L’Afrique du Sud est considérée, et à juste titre, comme un pays de sport. Un des rares pays du continent à avoir accueilli deux coupes du monde, elle est aussi une des premières nations africaines pour le nombre de médailles aux jeux olympiques et aux jeux paralympiques. Le sport a été l’un des vecteurs privilégiés par Nelson Mandela pour créer l’embryon d’une cohésion nationale dans un pays (encore) profondément divisé par l’héritage de l’apartheid. Bénédicte Champenois Rousseau, notre sociologue "lost" in Joburg, se penche sur l’omniprésence du “gym” dans la vie sociale urbaine sud-africaine…
Bénéficiant d’un climat idéal, d’une nature d’une variété et d’une beauté à couper le souffle, elle est évidemment un pays où les sports d’extérieur sont une tradition. Un coup d’œil au rayon presse/loisirs des librairies ou des supermarchés permet de vérifier qu’y abondent les magazines qui leurs sont consacrés, poussant à explorer à pied, à vélo, en kayak ou en voiture les beautés de ses paysages. En revanche, je ne m’attendais pas en arrivant à cette omniprésence des salles de sport (ici appelés “Gyms”) dans le paysage urbain. Pas un quartier qui n’ait son ou ses gyms. Dans les quartiers défavorisés, certaines organisations ont même créé des gyms pour permettre aux habitants d’apprendre la discipline et se garder des tentations de la drogue et/ou de la petite délinquance.
L’inscription à un “gym”, dans les quartiers aisés ou “middle class” de Johannesburg, fait pratiquement partie des obligations locales, alors même que le climat et la topographie de la ville, surtout dans la partie nord, les “suburbs”, permettent une pratique hors les murs quasi permanente. Dans les discussions courantes avec les sud-africain(e)s blancs et non-blancs, viennent naturellement les mentions du gym, que ce soit pour s’excuser “il faut que j’aille au gym”, pour trouver un sujet de conversation consensuel “vous êtes inscrit(e) à quel gym?” etc. Si vous avez une assurance santé privée, celle-ci peut même (c’est le cas de la mienne) vous rembourser la moitié de votre abonnement au gym pourvu que vous y alliez un nombre minimum de fois dans l’année (de mémoire au moins une fois par semaine).
Le gym des beaux quartiers comprend plusieurs aires d’agrès divers, pour muscler plus particulièrement telle ou telle partie du corps, des tapis de marche/course et autres accessoires “cardio” : “treadmills”, marche elliptique, etc; des salles de cours pour yoga, Pilates, shape, step et toutes autres sortes de techniques, une (voire plusieurs) piscines. La fréquentation des gyms est assez élevée et les heures de pointes y sont très exotiques puisque les premiers cours commencent à cinq heures et demie du matin (!!!!) en semaine… et sept heures le week-end (ouf!). Lorsqu’on se rend au gym tôt le matin (je n’ai pas vérifié, pas encore assez acclimatée) ou en fin de journée (expérience personnelle), le gym bourdonne des exercices des professionnels venant évacuer le stress d’une journée de travail, attendre la fin des bouchons pour rentrer chez eux, ou simplement prendre soin de leur personne et se reconnecter avec leur corps.
Ce qui (me) surprend c’est la variété des gens qui fréquentent le gym, jeunes, vieux, hommes, femmes, blancs, non-blancs (dans la même proportion de leur représentation dans les quartiers aisés), et la relative mixité de l’utilisation de tous les espaces/cours. Alors que j’avais plutôt une représentation clivée et genrée: aux hommes les agrès et aux femmes les cours, celle-ci ne semble pas avoir cours ici. Les femmes brassent (aussi) de la fonte, et les hommes suivent (aussi) les cours de Pilates, de stretching ou de yoga. Les sud-africains, plus que nous (enfin que moi) semblent avoir une connaissance de techniques du corps variées, les nuances du yoga et ses différentes versions n’ont pas de secret pour eux. J’ai même trouvé sur le Web un brasseur de fonte expatrié qui comparait favorablement la pratique des gyms sud-africains à celle des gyms états-uniens où l’on s’entraîne sérieusement, contrairement à l’Europe…
Je me suis demandée quels facteurs pouvaient conduire à cet engouement pour le gym.
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A propos de Bénédicte Champenois Rousseau
Installée en Afrique du Sud depuis octobre 2015, Bénédicte est sociologue et a enseigné la sociologie en France notamment à Sciences Po Paris tout en effectuant des missions de recherche pour des organismes de recherché publics ou des organisations non gouvernementales. Ses sujets de predilection: la santé publique, l’éducation et le “women empowerment”. Elle a créé à Johannesburg le réseau professionnel de femmes francophones Work In The City JHB et met en oeuvre son goût pour l’écriture sur son blog Ngisafunda.