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LIVRE - "L´Allemand de ma mère" un roman de Catherine Clément

Catherine ClémentCatherine Clément
Écrit par Fernando Couto e Santos
Publié le 23 mars 2023, mis à jour le 24 mars 2023

Catherine Clément, philosophe, romancière et essayiste, autrice d´une soixantaine de livres, vient de publier aux éditions du Seuil, L´Allemand de ma mère, un roman où, autour des vies sauvées ou perdues de ses proches, elle plonge dans l´enfer de l´Occupation et de la seconde guerre mondiale. L´Allemand dont il est question dans le titre est un certain docteur Schütz qui arrive à Paris à l´automne 1938 mais dont la véritable identité ne sera connue qu´après le début de l´Occupation.


"L´Allemand de ma mère" est le dernier roman de Catherine Clément

Née le 10 février 1939 dans une famille mi-catholique mi juive, Catherine Clément jouit d´une réputation qui ne souffre pas l´ombre d´une contestation. Autrice d´une soixantaine de livres, philosophe, romancière -Le voyage de Théo, La valse inachevée, La Senora comptent parmi ses titres les plus emblématiques- et essayiste, Catherine Clément vient de publier un de ses livres les plus intimes.

L´Allemand de ma mère gravite autour de ses proches, entre autres ses parents eux-mêmes : son père Yves, que provient d´une famille catholique, et sa mère Raymonde,  issue d´une famille juive de Russie -les Gornick- qui, avant de partir en France, s´était d´abord réfugiée en Azerbaïdjan, fuyant les persécutions contre les juifs russes.
Le grand mystère du début du roman est pourtant celui qui a trait à un certain docteur Schütz, surnommé l´Allemand de ma mère. Qui est ce pauvre réfugié allemand qui arrive à Paris à l´automne 1938 alors que les lois du Reich nazi interdisent sa profession aux Juifs ! Raymonde, jeune pharmacienne et mère de la narratrice, lui vient en aide jusqu´à ce que, les soldats allemands occupant la moitié du pays, il révèle sa véritable identité.
La petite Catherine est née l´année où la seconde guerre mondiale a éclaté. Cette guerre - et surtout l´Occupation qui s´est ensuivie- a bousculé, cela va sans dire, le quotidien des Français, à plus forte raison celui de la famille de Raymonde dont les parents, Georges et Sipa -Les Gornick, on vous le rappelle-, étaient juifs.


L´Allemand de ma mère raconte une histoire personnelle

Dans ce roman, Catherine Clément a réussi la prouesse de tisser le récit de son histoire personnelle -sous une forme fictionnelle- du rappel de la Grande Histoire : l´Occupation de la France par l´Allemagne, la Révolution Nationale de Pétain et le gouvernement collabo de Vichy, la déportation vers les camps et l´antisémitisme, mais aussi l´espoir porté par la Résistance et par la France Libre de De Gaulle. Les premières années ont néanmoins été fort douloureuses. À la page 69, on peut lire ces lignes qui traduisent on ne peut mieux la nature du nouveau régime pétainiste: «Le 13 août 1940, le Maréchal proclama la Révolution nationale. Le chef de l´État possédait des pouvoirs exceptionnels, allant jusqu´à la promulgation constitutionnelle de sa propre autorité. La République n´existait plus. L´antisémitisme devint une composante de l´État français. On vit apparaître sur des murs quelques petits portraits de Pétain, appelés à se multiplier, le Maréchal sous les drapeaux surplombant un paysan français, pour rappeler l´un des principes fondateurs de la Révolution nationale : le retour à la terre, car «la Terre ne ment pas». La devise Liberté, Égalité, Fraternité fut remplacée par celle du Maréchal, Travail, Famille, Patrie, et la Légion d´Honneur fut remplacée par l´ordre de la Francisque, sous forme de francisque double inspirée de celle des licteurs romains».

Plutôt vers la fin de la guerre, les milices sévissaient et les délateurs pullulaient. Le 20 janvier 1943, en France, une loi a autorisé la Milice française à constituer des cours martiales composées de trois juges anonymes avec exécution immédiate de la peine de mort. En 1944, Georges et Sipa Gornick, réfugiés à Salviac, ont été dénoncés par deux délateurs et déportés, d´abord à Drancy, puis à Auschwitz-Birkenau : «Puis, l´immense porte s´ouvrit. Il fallut pas mal de temps pour entasser à l´intérieur les cinq mille Juifs de la seconde fournée du jour, à Birkenau, et dans l´obscurité. Une grosse demi-heure. Les douches allaient s´ouvrir mais dans le noir, on ne distinguait pas les pommeaux. Grincements au plafond, toutes et tous lèvent la tête, et déjà à cet instant précis, ils sont en train de mourir, le gaz les étouffe, ça va s´arrêter, ça s´arrête…Quinze minutes plus tard il n´y a plus aucun cri».

À la fin du roman, la Libération ramène l´espoir en France et la famille s´enrichit d´un nouveau membre.

Dans L´Allemand de ma mère, Catherine Clément fait œuvre de mémoire et, comme on nous l´annonce dans la quatrième de couverture, fait aussi souffler le grand vent de l´Histoire. Fait important, sans aucun doute. D´une part parce que, plusieurs décennies après la fin de la seconde guerre mondiale, ceux qui peuvent témoigner sont de moins en moins nombreux et d´autre part parce que les peuples, au bout du compte, apprennent très peu avec les mauvais exemples de l´Histoire. La mémoire est courte et l´égoïsme est de tout temps à l´ordre du jour…     
 
Catherine Clément, L´Allemand de ma mère, éditions du Seuil, Paris, février 2023.

 

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