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Erik Orsenna : "J'aime comprendre, je suis un élève perpétuel"

Erik OrsennaErik Orsenna
©M.J. Sobral
Écrit par Adèle Guilluy et Maria Sobral
Publié le 6 février 2020, mis à jour le 6 février 2020

"Un roman d'amour tous les 10 ans", c'était la promesse de l'écrivain Erik Orsenna qui est, effectivement de retour avec une histoire d'amour passionnelle : "Briser en nous la mer gelée", disponible depuis le 3 janvier aux Éditions Gallimard.

De passage à Lisbonne, il est intervenu lors de La Nuit Des Idées -organisée le 30 janvier, par l´Ambassade de France et l´Institut Français du Portugal en partenariat avec la fondation Gulbenkian- dans une conférence abordant le savoir, la politique, ou encore l'écologie. À cette occasion, il a aussi présenté son ouvrage, à l´IFP et a accordé une interview au Lepetitjournal.
 
 

Lepetitjournal. : Vous étiez un des orateurs de la Nuit des Idées à Lisbonne. Qu'est-ce-que cela a signifié pour vous ?
Erik Orsenna : Je suis admiratif de ce qui a été produit durant la Nuit des Idées. Parce que cela se déroule, au même moment dans le monde entier, et c'est un moment particulièrement crucial lors duquel tout le savoir est remis en cause. Le savoir est considéré comme appartenant aux élites et il y a une contestation générale de cette élite. Dire que le savoir est pour tous est nécessaire, c'est absolument clef. Ce qui m'a frappé, c'est de voir ces milliers de gens, parmi lesquels beaucoup de jeunes, qui se pressaient pour assister aux conférences. C'était un moment particulièrement joyeux et particulièrement réconfortant. On a beaucoup de dirigeants, ces temps-ci, qui choisissent d'être contre le savoir, contre les idées. Ils choisissent d'être pour les contre-vérités. Il y a de plus en plus de gens qui pensent que la Terre est plate et qui créent des associations pour défendre cette idée. Nous sommes dans une période dangereuse. C'est pourquoi cette Nuit des Idées est particulièrement intéressante et particulièrement nécessaire.

 
Donc, cela vous a surpris de voir autant de monde y participer ?
Ce qui m'a surpris, c'est de voir leur gourmandise pour la diversité des conférences. C'est également de voir qu'il y avait plus de jeunes que de gens d'un certain âge. C'est formidable de voir la Fondation Calouste Gulbenkian accueillir autant de jeunes. Je trouve ça absolument merveilleux, j'étais fier et joyeux de participer à cette manifestation.


Le thème de cette nuit interroge sur notre époque, quelles sont les réflexions majeures à mener de nos jours dans nos sociétés ?
Pour moi, il y a trois questions qui me semblent majeures. La première c'est le dérèglement de notre planète qui ne peut plus supporter notre rythme de croissance. Deuxièmement il y a la croissance des inégalités et l'absence, pour une bonne moitié de l'humanité, de toute espérance, ce qui engendre de la violence. Enfin, ce sont les critiques du système, les critiques de la vérité. Ces trois menaces s'activent les unes les autres. Quand on ne croit plus au savoir, on ne croit plus aux menaces qui pèsent sur la planète et on ne croit plus non plus que l'inégalité est profondément mauvaise et que ça tue l'espérance. Nous sommes dans une spirale qui peut être dangereuse.
 
 
Vous êtes considéré comme l'une des figures phare de la littérature contemporaine, notamment grâce à votre œuvre L'Exposition Coloniale et puis vous écrivez sur des sujets d'actualité. Comment vous voyez-vous ? Et il y a-t-il une sorte de mission dans votre écriture ?
J'ai une mission d'abord personnelle : j'aime comprendre, je suis un élève perpétuel. Je suis extrêmement ému de savoir que mes recherches qui m'aident à me comprendre moi-même, touchent tellement de gens. Ce qui me frappe le plus, c'est quand un petit garçon, une petite fille à qui ses parents ou grands-parents lui ont dit "c'est lui qui a écrit tel livre" vient me voir et me dit "merci Monsieur, c'est grâce à toi que j'aime lire". Ce sont des moments de grande émotion. Ou quand des gens disent "ce livre sur l'amour m'a touché" ou "grâce à vous, j'ai mieux compris ce qu'était la mondialisation". Au fond nous aurons vécu ensemble, mes lecteurs et moi. Parce que si je n'avais pas autant de lecteurs je n'aurais pas pu explorer autant. C'est eux, grâce aux livres qu'ils achètent, qui me permettent de financer mes voyages, mes enquêtes.

 
Pourquoi présenter votre livre à Lisbonne ?

J'aime Lisbonne. De tous temps elle a été la capitale de la curiosité. C'est un lieu de tolérance, de culture, qui réussit des choses intéressantes. La question que je me pose c'est : le Portugal va mieux, est ce que les Portugais vont suffisamment mieux ?
 

Quels sont vos projets ?
Je vais bientôt publier un livre sur les fleuves du monde, et puis après je vais en publier un autre sur nos relations avec l'animal puisque je fais une enquête mondiale sur le cochon.

 

"Briser en Nous la Mer Gelée"
Avec "Briser en Nous la mer Gelée", Erik Orsenna essaye de comprendre l'amour. "Parce
Briser en Nous la Mer Gelée
que je ne comprends les choses que quand je raconte. J'ai besoin de dire : il était une fois."
Explique l'académicien lors de la présentation de son livre. Son roman qui est inspiré de sa propre vie est dédié à la magistrate qui avait prononcé le divorce entre lui et celle qui est aujourd'hui sa femme. "Si elle n'avait pas été si humaine, on ne se serait pas retrouvé. Parce que grâce a elle, c'est une histoire d'amour qui continue bien. Comment elle va finir, personne ne le sait mais elle continue bien." Confie-t-il.
 
Un roman d'amour tous les 10 ans
Erik Orsenna explique que sa volonté d'écrire un roman d'amour tous les dix ans est née lorsqu'il avait 30 ans. "Je m'étais dis que comme je ne comprenais rien à l'amour, j'écrirai un roman d'amour tous les 10 ans". Promesse tenue puisqu'à 41 ans, il a publié "L'Exposition Coloniale", 10 ans plus tard est sorti "Longtemps", qui raconte une histoire d'amour passionnelle. "À 60 ans, je n'avais pas grand chose à dire et à 72 j'avais quelque chose à dire." Plaisante l'écrivain. Il nous donne donc rendez vous dans 10 ans, pour son prochain roman d'amour…


 

Publié le 6 février 2020, mis à jour le 6 février 2020

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