus exploitée et mise en commun. Les initiatives citoyennes et celles des entrepreneurs français qui collaborent avec leur pendant belge, luxembourgeois ou néerlandais doivent aussi être soutenues C'est l'idée que je me fais de la construction européenne et j'aimerais y contribuer en tant que député.
Quelle est votre réaction à l'élection d'Emmanuel Macron ? Si vous êtes élue, pensez-vous soutenir son travail ou être dans l'opposition ?
Un soulagement tout d'abord. Je me félicite que les Français aient marqué, en dépit d'un fort taux d'abstention, un désaccord sans équivoque avec la candidature de Marine Le Pen. De l'intérêt ensuite pour une personnalité qui essaye de se distinguer du reste de la classe politique, répondant en cela aux aspirations légitimes des Français. Sa singularité dans sa vie privée me le rend aussi sympathique car il faut du courage pour affronter le regard des autres. Mais je suis aussi perplexe et inquiète. Ce président, comme son Premier ministre Edouard Philippe sont des personnalités qui ont sans aucun doute des qualités pour mener à bien leur tâche. Mais, au regard de leurs parcours politiques respectifs, j'ai bien peur qu'ils ne prennent pas la mesure de l'urgence sur le climat et de ce que nous considérons comme la fin d'un système. J'ai très peur des orientations qui vont être prises sur le nucléaire et l'enfouissement des déchets. Ce n'est pas ma vision de la société à laquelle j'aspire. Et je regrette qu'Emmanuel Macron n'envisage pas de nous amener vers une société post-croissance qui protège à la fois les personnes et l'environnement. Cette société que des milliers de Français et d'élus locaux n'ont pas attendu pour mettre en place à leur échelon.
Si je suis élue, j'agirais en adéquation avec mes valeurs et mes convictions, en accord avec le projet que je porte aujourd'hui. Mais je me refuse également à tout dogmatisme, une chose que je déteste en politique comme ailleurs. Si le gouvernement propose une loi juste, écologique, solidaire, je n'hésiterais pas un instant à la voter. L'arrivée de Nicolas Hulot au gouvernement comme ministre de la transition écologique et solidaire est une très bonne chose. Je m'en réjouis et j'espère qu'il aura les coudées franches pour ?uvre en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique. Il aura besoin de tout le soutien des députés écologistes à l'Assemblée nationale pour pouvoir travailler sereinement. La loi de moralisation de la vie politique que porte François Bayrou est également une très bonne chose et bien entendu je soutiendrai une telle loi si je suis élue. Mais dès que les intérêts des plus faibles, l'atteinte aux libertés publiques ou la protection de l'environnement seront menacés, dès que la loi se fera complice des intérêts des lobbys industriels ou corporatistes, alors je voterais non, avec fermeté et sans intransigeance.
MPP (www.lepetitjournal.com) lundi 29 mai 2017
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