À l’approche des prochaines élections au Pérou, l’ambiance électorale oscille entre mobilisation citoyenne et méfiance généralisée. Décryptage.


Le rituel démocratique péruvien
Tous les cinq ans, le même scénario se répète : les électeurs péruviens sont appelés à désigner leur président via un scrutin majoritaire à deux tours. Un processus qui semble bien huilé… à ceci près que, depuis plus de vingt ans, la présidence s’apparente à une fonction à haut risque. Aucun chef d’État élu depuis 2000 n’a réussi à aller au bout de son mandat sans heurts, la plupart étant rattrapés par la justice.
À cette instabilité chronique s’ajoute une défiance généralisée à l’égard des institutions et des figures politiques, souvent jugées déconnectées de la réalité.
“J’ai toujours voté par obligation, pas par conviction. Le vrai choix, c’est souvent entre deux mauvaises options”, confie Ana, 34 ans, originaire de Cusco.
Municipales : la politique au coin de la rue
Moins visibles à l’étranger mais tout aussi déterminantes, les élections municipales et régionales, organisées tous les quatre ans, permettent de désigner maires, gouverneurs et conseillers régionaux. À Lima, par exemple, 39 conseillers municipaux siègent aux côtés du maire.
C’est à cette échelle que les préoccupations les plus concrètes prennent forme : infrastructures, sécurité, éducation, gestion des déchets… Autant de sujets qui touchent directement le quotidien des citoyens.
“On vote pour des projets, mais souvent on ne voit jamais la couleur des promesses”, déplore Pedro, un habitant de la capitale.
Un vote sous tension
Au Pérou, le vote est obligatoire pour les citoyens âgés de 18 à 70 ans. Pourtant, cette obligation ne suffit plus à masquer la lassitude ambiante. La crise politique de décembre 2022 – avec la destitution de Pedro Castillo, suivie de l’accession contestée de Dina Boluarte – a ravivé une colère populaire déjà bien ancrée. Plus de 60 personnes ont perdu la vie lors des manifestations qui ont suivi.
Le slogan « ¡Que se vayan todos! » s’est imposé comme un cri du cœur collectif. Une défiance qui s’étend à toutes les sphères : exécutif, Parlement, justice… Les scandales de corruption touchant de nombreux élus ne font qu’aggraver cette perte de confiance. Même le système électoral, encadré par l’ONPE et le JNE, fait régulièrement l’objet de soupçons d’irrégularités.
Des défis à la pelle pour des élections en paix
Pour garantir des scrutins crédibles et apaisés, les autorités doivent affronter plusieurs défis de taille : préserver l’indépendance des institutions électorales, prévenir les violences politiques, renforcer la cybersécurité et lutter contre les fraudes. La logistique, elle aussi, reste un point sensible, notamment dans les zones rurales difficiles d’accès.
“Dans mon village, on doit marcher des heures pour accéder au bureau de vote. Et encore, quand il y a du matériel…”, raconte Juana, enseignante dans les Andes.
L’espoir d’un sursaut démocratique
Malgré le climat de tension, les élections sont encore perçues comme un levier de changement. La jeunesse, particulièrement active lors des récentes mobilisations, porte des revendications claires : une réforme en profondeur du système politique. L’idée d’une nouvelle Assemblée constituante revient régulièrement dans les débats. De nombreuses initiatives citoyennes voient le jour, cherchant à mieux informer les électeurs et à encourager un vote éclairé et conscient.
Les élections présidentielles de 2026 seront scrutées de près. Elles démontrent les contradictions d’un système à bout de souffle, entre démocratie fragile et dérives autoritaires. Pour les expatriés, suivre ces dynamiques permet de mieux comprendre les tensions qui traversent le Pérou.
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