Suite à l'annulation par le Conseil constitutionnel du scrutin de juin 2017, les élections législatives pour (ré)élire un député sur la 5e circonscription des Français de l'étranger (Espagne, Portugal, Andorre, Monaco), auront lieu les 8 et 22 avril. Nous avons sollicité l'ensemble des candidats afin, sur cette courte campagne, de les présenter à notre lectorat.
Mehdi Benlahcen, candidat du Parti Socialiste, est enseignant de profession. Il s´est établi depuis 2008 à Lisbonne et enseigne au Lycée Charles Lepierre. Depuis, il n´a cessé de participer, sur divers plans, à la vie de la communauté française. Il est devenu membre de l´Adfe, puis vice-président et enfin président de la section Portugal. Il est aussi élu consulaire et président du groupe de gauche "Français du monde, Écologie et Solidarité" à l’Assemblée des Français de l’Étranger. Il a participé, entre autres, à la création de l´association Entreprendre.pt afin d’aider au développement économique français dans la circonscription.
Lepetitjournal.com/Lisbonne : Qu’est-ce qui vous motive à prendre part à ces élections législatives alors qu´il y a quelques mois, en 2017, vous étiez candidat aux élections sénatoriales?
Mehdi Benlahcen : Oui, c’est le hasard complet puisque c’est la justice qui a annulé cette élection et que je n’étais pas candidat la dernière fois. Pourtant, mon désir d’être parlementaire, pour défendre les intérêts de mes concitoyens, était déjà bien présent, puisque j’étais candidat à la sénatoriale. Mais parlons plutôt de l’avenir. De fait, je suis l’un des élus les plus expérimentés sur ce territoire et je connais bien la 5ème circonscription. Président du groupe "Français du monde, Écologie et Solidarité" à l’Assemblée des Français de l’étranger, je suis le candidat du terrain et de l’expérience, et le seul candidat de gauche capable de battre la candidate LREM au second tour. Celle-là même qui retire l’amendement sur la CSG-CRDS à la demande du gouvernement et l’amendement sur le budget de l’AEFE à la demande aussi du gouvernement : on empêche ainsi tout débat sur ces sujets à l’Assemblée. Dès lors, il est essentiel d’avoir des députés d’opposition dans l’hémicycle.
Pouvez-vous résumer pour nos lecteurs les grandes lignes de ce que vous avez fait jusqu´à maintenant ?
Professeur au lycée français de Lisbonne depuis 2008, je suis au service des Français de l’étranger depuis 2009. A travers mon engagement bénévole dans l’associatif (Membre du bureau national de Français du Monde depuis 2011, vice-président de l’association de 2012 à 2014, président de la section Portugal depuis novembre 2012), j’ai participé à la création et l’évolution de structures permettant à nos compatriotes une intégration plus solide et bénéfique à la fois à l’économie locale et au rayonnement des activités portées par les Français.
Elu consulaire et président du groupe de gauche "Français du monde, Écologie et Solidarité" à l’Assemblée des Français de l’Étranger (AFE) depuis 2014, j’y défends les intérêts des Français du Portugal. J’ai notamment porté lors de la dernière session de mars 2018, le projet de labellisation des associations d’aide à l’emploi : Labellisation des initiatives d'aide à l'emploi des Français de l'étranger.
Par ailleurs, je suis ancré dans la vie économique de terrain par mon investissement au sein de l’entreprise de tourisme dont je suis associé - j’ai participé à la création et à l’essor de l’association Entreprendre.pt depuis 2012 - afin d’aider au développement du tissu entrepreneurial français de la circonscription.
Au Portugal, j’ai été en première ligne lors de combats tels que la défense de l’Institut Français du Portugal, et la création de l’école française de Campo de Ourique.
Ailleurs dans la circonscription, je me suis battu avec succès pour que des tournées consulaires soient organisées en Andorre afin de permettre aux résidents français de réaliser leurs papiers officiels sur leur lieu de résidence – celles-ci commencent justement ce printemps. Je mettrai tout en œuvre pour qu’un système similaire soit mis en place dans les régions d’Espagne où cela est nécessaire – notamment les zones insulaires.
Vous êtes candidat PS. Quelles sont les mesures-phares que vous portez pour la 5ème circonscription?
Mon programme s’appuie sur mon expérience d’élu de terrain. A la fois sur ce que j’ai pu mettre en place au Portugal sur ces quatre dernières années, et à la fois sur le travail effectué par moi et l’ensemble des conseillers AFE qui doit être mieux utilisé.
Ce dont nous avons besoin, c’est d’un contre-pouvoir. Pas d’un supplétif dans la majorité d’Emmanuel Macron, mais bien d’élus qui s’opposent, en particulier au démantèlement des lycées rançais, et qui proposent des solutions ancrées dans la vie des Français de la circonscription.
J’ai donc développé 7 priorités qui déclinent 45 propositions :
1. Faciliter l’accès à l’enseignement en langue française au plus grand nombre.
2. Mieux accompagner les entrepreneurs français de la 5ème circonscription.
3. Mieux accompagner les Français de la 5ème circonscription dans leur recherche d’emploi.
4. Mieux protéger les personnes retraitées.
5. Garantir des services consulaires de qualité.
6. Favoriser l’accès à la culture française.
7. Pour une 5ème circonscription éco-responsable.
Le détail de mon programme est consultable ici : http://www.mb2018.fr/programme/
Je suis le candidat du réel, du terrain et de l’expérience.
Le PS connaît des difficultés depuis un certain temps et la montée en puissance de LREM a porté un coup au parti, qu´avez-vous à dire sur cette situation et comment évaluez-vous vos chances d´être élu?
Il y a également un vrai désamour de LREM qui s’installe. 76% des Français qui trouvent que la politique du gouvernement est faite pour une catégorie sociale, cela montre un certain désarroi de la population française
Ici aussi, nous allons de déception en déception, et personne n’est épargné : les retraités supportent des hausses de cotisation sociale et de CSG, les jeunes et les profs subissent des suppressions de postes et de financements pour les lycées français, les entrepreneurs des TPE-PME françaises à l’étranger se sentent délaissés…
Plutôt que de se demander à quelle sauce nous serons mangés, il faut aller voter maintenant, car c’est l’avenir de vos enfants qui se décide.
Une des sujets d´actualité depuis juin 2017, c’est la suppression de 33 millions d’euros du budget de l’AEFE. C’est une question qui revient chez les Français de l’Etranger. Où vous situez-vous dans ce dossier ?
Il faut bien que les électeurs se rendent compte que l’on parle d’une coupe en cours d’exercice budgétaire. L’AEFE avait déjà réalisé 7 mois de son année lorsque le gouvernement a décidé de lui supprimer 8% de son budget ! Le plus grave, ce sont les conséquences, et notamment la suppression des 512 postes de contrats d’expatrié ou de résident, et l’augmentation des frais de scolarité qu’elles entraînent.
L’INSEE a confirmé la semaine dernière que la France avait réalisé 2% de croissance. C’est autant de recettes fiscales supplémentaires qui auraient dû permettre le maintien de ces 33 millions €.
Le principal risque dans ces élections législatives partielles, n´est-ce-pas la faible participation attendue?
La participation risque d’être faible en effet. Les Français de la 5ème circonscription doivent se rendre compte de l’enjeu de cette élection. Autant les intentions de LREM pouvaient apparaître floues il y a un an, autant maintenant elles sont très claires.
Si LREM sort vainqueur de cette élection, ils se sentiront légitimés dans la poursuite et l’accélération de leur politique. Il est important d’aller voter car nous avons besoin de contre-pouvoir, et d’une voix qui défende les Français de la circonscription.
N´existe-t-il pas un risque à terme que les postes de députés des Français de l’Etranger soient supprimés étant donné la faible participation de l´electorat ?
Bien sûr le risque existe ! Avec la hausse des cotisations sociales et de la CSG CRDS, la mise en difficulté des lycées français à travers le monde, le détricotage de la représentation locale des Français de l’étranger… On voit bien que les Français de l’étranger ne sont une priorité du gouvernement que lorsqu’il faut faire des économies. Un débat va s’engager au mois de juin sur la réforme institutionnelle et la diminution du nombre de parlementaires, avec un vrai risque de faire passer l’élection des députés Français de l’étranger à la proportionnelle.
Que pensez-vous de la décision du Conseil constitutionnel concernant la 5ème circonscription?
Pour tout vous dire, je suis assez choqué que le début de cette campagne ait été vampirisé par le commentaire de cette décision. L’élection de la députée Samantha Cazebonne a été invalidée par une décision du Conseil constitutionnel, qui est incontestable en droit. Et pourtant, depuis le 2 février dernier on entend deux candidats dire partout que la décision est injuste ou infondée. Quand on aspire à être parlementaire, on commence par respecter les institutions de notre république, les décisions de justice.
Les 10 mois qui se sont écoulés ont été l’occasion de voir l’évolution de la politique d’Emmanuel Macron. Les dernières élections législatives partielles dans le Val d’Oise ou le Territoire de Belfort ont été remportées par Les Républicains ou de justesse par LREM en Guyane. Quels sont vos commentaires sur cette réalité?
Je crois que depuis un an LREM a fondé ses succès électoraux sur la peur des extrêmes et sa présence au second tour face au FN ou LFI. Que ce soit lors de la présidentielle ou lors de la législative sur notre circonscription de juin dernier, on a bien senti que les électeurs votaient pour LREM autant par adhésion que par défaut.
D’ailleurs que constatons-nous aujourd’hui ? Sur toutes les partielles qui se sont déroulées depuis un an, à chaque fois que LREM s’est retrouvée au second tour face à un parti classique, LR ou PS, elle a été battue. Le dernier exemple étant la victoire de Joel Aviragnet (PS) en Haute-Garonne avec 70% des voix. La seule partielle gagnée par LREM est celle qui s’est déroulée en Guyane, et où elle s’est retrouvée au second tour face à LFI. Cela démontre une fois tout le bénéfice que tire LREM de la présence de LFI au second tour.
C’est pour cela que LREM cherche à s’installer dans cette campagne sur un duel avec LFI et ne faire croire ainsi qu’il n’y a qu’un seul choix possible.
Je le dis aux Français de la 5ème circonscription, si vous voulez tourner dès aujourd’hui la page LREM sur notre circonscription, et voter pour la défense de vos intérêts, il faut voter pour moi dès le premier tour, car je suis le seul à pouvoir rassembler l’opposition au second tour.
Vous êtes installé au Portugal depuis plusieurs années et un nombre élevé de Français s´installent depuis environ 4 ans dans le pays pour des raisons, entre autres, d´ordre fiscal. Qu´avez-vous à dire, comme candidat à la 5ème circonscription, sur cette réalité?
Attention à ne pas tomber dans la caricature. Les retraités dits « RNH » ne constituent pas la majorité des Français qui s’installent au Portugal. La situation des deux lycées français qui connaissent des listes d’attente sans précédent montre bien que la sociologie de l’installation n’est pas forcément celle que l’on croit. De nombreux quadras en quête de projets entrepreneuriaux s’installent aujourd’hui au Portugal. En outre, les retraités du service public français se retrouvent dans une situation de double-imposition très difficile à vivre. Ces situations sont malheureusement occultées par l’image de retraités très privilégiés au Portugal.
La fiscalité est le propre de l’Etat portugais et n’est pas du ressort d’un député français. Cependant, j’ai toujours essayé d’accompagner au mieux ceux qui en ont besoin. En juin 2017, j’avais été auditionné par la commission des finances du Sénat par rapport à la nouvelle convention fiscale.
C’est pour aider au mieux cette population fragilisée par de multiples informations contradictoires et des jurisprudences changeantes que j’organise une à deux fois par an des réunions d’informations sur ce sujet, en allant à la rencontre des retraités du Portugal. Ces réunions sont très importantes pour moi car elles me permettent de garder le contact avec mes administrés. Je m’engage donc à en faire de même lorsque je serai député.