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LANGUE - "A l’insu de notre plein gré"!

 

"Si j'aurais su, j'aurais pas venu", déclarait Petit Gibus dans le roman de Louis Pergaud La guerre des boutons, adapté à l'écran par Yves Boisset en 1962. Cette phrase est longtemps restée célèbre et la double erreur de concordance des temps et d'auxiliaire vite pardonnée, vu l'âge de l'enfant (l'énoncé correct étant: si j'avais su, je ne serais pas venu). Mais il est d'autres erreurs, commises par des adultes, beaucoup moins pittoresques?


Moins pardonnable, le pléonasme "incessamment sous peu" était à l'origine un effet de style expressif et humoristique pour insister sur l'imminence d'une action. Quand il est entendu dans une annonce officielle: "Le train va entrer incessamment sous peu en gare", on a du mal à croire encore à un effet de style et à un trait d'esprit!

A l'écrit, Vous n'êtes pas sans ignorer marque exactement le contraire de ce qu'on veut dire puisqu'on traite son lecteur d'ignorant; la formule étant Vous n'ignorez pas que? ou Vous n'êtes pas sans savoir que? De même, quand on remerciera, on évitera Je vous suis gré de votre réponse? et on préférera Je vous sais gré de votre réponse?, puisque la formule correcte est savoir gré (être reconnaissant).

Mais rien de tel qu'une expression écorchée par une vedette face à un média pour lui donner du retentissement. Et en période de Tour de France, l'exemple suivant est de circonstance: "à l'insu de mon plein gré", de création récente, qui est devenue rapidement la phrase symbole du sportif un peu bêta, puis du bêta tout court, qui utilise des expressions sans trop savoir ce qu'elles signifient, et qui remanie à sa façon des choses entendues.

La phrase a été prononcée en 1998 par le coureur cycliste Richard Virenque, se défendant d'avoir absorbé volontairement des produits dopants. Elle a eu un succès phénoménal (plus de 200.000 références sur Google!). Elle est utilisée dans le sens "sans que je le veuille", "sans mon accord", "à mon corps défendant", et ne connote pas toujours la bêtise. Un chômeur témoigne: "J'ai été débarqué  à l'insu de mon plein gré". Elle est en réalité l'assemblage de deux expressions autonomes: "à mon insu", sans que je le sache, et "de mon plein gré", de façon consciente et volontaire, en toute connaissance de cause.

Toujours dans le monde sportif, il y avait déjà eu cette phrase savoureuse: "Je suis bien content d'avoir gagné, mais j'essaierai de faire mieux la prochaine fois"!

Hervé Salaün, pour l'Alliance française de Buenos Aires (www.lepetitjournal.com - Buenos Aires)
- mercredi 13 juillet 2011


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