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La Festa do Cinema Francês poursuit son tour du Portugal jusqu'au 20 novembre 2022

Régis Roinsard lors de la première de En attendant Bojangles au cinéma São Jorge de Lisbonne le 29 octobre 2022Régis Roinsard lors de la première de En attendant Bojangles au cinéma São Jorge de Lisbonne le 29 octobre 2022
©C.Roux - Régis Roinsard lors de la première de En attendant Bojangles au cinéma São Jorge de Lisbonne le 29 octobre 2022
Écrit par Camille Roux
Publié le 14 novembre 2022, mis à jour le 15 novembre 2022

Après douze jours intenses à Lisbonne, la Festa do Cinema Francês parcourt le Portugal jusqu'au 20 novembre prochain dans les villes de Porto, Oeiras, Lagos, Faro, Funchal, Evora et Viseu. Les téléspectateurs pourront profiter de la cinématographie française aux quatre coins du pays. Le film En attendant Bojangles du réalisateur français Régis Roinsard sera à l'affiche à Porto, Lagos, Faro, Funchal, Evora et Viseu le 19 novembre prochain, une comédie dramatique à ne pas manquer.


Entre films inédits et grand succès du cinéma français

Chaque année, la Festa do Cinema Francês permet de promouvoir la culture cinématographique française au Portugal et de renforcer encore davantage l'amitié qui unit ces deux pays. Pour cette 23 ème édition, plus de cinquante films sont à l'affiche à travers dix villes du pays. À Lisbonne, les réalisateurs se sont succédés pour présenter au public leur long-métrage en exclusivité.

À l'occasion de la projection de son film En attendant Bojangles au cinéma São Jorge de Lisbonne le 29 octobre dernier, le réalisateur Régis Roinsard a accordé un entretien exclusif à Lepetitjournal. Il se confie sur la réalisation du film, le choix des acteurs, mais également les thèmes qu'il aborde avec brio ainsi que sa conception du cinéma.

En attendant Bojangles met en scène le quotidien farfelu de Camille et Georges, follement amoureux, ainsi que de leur jeune fils Gary. Leur vie est une fête, chaque jour, et ils vivent dans la fantaisie sans se soucier du lendemain. Jusqu'au jour où Camille tombe malade, Georges et Gary mettent alors tout ce qui est en leur pouvoir pour tenter de l'aider.  

 

Lepetitjournal : Vous êtes ici dans le cadre de la Fête du Cinéma Français avec votre film En attendant Bojangles qui a reçu une très bonne critique en France lors de sa sortie en janvier dernier. Qu'est-ce que cela représente pour vous de participer à cet évènement majeur à Lisbonne ?

Régis Roinsard : A chaque fois que je suis invité dans un pays et que je fais partie d'une délégation, je suis toujours très honoré car je vois la place qu'a le cinéma français dans le monde. Je suis aussi très humble, car je suis très cinéphile, je suis très curieux des films étrangers, donc je me dis qu'il y a une cinématographie ici, un pays qui m'accueille et dont je souhaite découvrir les films, mais aussi la musique et la littérature.

 

Connaissiez-vous un déjà Lisbonne ?

C'est la deuxième fois que je me rends à Lisbonne. La première fois j'y suis passé brièvement pour un casting car dans mon second long-métrage il y a un rôle d'une traductrice portugaise. Durant ces deux jours j'ai eu un peu de temps et je me suis perdu dans Lisbonne, c'était très agréable d'ailleurs.

 

Y a-t-il des endroits que vous avez préférés ?

Je me souviens d'une petite place avec plein d'arbres en fleurs à côté d'un musée, je ne sais plus lequel, que je n'ai pas retrouvée. J'adore me perdre ici, j'aime aussi beaucoup les gens, c'est une ville très agréable.

 

Il s'agit d'un film inspiré du livre En attendant Bojangles d'Olivier Bourdeaut. Pourquoi avoir choisi de l'adapter au cinéma ? Est-ce un ouvrage qui vous a inspiré ou qui vous a touché personnellement ?

Alors oui, il me touche personnellement, mais je n'ai pas choisi le livre dans le sens où c'est plutôt lui qui est venu à moi. D'une façon assez étrange, des amis n'ont pas arrêté de m'appeler pour me dire que je devais lire ce livre et l'adapter au cinéma. Mais parfois, quand on vous parle trop d'un film ou d'un livre, vous n'avez pas envie de le lire ou d'aller au cinéma car ça devient presque obsédant. Donc moi je ne l'ai pas fait, et j'ai raconté cela un jour à un jeune producteur, qui m'a répondu qu'il venait de finir le livre, qu'il était en pleurs et que c'était à moi de réaliser ce film. Donc je l'ai lu, et j'ai été énormément ému, alors j'ai décidé de demander les droits à la fois à l'auteur et à la maison d'édition. Je savais qu'il y avait beaucoup de gens qui avaient envie de réaliser ce film, je ne sais pas exactement ce qui a plus chez moi, peut-être ma franchise, ma vision de cette histoire, et j'ai obtenu les droits. Cela a été un vrai bonheur de le faire car cela m'a permis de me poser de nombreuses questions sur la condition humaine, sur la notion de réel, d'irréel. Je suis père aussi, donc je me suis interrogé sur les notions parentales. Finalement, est-ce que notre enfance était assez joyeuse et assez folle ? Est-ce que j'ai eu des parents qui m'ont bien éduqué ? Est-ce que moi-même en tant que parent j'éduque bien ma fille ?

 

Ce qui ressort dans le film c'est beaucoup de joie, beaucoup de couleurs même dans les moments difficiles. Comment expliquez-vous cela ?

Parce que la vie est comme ça. Ce sont des choses gaies, d'autres très tristes. On ne les calcule pas, ça peut d'un seul coup surgir, et c'est ce que j'ai voulu montrer dans ce film. C'est une famille qui brutalement, même s'ils vivent dans une maison très gaie et portent des vêtements très chaleureux, ressentent à un moment des choses très sombres au fond de leur être et de leur coeur.

 

Est-ce que cela a été difficile pour vous de traiter du thème de la folie?

Oui, c'était très difficile dans le sens où pendant très longtemps j'ai eu peur de ma propre folie, et même de la folie de mes proches. Quelque fois on peut fréquenter des gens qui ont des moments assez étranges, moi cela me faisait peur et je ressentais ça comme un tsunami, j'avais presque l'impression que c'était quelque chose de l'ordre du fantastique. Il y a plein de films qui traitent de la folie que je n'ai pas voulu voir, et ce durant très longtemps. Après j'en ai vu quelques uns, et j'ai eu de moins en moins peur de ma folie puisque lorsqu'on fait du cinéma, il faut être un peu fou quand même, et à partir de là j'avais envie de traiter de cela aussi. Finalement, dans la vie, il ne faut pas avoir peur d'être fou.

 

Cela n'est-il pas lié au côté artistique, à l'art en général ?
Si totalement. Dans la folie ce qui peut faire peur c'est le fait que les personnes soient comme habitées par quelque chose, et quand on crée, selon le degré d'imagination et de concentration, cela peut être un peu le même état. Sur ce film j'avais l'impression de peindre, j'avais des pinceaux qui étaient les comédiens, la costumière, tous ces éléments qui font le cinéma, et j'avais l'impression d'être à la fois bien, mais fou, mais content d'être fou.

 

Vous avez été visité le musée de la psychiatrie, cela vous a-t-il aidé pour le film?

J'ai rencontré des gens qui ont travaillé en hôpital psychiatrique et je voulais voir comment les traitements pouvaient se faire à cette époque, dans les années 1960, et c'était très violent. J'avais aussi lu un livre qui s'appelle The Bell Jarr de Sylvia Plath, qui est un roman des années 1950 d'une écrivaine américaine qui est morte très tôt et qui avait été internée dans un hôpital psychiatrique alors qu'elle avait seulement quelques problèmes, cela m'avait marqué.

 

Vous retracez l'histoire d'un couple, puis d'une famille, qui a toujours vécu en quelque sorte à contre-courant de la société, en brisant les règles. Jusqu'au jour où cela va trop loin, lorsque Camille semble déraper. Comment s'est déroulé le choix des acteurs ? Aviez-vous déjà une idée au départ, pour les personnages de Georges et de Camille ?

C'est à la fin de l'écriture du scénario que j'ai fait un choix. Je n'aime pas choisir avant, je n'aime pas que les acteurs de maintenant m'inspirent car ils peuvent ne pas aimer le scénario, ou être indisponible, donc c'est quand le scénario était terminé que je me suis demandé quel couple je voulais voir à l'écran, quel couple pourrait avoir un enfant de cet âge. Virginie et Romain se sont rapidement mis dans mon esprit, alors je leur ai proposé en même temps. C'est un amour fou, un amour très fort, donc il faut que ça se ressente à l'écran. En plus ce sont deux très grands acteurs, mais aussi je pense deux très belles personnes, cela explique comment ils arrivent à fusionner. Et puis il y avait aussi le petit garçon, il fallait qu'on ressente que c'était leur fils, que c'était une famille. Donc tout cela c'était très important pour que le spectateur puisse accepter ces rôles et s'y identifier.

 

Pour le personnage de Gary, il y a eu un énorme casting car vous cherchiez vraiment un enfant extraordinaire. C'est vrai que lorsqu'on regarde le film, il est difficile de croire qu'un enfant de seulement neuf ans puisse jouer aussi justement. Comment s'est déroulé le tournage ?

C'est un petit garçon qui est très en avance, qui a déjà sauté deux classes, qui est extrêmement sensible, futé, créatif et qui a une vraie poésie. Après sur un tournage les enfants sont très protégés, avant même de tourner on prend tout un tas de précautions avec les parents, avec l'enfant, avec un psychologue. Sur le tournage aussi il était très entouré, il avait une préceptrice, une coach, une accompagnatrice, et ses parents aussi qui venaient très régulièrement. Pour le mettre en confiance il faut se mettre à sa hauteur, et ce n'est pas seulement être un enfant soi-même, il faut aussi se mettre physiquement à sa hauteur et le regarder droit dans les yeux. Il a aussi apporté énormément à ce film. Durant chaque scène, il a réussi à créer quelque chose. La première scène qu'on a tournée par exemple, celle où il raconte sa journée d'école et prétend qu'il a sauvé ses camarades d'un tremblement de terre, il porte les bracelets et les boucles d'oreille de sa mère, mais c'est lui qui les a mis. À chaque fois qu'il y avait un objet dans le décor, il s'en emparait et il arrivait à être créatif avec.

 

N'était-il pas difficile pour lui, à son jeune âge, de devoir jouer ce rôle quand même relativement tragique ?

Il faut comprendre que c'est du cinéma. Si vous avez cru en regardant le film que cet enfant a vécu ce qu'il a vécu c'est très bien, c'est que c'est réussi. Mais il n'a pas vécu ce que le personnage a vécu dans le film. Dans jouer la comédie il y a le terme « jeu », c'est ce que je demande à mes acteurs, c'est de retrouver cette capacité d'émerveillement, car quand on joue on peut obtenir ce genre de choses. C'était d'autant plus complexe à faire car les personnages, et plus particulièrement les parents, jouent la comédie. C'est-à-dire que même s'ils ont des rapports sincères, leur but est d'être démesurés, de s'exprimer avec des mots et des syntaxes que personne n'emploie, de se vouvoyer, tout en étant à la fois dans le jeu et dans une forme de sincérité. Ce glissement, à la fois vers la folie de la mère mais aussi vers des choses plus dramatiques, était un parcours très complexe avec les comédiens car ils passent par des émotions dignes d'un grand huit pour transmettre aux spectateurs ces mêmes émotions.

 

Pour en venir à votre parcours, vous avez étudier le cinéma à l'ESEC, l'Ecole Supérieure d'Etudes Cinématographiques de Paris, d'où vous est venue cette passion pour le cinéma ?

C'était une obsession dès mes 5 ans. Dès que j'ai vu des films à la télévision, j'ai voulu voir des films au cinéma. À l'époque, et même encore maintenant, j'étais fan des films merveilleux, de science-fiction, fantastique, avec des décors, des costumes, des films de genre au final. Je pense que c'est à l'adolescence que j'ai voulu concrétiser cela, alors je l'ai raconté à mes parents, qui habitaient une petite ville de Normandie et étaient issus de la classe moyenne, pas du tout artistes, et pourtant ils m'ont dit d'accord. J'étais très étonné, mais ils m'ont dit que depuis que j'avais cinq ans je ne parlais que de cinéma, donc cela leur paraissait évident. Ils m'ont donc permis d'aller faire une école de cinéma à Paris, et je suis content d'avoir fait tout cela, aussi pour que mes parents soient fiers de moi.

 

Quels sont les cinéastes qui vous ont inspiré, et vous inspirent encore sûrement aujourd'hui ?

Des tonnes ! Je pense que j'ai vu tous les films à grand spectacle que j'aimais dans les années 1980, comme Steven Spielberg, des films avec des personnages, des grandes histoires, des épopées, des grands westerns, du spectaculaire. J'aime bien le spectacle au cinéma. Et après, quand j'ai étudié le cinéma, j'ai découvert des cinéastes plus intimes que j'ai énormément apprécié aussi. Quand j'ai découvert, en arrivant à Paris, toute la nouvelle vague, parce qu'à la télévision il y avait du cinéma B mais pas vraiment de cinéma d'auteur, j'ai réalisé qu'on pouvait très bien mêler l'intime à des choses plus spectaculaires. Donc je m'emploi à réaliser une sorte de cinéma double, voire triple, avec un mélange des genres, du spectaculaire et des choses extrêmement intimes.

 

Quels sont vos projets pour la suite ? Travaillez-vous déjà sur un autre long-métrage ?

Je suis en train d'écrire trois films ! Cela ne m'est jamais arrivé, mais j'avais trois idées en même temps donc je me suis dit que j'allais les écrire et je vais voir lequel va gagner, lequel j'aime le plus. Mais là il y en a deux qui commencent vraiment à sortir du lot, donc je pense que je vais en développer deux, et j'aimerais si possible les tourner l'un à la suite de l'autre. C'est assez sain car on n'est pas dans l'attente d'avoir les critiques ou de savoir le résultat en salle, on ne se soucie ni du succès ni de l'insuccès du film et on trace.

 

En attendant Bojangles sera projeté à Porto, Lagos, Faro, Funchal, Evora et Viseu le 19 novembre prochain à 21 heures, mais aussi au cinéma Nos de Oeiras ce même-soir à 19 heures. Un film à ne pas manquer !


Bande annonce 

 

 

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