Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--

Ukraine - Quelles sont les réactions au Portugal ?

Manifestation à LIsbonne de soutien à l´UkraineManifestation à LIsbonne de soutien à l´Ukraine
Écrit par Thomas Ladonne
Publié le 4 mars 2022, mis à jour le 19 juin 2023

La guerre qui oppose la Russie à l’Ukraine suscite de nombreuses réactions à travers le monde. Lepetitjournal s’est intéressé au fait de voir comment les citoyens en général ainsi que les personnalités politiques portugaises conçoivent le conflit et agissent en soutien aux Ukrainiens.

Le 24 février 2022, Vladimir Poutine, le président de la République de Russie, a annoncé le début d’une « opération militaire spéciale » visant l’Ukraine.

 

La Russie et l´Ukraine, deux pays historiquement liés

La Russie et l’Ukraine sont historiquement liées puisqu’elles partagent une culture commune. Mais depuis la chute de l’URSS en 1991, l’Ukraine est devenue une nation pleinement indépendante. Aujourd’hui, le président autoritaire -Vladimir Poutine- pense profondément que l’Ukraine et la Russie sont un même pays, en effet l´Ukraine s´est affranchie de Moscou le 24 août 1991 mais était depuis 1919 un satelite de l´URSS. Or, Volodymyr Zelensky, l’actuel président de l’Ukraine affirme que « Oui, nous avons beaucoup en commun, […] mais nous ne sommes certainement pas une même nation ». Un autre pan de la relation ukraino-russe dépend des pays occidentaux, représentés par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Cette organisation est une alliance militaire fondée en 1949 sous l’impulsion des Etats-Unis, dans le contexte de la Guerre froide. A la fin de ce conflit mondial, les soviétiques défaits, demandaient une chose à l’Occident : ne pas rallier les anciennes républiques soviétiques à l’OTAN. Mais rapidement l’Alliance a accueilli dans ses rangs plusieurs de ces pays. La progressivité de ces adhésions montre d’une part la volonté démocratique des anciennes républiques socialistes, et d’autre part les velléités expansionnistes des Etats-Unis. Poutine a alors développé une grande crainte de perdre le contrôle de ces régions proches de la Russie, sur lesquelles il avait la main mise. Voir l’Ukraine rejoindre l’OTAN est donc pour lui inconcevable. Cette crainte est quelque part le point de départ du conflit. Mais aussi, la volonté croissante de l’Ukraine de s’éloigner de la Russie a joué un grand rôle dans cette escalade.

En novembre 2013, une révolution éclate à Kiev suite au refus du président pro-russe Ianoukovytch de s’associer à l’Europe, pour privilégier les relations avec la Russie. Le mouvement s’appelle Euromaïdan : l’opposition entre les Russes et les Ukrainiens est consommée. L’année d’après, la Russie s’empare de la Crimée, une région du sud de l’Ukraine très stratégique de par son accès à la Mer Noire. C’est depuis cette invasion que le conflit est constant.

 

Le point sur la situation actuelle en Ukraine

En décembre 2021, un regain de tension a été noté. La Russie a massé 100.000 soldats tout le long de la frontière ukrainienne. La région du Donbass, à l’est du pays bleu et jaune, est revendiquée par des séparatistes russes. Il y a une semaine, Poutine a donné raison aux séparatistes en reconnaissant que les territoires en question leur appartenaient bel et bien. C’est ainsi qu’il a pu annoncer son « opération militaire spéciale ». L’armée russe a donc pénétré sur le territoire ukrainien et a vite atteint la capitale, qui a notamment vu sa tour de télévision frappée par un missile mardi 1er mars. La veille, une première session de pourparlers avait lieu entre les deux belligérants. Elle s’est soldée par une volonté de cessez-le-feu du côté ukrainien, et par l’affirmation d’une volonté de démilitarisation de l’Ukraine du côté russe. La deuxième session qui a eu lieu le 3 mars aurait à priori, permis la mise en place d’un couloir humanitaire pour permettre aux civils de quitter l’Ukraine.

Les combats dans les villes de Marioupol et de Kharkiv continuent de s’intensifier. Kharkiv aurait été la cible d’une bombe thermobarique mardi soir. L’ONU a recensé plus de 100.000 personnes déplacées, ainsi que plus de 660.000 Ukrainiens ayant fui vers la Pologne, la Hongrie, la Moldavie ou la Roumanie. Il y a plusieurs centaines de blessés et de morts du côté ukrainien alors que la Russie ne communique pas clairement sur ses pertes.

Volodymyr Zelensky a signé une demande d’adhésion immédiate à l’Union Européenne (UE). L’Union s’est de son côté réunie en session extraordinaire ce mardi pour voter une résolution nommée « Agression russe sur l’Ukraine », comprenant notamment une aide militaire conférée par l’UE en soutien au pays envahi.

Mardi 1er mars, la ville de Kherson a été la première grande ville à tomber officiellement dans les mains russes. Jeudi 3 mars, Poutine a annoncé sa volonté de « prendre le contrôle de toute l’Ukraine ».


Une vague de soutien à l’Ukraine au Portugal

Suite à cette déclaration de guerre, l’ensemble de la communauté internationale a condamné l’action russe. La société civile, notamment en Europe de l’ouest, s’est saisie de la situation et a provoqué des mouvements de mobilisation en soutien à l’Ukraine. Au Portugal, des manifestations solidaires ont eu lieu à Lisbonne, devant l’ambassade de Russie, suite à l’appel des organisations de jeunesse des partis politiques. Des centaines de personnes ont investi un parcours reliant Restelo à la résidence du président Marcelo Rebelo de Sousa, le palais de Belém, pour former une chaîne humaine, emblème de la solidarité entre les peuples et aujourd’hui même, un autre parcours solidaire est prévu dans Lisbonne. Un rassemblement a aussi eu lieu à Sintra le weekend dernier, occasion pour laquelle les participants ont exhibé des pancartes armées de slogans soutenant le peuple ukrainien.

L’Organisation non gouvernementale (ONG) Amnesty International a organisé une veillée, lundi 28 février au soir, dans plusieurs villes du Portugal ; Lisbonne, Estremoz, Viseu, Chaves, Coimbra et Ponta Delgada,  pour s’unir face à la guerre. Cette ONG se mobilise pour le respect strict des droits de l’Homme en défendant la Déclaration universelle des droits de l’Homme.

La communauté ukrainienne du Portugal, qui est la troisième communauté étrangère du pays, et qui compte près de 50.000 individus, est réellement active, mobilisée et affectée par ce conflit tragique. L’union des peuples portugais et ukrainien est forte. Son expression la plus éloquente dernièrement a sûrement eu lieu dimanche dernier à l’Estadio da Luz, le stade de l’équipe de football du Benfica Lisbonne, lors de la confrontation contre Guimarães. A la 60ème minute du match l’attaquant ukrainien du club lisboète, Roman Yaremchuk, est entré sur la pelouse, en enfilant le brassard de capitaine. Le stade entier s’est livré à une standing-ovation à destination du joueur. Mais l’écho de cette ovation était aussi destiné à se propager en dehors du stade, pour atteindre le peuple ukrainien dans sa totalité. Roman Yaremchuk a été ému aux larmes suite à cela. Il faut rappeler que le sport a une influence dans le conflit, notamment de manière diplomatique : la Russie est interdite de participation à la Coupe du monde de football 2022 au Qatar, la finale de la Ligue des Champions de football initialement prévu en terres russes, aura lieu à Paris. Ces décisions vont dans le sens des réactions de la communauté internationale, et témoignent de la volonté de sanctions en opposition au Kremlin.


Des initiatives associatives et publiques au Portugal

Mise en place de la plateforme WeHelpUkraine

Au-delà des rassemblements de population, des initiatives portugaises ont vu le jour. La première est sans doute la création d’une plateforme, WeHelpUkraine.org. L’objectif de la plateforme est simple : mettre en relation ceux qui ont besoin d’aide avec ceux qui veulent aider. Ainsi, l’idée est de fonctionner à la manière de Airbnb, la plateforme de location immobilière en ligne pour des séjours plus ou moins courts. Ceux qui ont une aide à offrir mettent une annonce en ligne et les réfugiés ukrainiens qui ont besoin de ce qui est proposé peuvent se le procurer. Par exemple, si un pharmacien a des médicaments qu’il souhaite mettre à disposition, il poste une annonce sur WeHelpUkraine.org et quelqu’un qui a besoin des médicaments en question peut entrer en contact avec le pharmacien pour obtenir les médicaments. Ceci fonctionne pour des logements, des véhicules, du soutien psychologique, de l’aide médicale, de l’aide pour obtenir des documents officiels.

L’initiative provient de Hugo de Sousa, un professeur portugais exerçant à Londres, reconnu dans l’innovation numérique. Il ne concevait pas de rester inactif et a fait un appel à contribution pour mettre en place la plateforme. Une centaine de contributeurs l’ont déjà rejoint, notamment des programmeurs et des designers numériques. Ils travaillent actuellement à Lisbonne, à Beato, une freguesia (paroisse) proche du musée nationale de l’azulejo. Tout le monde est bienvenu pour aider à développer la plateforme, et aussi pour utiliser la plateforme en elle-même !


La réunion d’anciens militaires parachutistes

Un collectif d’anciens militaires parachutistes s’est formé et a manifesté sa volonté d’aller sur le terrain. L’équipe est constituée de militaires retraités âgés de 42 à 54 ans. Leur leitmotiv : aider physiquement les forces militaires ukrainiennes. Ils ne partent pas au nom du gouvernement portugais, ni en tant que mercenaires, mais en tant que volontaires officiels. Leur demande est encadrée par l’ambassade d’Ukraine au Portugal et a été formulée il y a quelques jours. Ils devraient ainsi rejoindre sous peu les rangs de la légion étrangère sur place.

 

Les mairies se mobilisent

Au niveau local, les collectivités territoriales se mobilisent, les mairies créent des espaces d’accueil aux réfugiés comme dans les villes de Vila Nova de Gaia, Setúbal ou Portalegre. En plus d’ouvrir une ligne téléphonique d’urgence, le maire de Lisbonne Carlos Moedas a annoncé lundi dernier la création d’un centre d’accueil temporaire, en réquisitionnant l’espace sportif de la police municipale. Il l’a présenté mardi à l’ambassadrice d’Ukraine au Portugal, Inna Ohnivets.

Un convoi d’une vingtaine de véhicules chargés de paquets solidaires a quitté Lisbonne mercredi, en direction de l’Ukraine.


La réaction active du gouvernement portugais

Au Portugal, les réactions des politiques sont tournées vers le soutien à l’Ukraine, et à la dénonciation de l’action russe. Le Premier ministre et le président Marcelo Rebelo de Sousa ont dénoncé la « violation flagrante du droit international » que constitue l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Le chef du gouvernement António Costa consacre cette position ferme face à la Russie et a assuré aux Ukrainiens du Portugal que leurs confrères étaient les bienvenus et pouvaient trouver refuge et sécurité dans le pays. La consigne a été donnée d’accélérer le processus de délivrance des visas pour les Ukrainiens souhaitant rejoindre le Portugal.

Le gouvernement axe sa politique sur la protection des réfugiés Ukrainiens, considérés comme « en situation de danger ». En ce sens, Ana Mendes Godinho, la ministre du Travail, de la Solidarité et de la Sécurité sociale, a annoncé que les bénéficiaires de cette protection temporaire, obtiendront automatiquement un numéro de sécurité social, un numéro fiscal et l’accès au service national de santé. En parallèle, en début de semaine, plus de 2.000 offres d’emploi ont été mises à disposition pour des réfugiés Ukrainiens arrivant au Portugal. Les thématiques de logement et de protection de la jeunesse, à travers l’accès à l’éducation notamment, sont aussi les maîtres mots de la politique gouvernementale.  

Le ministre des Affaires Etrangères Augusto Santos Silva emploie des moyens pour rapatrier les Portugais toujours en Ukraine. Sur les 202 citoyens vivant en Ukraine -selon le Ministère des affaires étrangères- 50 ont pu revenir et une nouvelle opération de rapatriement est en cours.

Le Portugal ne déploiera pas de troupes militaires sur le territoire ukrainien ont annoncé Marcelo Rebelo de Sousa et António Costa. Toutefois, l’armée dédiée aux rangs de l’OTAN (quelque 1.500 soldats) est prête à être déployée sur des territoires frontaliers, notamment en Roumanie. De l’équipement militaire constitué d’armes et de protections individuelles va être envoyé directement par le Portugal à l’Ukraine, a informé samedi  dernier le Ministère de la Défense nationale.


Le Parti Communiste Portugais (PCP) vote contre la résolution européenne sur l’invasion

Au parlement européen, le PCP a voté contre l’aide de l’UE envers l’Ukraine. Mardi 1er mars, le Parlement européen s’est réuni en session extraordinaire plénière, pour le vote de la résolution « Agression russe sur l’Ukraine ». Sur les 676 votants, 637 ont voté « pour », 26 se sont abstenus, et seulement 13 ont voté « contre », dont les membres du PCP. Cette résolution porte sur l’attribution d’une aide militaire à l’Ukraine avec les fonds de l’UE, tout en clarifiant la ligne politique de l’Union, comme par exemple la volonté de suspendre de la sphère médiatique des 27 les médias russes RT et Sputnik. Le PCP a justifié sa position en affirmant que la solution n’est pas dans l’incitation au combat, mais dans la poursuite des négociations. Ce vote dénote face à l’écrasante majorité acquise à la cause du texte européen.

 

Flash infos

    Pensez aussi à découvrir nos autres éditions