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ESPACE VERT - Lisbonne est-elle une capitale riche en espaces verts?

Écrit par Lepetitjournal Lisbonne
Publié le 26 juin 2014, mis à jour le 27 juin 2014

Aujourd'hui, quand on pense espace vert dans une ville, on se réfère surtout aux parcs et jardins ouverts au public, donc à l'usage de tous. Pourtant, une grande quantité de jardins privés sont à l'abri des regards et inaccessibles. Parmi ce véritable réseau vert occulte pour ce qui concerne Lisbonne, nous pourrons inclure les jardins de palais et les demeures bourgeoises, exception faite pour les jardins du Palais das Necessidades, de Belém, d'Ajuda ou de Monteiro-Mor, pour ne citer que les plus connus.

Le concept de jardin au Portugal
A la question de savoir si Lisbonne est une capitale riche en jardins, il faudra prendre en compte le parcours marginal suivi pendant longtemps par le Portugal dans sa conception d'espace vert, vision relativement éloignée d'autres nations européennes comme l'Italie, la France ou la Grande-Bretagne. Ici, le jardin fut d'abord conçu pour être refermé sur lui-même, à l'opposé donc, par exemple, de l'ouverture des jardins de la Renaissance italienne ou de la volonté d'un André Le Notre de présenter des jardins admirés de l'extérieur pour y faire parader la noblesse, ou celle de la conception romantique d'un Jean Jacques Rousseau ayant pour désir de recréer une nature d'origine et d'y inviter le plus grand nombre, selon une influence britannique bien marquée.

D'un point de vue architectonique, on considérait au Portugal, en premier lieu, qu'un jardin devait avant tout s'approcher d'"une salle de séjour", y remplissant les mêmes fonctions, pour y recevoir des personnes intimes. La diversité des espèces choisies, arbres et arbustes fleuris, était le reflet du vaste empire colonial où les Portugais avaient eu l'occasion de ramener le maximum de plantes exotiques. La topographie souvent accidentée du site choisi pour un jardin permettait de le placer sur un point élevé, afin qu'il offre une vue généreuse à celui qui le visite tout en dominant en quelque sorte l'espace environnant. Enfin, la présence d'azulejos et de bassins était l'héritage d'au moins cinq siècles d'occupation maure, avec une utilisation ingénieuse de l'eau pour assurer la pérennité du lieu pendant les étés souvent arides.

Tels étaient les quatre traits spécifiques des jardins portugais dès le début de leur apparition comme lieu de détente et de loisir. Cette conception particulière d'espace vert ne changera que progressivement. D'abord, une première «Promenade publique» (Passeio público) fut attribuée au plan général de reconstruction du Marquis de Pombal, suite au tremblement de terre de 1755, cette promenade représentant réellement le premier véritable espace vert public. Curieusement, à son inauguration en 1764, la dite promenade se présenta cloisonnée par des grilles tout au long de son parcours, semblable à toute propriété privée et, cependant, paradoxalement ouverte au public.

Les jardins et les parcs s´ouvrent au public


La situation des jardins et espaces verts de Lisbonne ne changera réellement qu'à partir de la seconde moitié du XIXº siècle, où la capitale aspirera enfin à posséder des parcs et jardins urbains de récréation ouverts à tous, comme c'était déjà le cas dans le reste de l'Europe depuis longtemps.
Cette réforme dans les mentalités et sa mise en pratique viendra, entre autres, du prince étranger Fernand de Saxe Cobourg qui, en 1834, instaurera à son tour une «promenade» ouverte au public, qui deviendra plus tard, en 1879, l'Avenue da Liberdade, l'axe central de la capitale portugaise. A la fin de ce siècle innovateur, Lisbonne se dotera également d'un jardin zoologique, en 1881, dans un but de développement culturel et scientifique, avec encore une fois l'appui de ce roi venu d'ailleurs.

Le parc forestier de Monsanto
Au XXº siècle, on verra surtout se développer le projet d'un grand parc forestier, qui soit à la mesure d'une capitale européenne et progressivement se libèrera un vaste espace pour constituer le nouveau poumon vert de Monsanto. Les premières plantations ont lieu à partir de 1938, le projet de départ divisant en six zones opérationnelles les 700 hectares disponibles. Comme essences choisies, pins maritimes et sylvestres, eucalyptus et chênes sont encore aujourd'hui les principales espèces arborées représentées, bien que les mimosas aient un impact d'envahisseurs de plus en plus marqué. Grâce aux efforts assidus de Duarte Pacheco (1899-1943), Maire de Lisbonne en 1928, puis ministre des travaux publics à partir de 1932, le projet du parc forestier de Monsanto sera finalisé en 1943, comprenant au total 900 hectares.

Développement des espaces verts dans la ville de Lisbonne

Dans le même esprit va se développer le maximum d'espaces verts et aussi pour donner un cadre aux parades propre du régime de l'époque, on voit s'ériger le parc Eduardo VII, avec l'Estufa fria, qui en est une sorte d'annexe au départ et ceci jusque dans la fin des années 1930.
Tout au long du Tage, concentré dans la zone de Belém, le même état d'esprit crée le jardin de la Praça do Império, avec ses jets d'eau, bassins et monuments imposants, qui serviront de cadre à l'Exposition coloniale du monde portugais en 1940.

Dans les années 1960, ce sera la reconversion du parc Gertrude existant depuis le XIXº siècle, qui deviendra le siège de la Fondation Calouste Gulbenkian, se dotant d'un jardin précurseur, conçu par l'architecte-paysagiste Gonçalo Ribeiro Teles. Plus proche de nous, le choix du thème des Océans et le bord du Tage comme cadre pour l'Exposition universelle de 1998 sera l'occasion de remodeler complètement cette partie de la ville appartenant jusque là au port de Lisbonne et de la reconvertir en un lieu de laser où les espaces verts ont pris une part importante tout au long du fleuve et dans le parc des Nações, incluant le jardin Garcia d'Orta, ce dernier consacré à la flore des anciennes colonies portugaises des différents continents.


Pour finir, et déjà en ce début du XXIº siècle, s'est mis en place un projet vieux de plus de trente ans, encore une fois de Ribeiro Teles, de créer un «couloir vert» dans l'une des parties les plus modernes, au nord de la capitale, afin de relier par voie pédestre et cyclable le parc Eduardo VII à celui de Monsanto. A ajouter à de nouveaux espaces verts récupérés, on y trouve de nouvelles conceptions tels des potagers urbains à la hauteur de Campolide ou des zones d'implantations céréalières spontanées dans une ancienne ferme depuis longtemps abandonnée. D'autres projets semblables peuvent se mettre en place dans un avenir plus ou moins proche, dans le but de rapprocher le citadin de la nature sans pour autant exiger de grandes transformations de son quotidien.

En somme, on trouve beaucoup d'espaces verts dans le centre de Lisbonne qu'il n'est pas toujours facile de voir, puisque se sont essentiellement des propriétés privées et il est urgent de sauvegarder les zones arborisées existantes en périphérie (Benfica, Serafina, Marvila, Alvalade, Madre de Deus, Beato, Fundão ou Chelas). Cette ceinture verte a besoin à l'avenir, sinon de s'agrandir, du moins d'être valorisée par de nouvelles plantations et une circulation facilité par de nouvelles pistes cyclable et pour piétons en leur intérieur comme pour les relier les unes aux autres. Il reste aussi à développer davantage de parcs publics essentiellement à l'Est de la capitale.

Si on comptabilise les espaces verts publics comprenant les parcs, dont Monsanto représente une part énorme, les jardins publics, les voies arborisées et les espaces verts privés accessibles comme la Tapada d'Ajuda, le parc zoologique de Sete Rios et les cimetières arborisés, on arrive à un total de plus de 1500 hectares, ce qui correspond, selon le Plan directeur de 1967, à 20 mètres carrés par habitant, surface considérée comme acceptable dans la moyenne européenne. A ceci, il faut ajouter que la situation géographique de Lisbonne à l'embouchure d'un grand fleuve donnant sur l'Atlantique la rend plus "aérée" que la majorité des autres capitales européennes.

Enfin, pour citer encore une fois Gonçalo Ribeiro Teles: "une ville comme Lisbonne doit avoir 50% de surface "perméable", donc qui absorbe les eaux de pluie, qui permette les écoulements et qui soit libre de tout asphalte, zone couverte et construite, car c'est l'eau qui définie le système dans lequel la ville doit s'intégrer".

André Laurins (www.lepetitjournal.com/lisbonne.html) vendredi 27 juin 2014
Technicien agronome (maria.friesen@sapo.pt)
(Photos : M.J. Sobral)

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Publié le 26 juin 2014, mis à jour le 27 juin 2014

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