

Fanny est entrée dans l'histoire de la pétanque, en relevant ses jupes, comme une Madelon de plein air, et c'est une condamnation bien douce, que de baiser le bas de son dos.
La Fanny de Marcel Pagnol était tendre, amoureuse et résignée;celle d'Ernest Feydeau était audacieuse et libertine;la nôtre est gracieuse sans ostentation, gamine sans perversion, alléchante sans affectation...
Elle est chargée de consoler ceux qui ont perdu et de leur démontrer qu'ils n'ont pas tout perdu, puisqu'ils ont l'immense privilège de pouvoir... l'embrasser sur sa partie charnue, ondoyante et ferme... à condition qu'ils n'aient marqué aucun point.
Elle est le rayon de soleil
Dans la nuit sombre d'une défaite Elle est vierge au goût de miel
Et déjà sevrée de conquêtes
Elle est la bonne fée, elle est l'espoir
L'amante des timides
Le baume des battus
La reine de la fête
La Princesse du soir...
Elle n'en tire point vanité d'une discrétion dont pourrait s'inspirer maintes femmes - et des moins belles - elle se cache la plupart du temps, derrière les volets pudiquement clos, d'une guérite de bois. Là, est son sourire figé, là elle refait toilette et ces menus ouvrages dont les déesses ont besoin. Là, elle guette sans murmure, l'hommage d'un vaincu, car elle n'a d'amis que les vaincus. Quand vient le matin d'un concours... A l'aurore déjà elle est prête, son jupon repassé est tout frais de lavande.
Et sur son nez mutin
Elle a posé une poudre de thym
On la transporte en cérémonie
Et de sa fenêtre entr'ouverte
Elle assiste muette
De bonheur
Au défilé bruyant
D'un peuple de joueurs.
Elle attendra encore, sans jamais se lasser
Patiente
Qu'une main hésitante
Et apeurée
Se risque à la caresser.
Que des lèvres très humblement
Se posent doucement
Sur ce qu'elle a... de bondissant.
Alors, il y aura des rires et de la joie, de grands mots et de longues phrases. Des phrases interminables qui feront un ruban jusqu'au lendemain. Fanny sera seule, oubliée, derrière ses volets refermés. Elle n'aura pas une plainte, ni un soupir pas même un regard d'envie. C'est son lot à elle, de sourire et d'attendre, comme l'autre Fanny attendait Marius - et comme la Joconde attend on ne sait qui... - Elle n'a été la reine que d'un moment. Mais il valait la peine d'être vécu.
Fanny est donc un monument considérable de la pétanque, et ce n'est pas au méridional Dubout que nous allons l'apprendre. Voyez plutôt avec quelle plume amoureuse et volumineuse, il l'a dessinée.
LPJ Monaco, 2006


































